Ce week-end, « 348 00 Français voyageront avec nous » annonce fièrement le site internet covoiturage.fr, autoproclamé N°1 dans son domaine en France. Si on ajoute les usagers de 123envoiture.fr, de vadrouille-covoiturage et des dizaines d’autres sites de covoiturage en France, cela va faire des automobiles bien chargées en ce début août. Parmi les voyageurs, de nombreux Strasbourgeois, qui partent pour Paris, Toulouse, Marseille ou Nice, voire pour l’Espagne ou l’Italie si l’ont en croit les centaines de voyages programmés sur internet pour ce weekend.
Où se retrouveront-ils ?
« La plupart du temps, on se retrouve à la gare : tout le monde connaît et on peut se garer facilement. En plus il y a un arrêt de tram qui permet à tout le monde de se rejoindre facilement. »
En quelques mots, François, étudiant strasbourgeois adepte du covoiturage pour ses vacances, résume ce qui fait un bon spot de covoiturage. L’accessibilité et la possibilité de se garer pour charger et décharger des bagages et des passagers.
Si l’on ajoute la proximité des grands axes routiers, on comprend pourquoi la place de l’Etoile et la place de Haguenau sont également des lieux prisés des covoitureurs strasbourgeois.
Cherche parking gratuit désespérément
D’autres noms de parkings s’échangent en chuchotant derrière la portière, principalement parce qu’ils disposent d’un stationnement gratuit (mais comme on est sympa, ils figurent sur notre carte). Payer les 3, 30€ des Parkings Relais reste coûteux pour les covoitureurs au quotidien, juge Mylène Laroche, présidente de l’association de promotion du covoiturage Passe me prendre. Elle milite, entre autres, pour la création d’une gare routière de covoiturage à Strasbourg, près d’un arrêt de bus et de tram.
Afficher Covoiturage Strasbourg sur une carte plus grande
Mais les investissements ne semblent plus à l’ordre du jour. En bleu sur la carte, les neuf aires de covoiturage qui ont été aménagées depuis 1998 par le conseil général pour transformer des lieux de rendez-vous « sauvages » en parkings entretenus et signalisés spécifiquement pour le covoiturage. Ils sont situés à Durrenbach, Châtenois, Molsheim, Sarre-Union, Seltz, Holfelden-Schwindratzheim, Beinheim, Erstein et Barr. Ces lieux ont été choisis pour être aménagés parmi la trentaine de parkings spontanés, qui ont été recensés dans le département.
Neuf parkings de 12 à 50 places créés en plus de 14 ans : c’est tout le paradoxe du covoiturage dans le Bas-Rhin en général et à Strasbourg en particulier. Le covoiturage fait partie de cette multimodalité des déplacements vantée dans le plan local d’urbanisme de la CUS. Mais en ville, mis à part les Point Relais (payants jusqu’à 20h), aucun aménagement ne facilite la vie des covoitureurs. La multimodalité fait la part belle au vélo et au tram ainsi qu’à des expériences ciblées, telles que l’auto partagée (à louer), ou encore les futurs Ecoquartiers, qui cantonnent les voitures en périphérie des quartiers grâce à des transports en commun et à des services spécifiques.
558 inscrits sur le site de covoiturage régional
Côté internet, le portail de covoiturage du conseil général du Bas-Rhin, qui vient de fusionner avec celui de son voisin haut-rhinois, comptabilise 558 membres (pour mémoire, covoiturage.fr revendique 2 millions de membres). D’autre part, Covoiturons, le site internet, précurseur à l’époque, des employés de la CUS n’est plus développé. Côté internet, donc, les collectivités locales ont totalement perdu la main sur le covoiturage, devenu un e-business comme un autre. Les sites commerciaux se sont professionnalisés, ont mis en place un système de notation et une plateforme (payante) de paiement en ligne et à l’avance pour tenter de gommer le côté folklorique du covoiturage (annulations de dernière minute, mauvaises rencontres).
Le résultat est cependant à la limite du cocasse puisque les covoitureurs ne s’échangent plus d’argent mais des codes secrets, qui leur permettent de se faire payer en ligne. Et une commission de 3 à 4% est facturée pour ce service, soit au conducteur, soit au passager, en fonction des sites.
« Moi j’ai vu une baisse nette de la fréquentation sur certains sites depuis qu’ils ont mis en place ce système il y a quelques mois. »
Depuis que les covoiturés doivent payer (plus cher) en ligne et à l’avance, Michel, covoitureur depuis deux ans, a plus de mal à trouver preneur pour les trajets, qu’il effectue chaque week-end entre Strasbourg et la Savoie pour voir son amie. L’argent, le nerf de la guerre, devrait pourtant pousser au partage de l’automobile et du prix du carburant.
Certains, comme Mylène Laroche, font de la résistance et du militantisme pratique sur les sites des festivals d’été.
« En trois jours, juste grâce à mon stand, on a ramené 40 à 50 jeunes chez eux pendant Lez’Arts Scéniques. Je serai aussi présente sur le festival de jazz de la Petite Pierre parce que sans voiture, on ne peut pas y aller, ni rentrer de là-bas. »
Elle poursuit ce travail pendant l’année avec le public de l’orchestre symphonique. Son but : mettre en contact des conducteurs et des passagers pour vaincre les barrières psychologiques qui entravent, selon elle, l’expansion du covoiturage. Peur de dépendre des autres, de perdre sa liberté, de se sentir obligé.
L’auto partagée (Auto’trement), que l’on loue sur le modèle du vélo partagé, ne suscite bizarrement pas toutes ces peurs et peut être déposée dans de multiples stations en ville ainsi qu’à Saverne, Molsheim ou Haguenau. La fin du covoiturage ?
« Pas du tout, le top, c’est de faire du covoiturage avec une auto partagée. J’ai un ami qui fait cela pour faire baisser le coût de la location. »
L’argent, nerf de la guerre… et du covoiturage.
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