Un plateau noir et une échelle de corde se balançant doucement depuis les cintres. C’est ainsi que démarrent beaucoup de spectacles de clown : sans rien. L’espace vide attend le corps des artistes. Ici, c’est Simone Fassari qui vient occuper l’endroit. La tenue de clown est de circonstance : des habits démodés, une défroque faussement élégante, un gros pantalon, des bretelles, une chemise criarde et chapeau noir. Le maquillage est sobre : les paupières, les lèvres et les pommettes sont rehaussées pour donner plus de force aux expressions du visage. Car Oh oh est un spectacle de trognes, de faciès et de grimaces. Simone Fassari, bientôt rejoint par Camilla Pessi qui dégringole de l’échelle, s’applique à faire rire tout en économie.
Du comique de situation et des objets potaches
Le spectacle est muet et assez économe en accessoires, bien qu’ils se multiplient au fil de la performance. Une chaise, des corbeilles, des boules de papiers aluminium, un accordéon, des papiers de bonbon, une trompette… Oh oh fait dans la sobriété et cela le rend efficace.
Les sketchs s’enchaînent pendant la première moitié du spectacle. Le leitmotiv semble être le jeu. Les deux clowns sont des enfants et s’amusent à lancer des balles ou à jouer aux chaises musicales. Ils se chamaillent beaucoup. Leurs jeux donnent une impression très satisfaisante, comme lorsque l’un jette des balles à travers toute la salle dans la corbeille tenue par l’autre.
Les mimiques de satisfaction exagérées des pitres les rendent touchants. Le public applaudit tout du long du spectacle, récompensant les plus minimes performances par son approbation manifeste. Tout cela est très doux et innocent. Le rire est présent… mais des longueurs se font sentir dans la répétition de certaines blagues, tournant en boucle.
Mais la curiosité reste éveillée : très tôt, les deux clowns ont révélé qu’ils étaient plus que des comiques maladroits. Brièvement, Camilla Pessi monte sur les épaules de son compère avec aisance, puis ils disparaissent en coulisse avant de revenir comme si de rien n’était. Entre les lancers de balles et les plaisanteries musicales, l’attention reste à l’affût d’une nouvelle démonstration de force, d’agilité et d’acrobatie.
Un talent d’acrobate gardé secret
Il faut bien attendre la deuxième partie du spectacle pour voir les prouesses physiques succéder aux blagues potaches. La transition se fait par un numéro de danse et de corde à sauter très habile et rythmé, qui fait passer le jeu d’enfant au niveau d’un art finement maîtrisé. Les deux clowns se transforment en acrobates, mais restent dans leur personnage initial.
Ce qui est fascinant, au delà de l’habileté des deux artistes, c’est la manière dont ils incorporent ces mouvements dangereux et spectaculaires à la banalité de leurs précédents numéros. Même en supportant tout le poids de sa complice en équilibre sur sa tête, Simone Fassari conserve son expression légèrement ahurie. Leurs habits épais dissimulent l’effort physique et leur musculature en action. C’est avec une déconcertante facilité que les clowns virevoltent.
Ainsi, Camilla Pessi se permet même de descendre du haut de son échelle de corde sans cesser de jouer de l’accordéon. La danse est très présente au sein du spectacle, témoignant de l’entente des deux clowns, tout comme leur confiance mutuelle dans leurs voltiges.
Une fable muette et tendre qui n’est là que pour le plaisir
Oh oh est un spectacle à l’ambiance douce et bienveillante. La poésie des situations n’est pas omniprésente, mais bien réelle. Grâce aux ambiances musicales et lumineuses, certaines scènes deviennent des tableaux extrêmement touchants.
La dernière scène, en écho à la première, prend même une dimension très mélancolique. Le moment est admirable pour sa composition. Les passages d’humour entre les deux clowns permettent aux spectateurs de s’y attacher et de vivre plus intensément leurs acrobaties à venir. Leurs talents physiques ne sont que des prétextes à plus d’humour. La dynamique de dispute et d’affection du duo le rend très tendre. Le spectacle devient ainsi une bulle esthétique dans laquelle on se repose un temps pour s’oublier dans la contemplation d’un beau moment.
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