Le roman avait déjà fait l’objet d’une adaptation par Don Siegel, dans les années 60, avec Clint Eastwood dans le rôle principal. Le film est resté dans les esprits comme l’un des rôles marquants de celui qui a si souvent su se soumettre à la figure féminine castratrice (souvenez-vous de sa première mise en scène, Un frisson dans la nuit).
Sofia Coppola prend donc la suite d’une œuvre estimée, avec l’intention de déplacer le point de vue. Siegel faisait un film centré sur l’homme, le soldat, le tentateur. La cinéaste, qui a su signer de grands portraits de femmes, des tableaux évanescents habiles comme Lost in translation, Marie-Antoinette ou Virgin Suicides, devait s’attacher à ses interprètes féminines.
L’œuvre offrait la promesse d’une étude de mœurs, au cœur d’une guerre civile, où viendraient s’opposer une directrice (f)rigide, une professeure sans avenir, des adolescentes titillées par leurs hormones. Il y avait matière à tisser une toile passionnante, à décrypter des caractères sublimes.
Si le qualificatif de sublime s’applique bien au film, il ne vise que sa photographie, sa direction artistique, cet environnement aux atours de jardin d’Eden au cœur du Sud profond. La fille de Francis Ford sait indéniablement filmer le parvis d’une demeure coloniale et le ruban qui viendra retenir les cheveux de ses écolières. A ce titre, le prix de la mise en scène du dernier festival de Cannes n’est pas usurpé.
Le désintérêt du drame
Il semble malheureusement qu’elle soit encore plus concernée par l’environnement et le détail que par les enjeux qui sous-tendent son histoire.
Colin Farrell est désarmant de roublardise, de sincérité et enfin de désespoir dans ce rôle de migrant mercenaire malchanceux. Sur le papier, la montée en puissance du récit est exemplaire. L’objet de toutes les attentions, la figure masculine, s’égare dans un conte qui vire au cauchemar sanglant. L’innocence de ses hôtes est mise à l’épreuve dans un récit qui réfute tout manichéisme. Mais la tension est, elle, proprement absente.
A plusieurs reprises, Coppola a les cartes en main pour faire trembler son audience, pour faire exploser le drame qui se joue à l’écran. Le film est donc beau, séduisant, habile, mais tiède. La cinéaste élude la passion et les déchirements, et fait de ses personnages des poupées de chiffon sans âme.
Ses détracteurs ne manqueront pas de rappeler que ce reproche peut s’adresser à une grande partie de son œuvre. Force est d’avouer que l’auteur de Lost in Translation sera toujours plus à l’aise dans les infimes non-dits que dans les grandes effusions.
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