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Les pourboires du streaming, en débat avec Sophian Fanen

Journaliste, Sophian Fanen est ce lundi 12 février à Strasbourg pour présenter son dernier livre, « Boulevard du Stream, » sur les bouleversements qu’a connu la musique ces vingt dernières années.

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Les pourboires du streaming, en débat avec Sophian Fanen

Qui se souvient de ces années durant laquelle la musique a été libérée ? Compressés puis diffusés par un Internet encore naissant à partir de 1997, les fichiers musicaux ont envahi les disques durs de l’époque, transformant quasiment toutes les personnes connectées en d’affreux pirates. Sophian Fanen, journaliste spécialisé dans la musique et cofondateur de Les Jours, revient sur ces deux décennies qui ont transformé la musique dans un livre très documenté, « Boulevard du stream » (Ed Castor Astral). Il sera présent lundi 12 février à partir de 19h au Portique sur le campus de l’université de Strasbourg, pour évoquer son enquête.

Sophian Fanen (Photo Jean-Michel Thirion / doc remis)
Sophian Fanen (Photo Jean-Michel Thirion / doc remis)

De Napster à Deezer, 20 ans qui ont tout changé

À travers près d’une centaine d’interviews d’acteurs d’hier et d’aujourd’hui, Sophian Fanen explique comment l’industrie de la musique a paniqué lorsqu’a surgi Napster, qui permettait à tout le monde de s’échanger des fichiers musicaux mp3, bien plus facilement que sur n’importe quel service légal. Attaqués à coups de millions d’euros, les services d’échanges ont fini par fermer mais pas les usages… Et le succès des services de streaming aujourd’hui (Spotify, Deezer…) doivent beaucoup à cette période d’intenses découvertes comme l’explique Sophian Fanen :

« Voilà comment mes années 2000 ont commencé. Je ne savais pas que je serais bientôt accusé de ruiner les artistes, de piller les maisons de disques, de piétiner la propriété intellectuelle, d’utiliser le moyen le plus dingue jamais inventé pour donner accès à la musique. Je ne savais pas que j’écrirais un jour ce livre qui raconte comment le monde de la musique est allé à reculons vers ce qui n’était déjà plus le futur, mais bien un nouveau présent. Je faisais juste circuler la musique et j’apprenais beaucoup de choses sur elle. »

Boulevard du Stream (Ed Castor Astral)

En toile de fond, les galères des indépendants

Si personne ne pleure pour la réduction des marges de l’industrie musicale, cette nouvelle économie a singulièrement compliqué la vie des labels indépendants. Selon les cas, un artiste reçoit entre 0,0005 et 0,015 centimes d’euros par écoute sur une plate-forme de musique. Autrement dit, pour gagner 500€, il faut qu’un titre soit joué plus d’un million de fois ! Inaccessible pour les artistes indépendants. À Strasbourg, Joël Beyler, fondateur du label #14 Records, résume :

« Quand on accompagne un artiste sur la voie de sa professionnalisation, on lui explique clairement qu’il n’a aucun revenu à attendre des plate-formes de streaming, qui vont pourtant référencer et proposer ses titres à leurs abonnés. Quant aux ventes de disques, elles couvrent à peine des coûts de fabrication et de diffusion. Donc pour les artistes qui débutent, leurs revenus reposent essentiellement sur les cachets et le complément éventuel grâce au statut d’intermittent. »

Mais pour Joël Beyler, également président de la Fédération des labels d’Alsace, l’industrie de la musique doit regarder plus loin que les seuls revenus :

« Les plate-formes de streaming ne nous rapportent rien, soit. Mais j’ai tout de même accès à une quantité de données statistiques qui étaient inaccessibles avant : l’âge des amateurs, leur pays, etc. Et on peut détecter des tendances à condition d’être soi-même à l’écoute. Ainsi avec l’EP de Claire Faravarjoo (dont Rue89 Strasbourg a déjà parlé), j’ai réalisé le meilleur lancement de l’histoire de #14 Records ! Toujours pas de quoi faire sauter les bouchons de Champagne, mais au moins, je sais vers où diriger mes efforts marketing. »

Intéressant mais cette informatisation de la musique ne va-t-elle pas changer sa nature ? À Next Inpact, Sophian Fanen indique :

« En ce moment, je bosse sur la façon dont le streaming change le rap et donc changera le monde de la musique puisque le rap est sa tête de pont. Des mecs me disent qu’ils ne composent pas pour eux, mais pour répondre aux besoins, en regardant les données, en scrutant le moment où les fans “skipent”. Si le public veut des voitures bleues, tu fabriques des voitures bleues. La musique devient un rendement mécanique comme on fabrique des meubles avec des contraintes propres. »

Un débat à reprendre dans 20 ans.


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