À Strasbourg, l’UGC et le Vox diffuseront Star Wars : le retour de la force en versions originale et française. Mais à un peu plus d’un mois de la sortie du blockbuster, Stéphane Libs, directeur des cinémas Star et Star Saint-Exupéry, s’impatiente :
“Les billets pour Star Wars sont déjà en train de s’acheter et de notre côté nous ne savons pas encore si nous aurons la copie du film.”
Le Saint-Ex’ avait déjà reçu les affiches et les bandes annonces de septième épisode tant attendu de la saga Star Wars. L’établissement classé Art et Essai avait l’accord oral de la Walt Disney Company France, distributrice du film, pour recevoir une copie en version originale. Mais le géant américain a finalement fait machine arrière et lui a annoncé qu’elle ne fournirait pas les salles d’Art et Essai. La sentence a été la même pour onze autres cinémas classés à Lilles, Reims, Nancy, Le Havre, Caen, Angers, Saint-Étienne, Dijon, Montpellier, Grenoble et Cannes.
Pour Stéphane Libs, directeur des cinémas Stars, mais aussi président du Syndicat des cinémas d’Art de répertoire et d’essai (Scare), pas question de faire une croix sur la plus grosse sortie de l’année. Son établissement et les onze autres éconduits ont saisi vendredi 6 novembre la Médiatrice du cinéma, fonctionnaire indépendante auprès du Centre national du cinéma (CNC), pour tirer l’affaire au clair. Le Scare a aussi déposé une demande de médiation collective.
À Strasbourg, Stéphane Libs ne comprend pas le refus de Walt Disney :
« Nous avons diffusé tous les Star Wars depuis les débuts de la saga. Nos cinémas ont 10 salles. Leur diffusion n’empiète en rien sur notre programmation Art et Essai. Par le passé, nous avons projeté Le Hobbit ou encore Le Seigneur des Anneaux dans les périodes de Noël avec beaucoup de succès en marge du marché de Noël. Star Wars n’est pas simplement un film grand public, c’est un film tout public. C’est une saga qui a passé les générations et qui est une vraie source de cinéphilie. Il a toute sa place dans notre cinéma. »
Un conflit politique
À l’échelle nationale, le président du Scare estime que le problème appelle une action collective car il est avant tout politique :
« En apportant un refus global aux cinémas de grandes villes, qui sont dans des situations individuelles très variées, Walt Disney empiète sur la liberté de programmation des salles d’Art et Essai.”
Pour être classés Art et Essai, et donc bénéficier d’aides spécifiques, les cinémas des villes de plus de 100 000 habitants doivent programmer un minimum de 70% de films recommandés Art et essai dans leurs salles. C’est le seuil maximal exigé pour une salle d’Art et Essai en France. En général, les salles classées des grandes villes comme Strasbourg diffusent dans les faits autour de 90% d’œuvres recommandées. Ce quota les laissent libres de diffuser une part de films grands publics, comme le rappelle une administratrice du Scare :
« Personne n’est tenu de projeter 100% de films d’Art et Essai quand il sollicite ce classement.”
Walt Disney dément un boycott
Walt Disney compagny France se défend dans un communiqué de boycotter les salles classées :
« Nous sommes surpris d’apprendre que certains exploitants présents dans des grandes agglomérations françaises prétendent qu’il y ait un boycott des salles d’Art et Essai car cela ne reflète en rien la réalité de notre sortie. Disney travaille en France depuis longtemps avec l’ensemble des exploitants, dont les salles d’Art et Essai et respecte particulièrement leur travail. Le film Star Wars : le réveil de la force n’est pas un film classé dans la catégorie des films recommandé Art et Essai. Pour autant, le film sortira le 16 décembre 2015 dans près de 282 salles bénéficiant d’un classement Art et Essai. »
Quels sont alors ces 282 cinémas classés qui auront accès au film ? Il s’agit selon le Scare de petits cinémas de province avec des critères de classement moins contraignant que ceux des grandes villes. Les quelque 1 000 établissements classés Art et Essai en France entrent dans 5 catégories distinctes selon la taille des villes où ils se trouvent. Loin des 70% exigés des grandes villes, certains d’entre eux ne doivent projeter que 25 % de films classés pour être labellisés. Une administratrice du Scare explique :
« Ces 282 salles dont parle Disney sont des salles classées dans des petites villes, où elles sont identifiées comme généralistes et parfois le seul cinéma du coin. »
14 000 signatures sous la pétition
C’est désormais la Médiatrice du cinéma qui va tenter de trouver une porte de sortie au conflit qui oppose les 12 cinémas à Walt Disney. Dans un premier temps elle va convoquer le distributeur et les exploitants pour tenter une conciliation. Si ceux-ci ne parviennent pas à un compromis, elle pourra dans un second temps trancher elle-même le litige dans le cadre d’une procédure d’injonction. Sa décision serait alors contraignante dans un sens ou dans l’autre. En théorie, les partis peuvent ensuite dénoncer l’injonction devant la justice administrative.
Une pétition publique circule depuis une semaine en appui à la demande de médiation et de diffusion dans les cinémas indépendants des grandes villes. Le 6 novembre en fin de journée, elle avait recueilli plus de 14 000 soutiens et une centaine de commentaires de spectateurs.
Aller plus loin
Sur Change.org : La pétition « Moi aussi, je veux voir Star Wars en VOst dans ma salle classée Art et Essai ! »
Chargement des commentaires…