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Locataires de CUS Habitat et au milieu des moisissures depuis des années

Des locataires de CUS Habitat à l’Esplanade réclament que leur bailleur traite leurs logements contre les moisissures. Certains sont confrontés au problème depuis plusieurs années.

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Locataires de CUS Habitat et au milieu des moisissures depuis des années

Le long de la fenêtre de sa chambre, les papiers peints se décollent et laissent apparaître un mur gris foncé, moisi. Julie habite au dernier étage d’un immeuble HLM dans le quartier de l’Esplanade à Strasbourg.

Cela fait deux décennies que sa famille a emménagé rue de Palerme, à quelques enjambées du campus universitaire et du centre commercial de Rivetoile. Mais il y a six ans, des champignons aussi ont élu domicile dans leur appartement.

Sa mère a alors prévenu leur bailleur, CUS Habitat, avant de lui envoyer des photos. Un technicien du bailleur social de l’Eurométropole est finalement venu à l’automne 2014. Verdict : la famille n’aère pas assez son logement. Les portes sont rabotées pour que l’air passe mieux, et il est demandé aux locataires de détacher de l’aération de la salle de bain un tissu qu’ils avaient installé pour, expliquent-ils, éviter l’entrée de souris dans le logement. Malgré ces adaptations, Julie et sa famille expliquent n’avoir pas remarqué de changement.

Malgré des travaux pour traiter le mur concerné, les moisissures reprennent vite le dessus. Faute de moyens financiers, l’opération n’a pas été réitérée. Fin 2015, pour tenter d’enrayer le problème, la famille a installé un absorbeur d’humidité dans la chambre. Car les hivers précédents ont laissé d’amers souvenirs, raconte Cathie, la mère de Julie :

« En hiver, quand ma fille se réveillait le matin, le mur était trempé. On voyait les gouttes d’eau perler et, parfois, des bestioles. On devait éloigner le lit du mur tellement les draps étaient mouillés ».

L'absorbeur d'humidité de Julie se remplit en l'espace d'un mois. Il a été vidé il y a une semaine (BW / Rue89 Strasbourg).
L’absorbeur d’humidité de Julie se remplit en l’espace d’un mois. Il a été vidé il y a une semaine (Photo BW / Rue89 Strasbourg).

Chauffer plus et laisser circuler l’air

Un peu plus bas dans l’immeuble, même problème. À l’automne 2014, alors qu’il vient à peine d’emménager, un couple constate, lui aussi, la présence de moisissures dans plusieurs pièces.

À leur tour, ces habitants alertent leur bailleur. Au bout de trois mois, un technicien est envoyé. Il préconise de chauffer davantage le logement et d’ouvrir les fenêtres pour laisser circuler l’air. Car à son arrivée dans le logement, les radiateurs étaient éteints. En aérant et en chauffant, les murs se seraient asséchés le temps d’une journée, selon CUS Habitat.

Les locataires, eux, n’ont pas vu disparaître les champignons. Ils assurent en outre qu’ils mettaient déjà en route leur chauffage en journée avant la venue du technicien de CUS Habitat et relatent avoir dû refaire trois fois la peinture de leur cuisine.

Dans le salon et les chambres, les papiers peints n’ont pas encore été changés mais ils se décollent le long des fenêtres. Le couple explique nettoyer régulièrement les aérations et les murs, sans amélioration.

Seule note positive selon ces locataires, la douceur de l’hiver 2015 :

« Cet hiver, cela allait mieux car il faisait moins froid. Mais l’hiver précédent, les murs, les rideaux et les coussins étaient mouillés. Nous avons beau ouvrir jour et nuit pour aérer, cela ne sert à rien ».

Ce qui les inquiète avant tout, c’est leur santé et celle de leurs enfants.

Isoler ou assainir les murs à leurs frais

Au cours des semaines qui suivent la venue du technicien, le couple discute avec ses voisins. Plusieurs racontent être confrontés aux mêmes difficultés et retapisser, isoler ou assainir leurs murs à leurs frais.

Ainsi, au bas de l’immeuble, une locataire explique avoir dû doubler le papier peint de ce qui fut une chambre à coucher, pour couvrir les champignons. La fenêtre est grande ouverte, et la pièce quasiment vide. Elle n’y fait plus dormir ses enfants de crainte qu’ils prennent froid à force d’aérer.

Les habitants de l'immeuble qui rencontrent des problèmes de moisissures doivent régulièrement nettoyer leurs murs (BW / Rue89 Strasbourg).
Les habitants de l’immeuble qui rencontrent des problèmes de moisissures doivent régulièrement nettoyer leurs murs (Photo BW / Rue89 Strasbourg).

Alors en février 2015, tous les locataires de l’immeuble adressent une pétition à CUS Habitat pour réclamer une intervention définitive dans leurs logements. Ils y recensent les pièces posant problème dans leurs appartements.

Certains d’entre eux indiquent avoir constaté les champignons dans les mois précédents. D’autres écrivent qu’ils sont confrontés au problème depuis « des années » voire cinq, sept ou dix ans. Parmi les signataires, Julie et sa mère racontent avoir été surprises que d’autres familles soient dans le même cas que la leur.

Des alertes mais aucun chantier de prévu

Gabriel Fessler, directeur des services décentralisés à CUS Habitat, a bien reçu le document. Pourtant, aucune expertise ou chantier n’est prévu pour y donner suite. D’après lui, seules deux réclamations individuelles ont été enregistrées par ses services en 2014. Il assure qu’avant celles-ci, aucune autre plainte n’était survenue depuis la construction de l’immeuble, au milieu des années 1960.

Après l’envoi de leurs doléances, les locataires adressent de nouveaux courriers à leur bailleur, ainsi qu’à des associations de locataires. Parmi elles, certaines appuient leurs demandes. C’est notamment le cas de l’Association des locataires indépendants de Strasbourg (ALIS), entrée au Conseil d’administration de CUS Habitat en 2014. ALIS indique avoir envoyé plusieurs courriers pour appuyer les requêtes des locataires.

Parmi les autres associations contactées, la section alsacienne de la Confédération nationale du logement – elle aussi élue au Conseil d’administration. Son président, Raymond Haeffner, souligne cependant qu’il n’est pas possible aux associations d’imposer à CUS Habitat d’agir. Elles peuvent seulement appuyer les demandes et insister sur l’importance de traiter ces logements.

D’après lui, une centaine des 20 000 logements du parc locatif de CUS Habitat sont concernés par des problèmes liés aux moisissures. Cette problématique surgit chez de nombreux bailleurs, y compris dans le privé.

Entre le campus et Rivetoile, la rue de Palerme comporte des chambres universitaires et des logements sociaux (BW / Rue89 Strasbourg).
Entre le campus et Rivetoile, la rue de Palerme comporte des chambres universitaires et des logements sociaux (BW / Rue89 Strasbourg).

Un rapport critique adressé par la Ville… oublié

Mais les auteurs de la pétition ne se sentent toujours pas écoutés. Ils décident d’en appeler à l’Eurométropole. Une visite du service hygiène et santé environnementale de l’agglomération est diligentée en mai 2015, et un rapport rédigé. Il relève la présence de moisissures dans quelques logements – tous n’ont cependant pu être visités – et relève un nombre d’entrées d’air insuffisant.

Il adresse un rappel à loi à CUS Habitat et préconise de pallier ce manque en l’attente de travaux plus conséquents. Mais, relate Pascale Rouillard-Neau, la responsable du service hygiène et santé environnementale de la Ville de Strasbourg, les problèmes de moisissures sont souvent à la croisée des chemins :

« Nous sommes confrontés à des bâtis aux performances et à l’isolation qui ne sont pas dernier cri. S’y ajoute des difficultés pour les ménages pour se chauffer, car cela représente un budget important. Le cumul des deux est suffisant pour le développement de moisissures. En l’occurrence, dans cet immeuble, le chauffage est collectif. Les familles devraient donc pouvoir se chauffer correctement. Mais il faut aussi une bonne aération des locaux, quand bien même le système de ventilation ne soit pas idéal ».

Le rapport a été transmis à CUS Habitat en novembre 2015, demandant au bailleur d’informer sous deux mois des mesures qu’il compte prendre, dans le cadre d’une réhabilitation future de l’immeuble, ou dès à présent. Il est pour l’instant resté sans réponse. Fait inquiétant, Gabriel Fessler indique pour sa part ne pas en avoir connaissance.

Des travaux prévus en 2022

CUS Habitat dispose d’un plan de réhabilitation de son parc locatif jusqu’en 2022. Celui-ci s’attelle notamment aux problématiques de ventilation des logements. Dans ce cadre, des travaux doivent être engagés dans l’immeuble de la rue de Palerme… en 2022 !

Et leur nature n’est pas encore connue selon CUS Habitat. Une étude préalable devra être menée, et des propositions faites aux locataires lors d’une réunion de concertation locative. De son côté, Raymond Haeffner souligne l’importance de traiter les murs – concrètement, les assécher – en plus d’améliorer la ventilation lors de tels travaux de réhabilitation.

Dans l’immédiat, Gabriel Fessler s’apprête à faire réaliser une expertise dans l’immeuble :

« Pour que cette affaire cesse, j’ai diligenté une entreprise extérieure spécialisée dans ce domaine pour passer dans un certain nombre de logements de l’immeuble et y effectuer des mesures. Il pourront définir s’il s’agit d’une pathologie du bâtiment ou de problèmes liés à l’usage. Comme ça, nous saurons ce qu’il en est ».

Les résultats devraient être connus selon lui « sous quinze jours », soit d’ici fin avril. En cas de problème avéré du bâti, il restera à évaluer sa gravité et les mesures à mettre en place, poursuit le directeur.

Sur les 738 logements CUS Habitat de l’Esplanade, 17 réclamations concernant des problèmes d’humidité sont actuellement en attente, indique le bailleur.


#Ophéa

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