À Rue89 Strasbourg, on connaît bien Ariane Pinel. Forcément, on est fans. De Sasha et les vélos, à son exposition sur la place des femmes dans la ville, en passant par les collaborations réalisées avec Rue89 Strasbourg (les stages de responsabilisation pour auteurs de violences conjugales) ou ses planches de BD sur le woofing à Obenheim : on aime tout. Ses traits fins, ses personnages minutieux et détaillés, son esprit incisif et engagé, ses couleurs, son style. Bref, on va sans doute manquer un peu d’objectivité.
Un album créé après une résidence en Bretagne
Dans L’Île aux vélos, Ariane Pinel raconte l’histoire de la petite Jade, qui est invitée chez sa cousine Louise pour les vacances. Or, Louise habite sur une île où il n’y a pas de voitures… Jade va découvrir la liberté de circuler à vélo, sans adulte, sans voiture. La vraie liberté. Des thèmes chers à la jeune illustratrice :
« Cette histoire est un écho à un souvenir d’enfance. J’étais allée en vacances sur l’île d’Yeu. Alors que toute l’année, mes parents m’interdisaient de sortir de chez moi en vélo, parce que c’était dangereux à cause des voitures, là, j’avais découvert cette liberté ultime. On se promenait, entre enfants, seuls et à vélo. C’était fou. »
En 2020, Ariane Pinel est invitée en résidence par l’association À la ligne, pour passer deux mois sur l’île de Groix, au large de Lorient, dans le Morbihan. « J’ai eu une chance incroyable, entre deux confinements, je me suis retrouvée sur cette île sublime », glisse la jeune femme. Elle est frappée par la beauté des paysages :
« J’étais fascinée par les décors. J’ai passé le premier mois à ne faire que des croquis. J’ai dessiné, dans tous les sens, toute l’île. C’était vraiment beau, les couleurs, les lumières sont dingues, et puis ça change tout le temps. C’est fascinant. »
« C’est mon plaidoyer anti-bagnole »
Sur place, la jeune illustratrice se promène partout à vélo, évidemment. Elle rencontre des cyclistes, des adultes, mais aussi des enfants. Et trouve ici et là ses idées de personnages.
« J’ai rencontré plein de petites filles assez cool, et ça m’a aidé pour les personnages de Jade et Louise. Il y avait ce mélange de petites filles que je trouvais vraiment fortes et chouettes. »
Ariane Pinel rentre à Strasbourg à l’automne 2020, avec des croquis plein les poches, un premier synopsis écrit, et cette envie de raconter ce souvenir d’enfance, marquant. Elle réalise avec l’Île aux vélos son premier album pour enfant toute seule, texte et dessins. Avec toujours ses idées engagées pour un monde sans voiture, plus écolo, plus libre. « Je dis souvent que cette histoire, c’est mon plaidoyer anti-bagnole », s’amuse l’illustratrice.
Dans L’Île aux vélos, les voitures des premières pages prennent des allures de monstres menaçants, voire de prison. Elles deviennent, au fil de l’histoire, des lieux insolites, transformés, détournés.
« En tant qu’enfant, une voiture ça peut être une prison en fait. C’est un personnage méchant, parce que ça t’empêche de faire plein de trucs ! Quand tu es en vélo, tes parents ont peur des voitures, et quand tu es dans la voiture, c’est pas cool non plus puisque tu ne peux rien faire ! Tu ne peux pas courir, tu ne peux pas crier, tu ne peux pas conduire, c’est nul ! »
Une utopie réalisable
Alors pour ne pas tout vous dire, on ne raconte pas la fin, mais Jade va tenter de changer le monde. Celui de ses parents, mais pas seulement. Un monde où la petite reine aurait fait gentiment dégager la quatre cylindrées.
« La question initiale que je voulais poser, c’était : est-ce qu’un monde sans voiture est possible ? Dans un livre pour enfant, je trouve ça bien de creuser cette piste. J’ai envie de créer des utopies réalisables, donc je m’adresse aux enfants du futur. Ils ont le droit de fabriquer et revendiquer le futur qui leur plaira. »
L’Île aux vélos, c’est donc très chouette, inspirant, beau et poétique. Oui, oui, tout ça à la fois. On le conseille mille fois.
En plus il y a des journalistes de Rue89 Strasbourg cachés dedans. Ils sont très bien croqués. À vous de les trouver !
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