Rittershoffen, Bas-Rhin. C’est ici que tourne le premier pilote d’extraction de lithium géothermal de France. Depuis 2019, Électricité de Strasbourg (ÉS) et le groupe minier Eramet développent un nouveau procédé, visant à filtrer les eaux des centrales de géothermie profonde, pour en extraire du lithium – composant essentiel des batteries électriques et pierre angulaire de la transition énergétique.
Dans le Bas-Rhin comme dans le Haut-Rhin, les industriels se lancent les uns après les autres dans la course au lithium géothermal, avec près de 1 300 kilomètres carrés (km²) de permis de recherche effectifs à la fin de l’année 2024. Mais les ambitions ne se cantonnent pas à la recherche du minerai dans les sous-sols : de l’extraction de la matière première à la fabrication des batteries électriques, en passant par le raffinage, c’est une filière tout entière qui prend forme en Alsace.
Trois nouveaux sites pour ÉS
À ce jour, seule ÉS opère des centrales en géothermie profonde, l’une à Rittershoffen et l’autre dans la commune voisine de Soultz-sous-Forêt. D’ici la fin de la décennie, la filiale d’EDF espère compter trois nouveaux sites en Alsace du Nord — au sud de Strasbourg, les projets sont suspendus jusqu’à nouvel ordre suite au désastre de Fonroche. Les deux premiers viendront jouxter les centrales existantes de Rittershoffen et Soultz-sous-Forêt. Le troisième devrait voir le jour à Steinseltz, près de Wissembourg, “mais ce n’est pas la priorité”, temporise Albert Genter, directeur général adjoint (DGA) de la branche géothermie d’ÉS.
À Soultz, l’entreprise attend toujours l’accord de la préfecture pour lancer les travaux. Si l’autorisation suit, les forages pourraient commencer en fin d’année 2025, à 1,5 km au sud du site existant. Viendra ensuite l’extension de la centrale de Rittershoffen, dont les forages ne devraient pas débuter pas avant le second semestre 2026. Puis, la centrale de Steinseltz, pour laquelle ÉS reste déterminée malgré l’avis défavorable de la commission d’enquête publique rendu cet été. “Par expérience, la préfecture ne suit pas toujours l’avis du commissaire enquêteur”, estime le DGA.
Bien que ces trois sites aient été pensés pour pouvoir accueillir une production de lithium géothermal, ÉS précise qu’ils demeurent “en priorité des projets de géothermie haute température”, c'est à dire des sites de production de chaleur. Le choix d’exploiter — ou non — le lithium, dépendra de la décision finale d’investissement du partenaire Eramet, qui n’interviendra pas avant 2026.
Lithium de France dans les starting-blocks
Un autre compétiteur s'intéresse à l'Alsace du Nord. Lithium de France totalise déjà plus de 300 km² de permis de recherche et attend l’attribution d’un nouveau permis au sud de Strasbourg, entre Molsheim, Obernai et Erstein. Depuis sa création en 2020, la filiale du groupe Arverne a identifié plusieurs sites de forage potentiels. Pour l’instant, elle préfère toutefois concentrer ses efforts sur le premier d’entre eux, à Schwabwiller. “Nous sommes prêts à forer, nous attendons simplement l’autorisation de la préfecture pour démarrer”, assure Guillaume Borrel, directeur général de Lithium de France. Un retour que le DG espère recevoir au premier trimestre 2025.
D’ici le début de la décennie à venir, l’industriel ambitionne d’opérer une quinzaine de sites d’extraction au nord et au sud de Strasbourg, auxquels viendront s’ajouter des unités de purification du lithium. Celles-ci pourraient jouxter les centrales ou être intégrées à des zones industrielles, comme ce devrait être le cas au parc industriel d’Hatten. Un projet qui doit encore être validé définitivement par la communauté de commune de l’Outre-Forêt, d’après Guillaume Borrel.
Vulcan Energy, le nouveau venu du Haut-Rhin
Plus au sud, dans le Haut-Rhin, l’Australien Vulcan Energy a obtenu en juillet un permis de recherche de plus de 400 km² autour de Mulhouse. Prochaine étape : obtenir une première autorisation pour cartographier le sous-sol, afin d’identifier les sites d’extraction potentiels. Une opération qui ne se fera pas “du jour au lendemain”, temporise Horst Kreuter, co-fondateur et représentant général du projet lithium de Vulcan Energy.
Pour commencer, l’industriel concentrera ses recherches sur une zone de 50 à 100 kilomètres carrés au centre de son permis de recherche. L'objectif : installer une première centrale à proximité de l'usine Stellantis, qui est partenaire du projet et souhaite bénéficier de l’énergie géothermale pour décarboner sa production. Dans le meilleur des cas, les travaux de forage pourraient débuter l’année prochaine, d’après les estimations du représentant général. À terme, Vulcan ambitionne de réaliser “autant de forages que possible pour desservir la zone". Bien que cela demeure “très dépendant” des résultats obtenus lors de la campagne d’exploration du sous-sol et des emplacements disponibles en surface.
Raffinerie et gigafactory : les derniers chaînons de la filière
En plus des sites d’extraction, l’Alsace accueillera bientôt la première raffinerie française de lithium à Lauterbourg, dans le Bas-Rhin. Un projet confirmé au mois de juillet par la jeune société strasbourgeoise Viridian, qui prévoit de débuter les travaux au second semestre 2025. À partir de fin 2027 ou début 2028, la raffinerie installée au bord du Rhin convertira du carbonate de lithium en hydroxyde de lithium, afin d’alimenter les usines de batteries électriques.
Le dernier chaînon de cette filière naissante devrait voir le jour à proximité de Mulhouse. Sur le site d’une ancienne mine de potasse, la commune de Wittelsheim souhaite accueillir une "gigafactory" de batteries électriques, opérée par Blue Solutions, filiale du groupe Bolloré. Venu tout droit des États-Unis, le concept de gigafactory repose sur le principe des économies d’échelle : baisser le coût unitaire en augmentant le volume de production. Une seule gigafactory existe actuellement en France. Trois autres devraient voir le jour dans les prochaines années, toutes dans les Hauts-de-France.
Si le projet de Wittelsheim est confirmé, cette usine de batteries deviendra la cinquième gigafactory de France, avec une mise en activité en 2026 ou 2027 au plus tôt. Interrogé à ce sujet, Blue Solutions confirme que le projet est à l’étude, bien qu’il ne soit “pas définitivement acté sur le terrain". La décision finale est attendue en début d’année 2025.
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