Ils assurent avoir mis moins de temps à se distribuer les postes qu’à décider de leur méthode de travail commune. Ce jeudi matin, le nouvel exécutif de la communauté urbaine de Strasbourg était réuni autour de son président Robert Herrmann (PS), afin de présenter à la presse (et au public) les délégations attribuées à ses 20 vice-présidents.
Assis (puis debout – voir ci-dessus, comme c’était le cas lors de la présentation des adjoints au maire de Strasbourg la semaine dernière), 9 élus de la majorité strasbourgeoise, 7 maires de droite et 4 élus de gauche d’Illkirch-Graffenstaden, Mundolsheim et Ostwald, se sont mollement serrés les coudes à l’occasion de cet exercice imposé. À la lecture des intitulés de postes, cinq enseignements se font jour :
1 – Yves Bur rafle la prospective
Alors que Roland Ries (PS), premier vice-président, conserve les transports auxquels s’ajoutent une mission nouvelle à la CUS, celle des relations internationales, c’est Yves Bur, deuxième vice-président qui prend les rênes du PLU (plan local d’urbanisme) communautaire. Derrière cet intitulé barbare, le maire de Lingolsheim prend la main sur « les aspects prospectifs », dixit Robert Herrmann, de l’organisation urbaine de l’agglomération.
Ce poste, ultra-stratégique, permettra à l’ancien député UMP d’avoir la main sur la traduction géographique de multiples thématiques, parmi lesquelles l’énergie, la nature, le logement (PLH, plan local de l’habitat), les déplacements (PDU, plan de déplacement urbain), etc. Outre Roland Ries, l’un des membres de l’exécutif avec lequel il devra travailler est Syamak Agha Babaei, 13e vice-président qui prend en charge, à sa demande, la politique de l’habitat (PLH, logement social, hébergement d’urgence). Marqué à gauche, ce socialiste devra convaincre des maires réfractaires à la création de HLM sur leur ban communal à prendre leur part de l’effort collectif à fournir.
Par ailleurs, on ignore encore si Yves Bur prendra la tête de l’Adeus (Agence de développement et d’urbanisme de l’agglomération strasbourgeoise) ou si cette présidence sera conservée par Robert Herrmann lui-même. À moins qu’Alain Jund (EELV) n’en hérite. Dans l’équipe précédente, le PLU était dévolu à Jacques Bigot, président de la CUS, à cause justement de la transversalité du sujet.
En matière opérationnelle, d’autres maires de droite sont bien servis, notamment Jean-Marie Kutner, maire UDI de Schiltigheim, qui prend la voirie communautaire en tant que 7e vice-président, un domaine dévolu auparavant aux vice-présidents territoriaux encadrés par Jacques Bigot, qui disparaissent dans la nouvelle organisation. Jean-Luc Herzog, 14e vice-président, prend en charge les zones d’activités économiques et notamment celle, controversée, de Fegersheim. À noter, ô étrangeté, que le maire de Niederhausbergen réclamait une ZAE depuis longtemps dans sa commune. Verra-t-elle le jour désormais ?
2 – Alain Fontanel et Mathieu Cahn, l’élite contre le popu’
Avec la politique de la ville, le renouvellement urbain et les gens du voyage, Mathieu Cahn (PS) conserve ses attributions antérieures – c’est le seul dans ce cas avec Claude Frœhly (Illkirch, PS) aux sports et Souad El Maysour (Strasbourg, PS) à la culture et à la lecture publique. Alors que le premier secrétaire fédéral du PS du Bas-Rhin, désormais 10e vice-président, parie sur son enracinement dans les quartiers populaires de la ville en vue des échéances électorales des prochaines années, la stratégie d’Alain Fontanel (PS) est inverse.
Le premier adjoint au maire de Roland Ries, en charge de la culture à la Ville, devient 8e vice-président en charge du développement économique, du rayonnement et de l’attractivité, des nouvelles économies, des pôles de compétitivité et clusters, du PMC et du Parc Expo, de l’emploi et de la formation professionnelle, de l’économie sociale et solidaire et des ressources humaines. Rien que cela. Son calcul à lui, établir ses réseaux dans les milieux de décideurs, culturels et économiques.
Le dauphin proclamé de Roland Ries cumule donc sous sa houlette les attributions dévolues précédemment à Robert Herrmann (premier adjoint et ressources humaines), Daniel Payot (culture) et Catherine Trautmann (développement économique). Cette dernière présidait également le Port autonome de Strasbourg, elle devrait y rester.
3 – Alain Jund a le titre, mais pas les outils
Ira, ira pas. Les écologistes se sont affrontés en interne pour savoir s’ils participeraient à cet exécutif droite-gauche ou pas. Alain Jund, tête de liste EELV aux municipales à Strasbourg, a finalement eu gain de cause et emporte la place de 9e vice-président de la CUS, en charge de l’écologie et de l’environnement, de la transition énergétique et du développement durable, de l’urbanisme opérationnel communautaire. Un mix entre les fonctions assurées entre 2008 et 2014 par Jacques Bigot (PS) et Andrée Buchmann (EELV).
Seulement voilà, dans le portefeuille d’Andrée Buchmann, se trouvaient la gestion des cours d’eau, les espaces verts et naturels communautaires et la gestion des risques naturels et industriels (inondations, coulées de boue…). Or ces compétences sont attribuées cette fois au maire (de droite) de Hœnheim, Vincent Debes, 18e vice-président. Donc, en pratique, écologie et environnement, notamment les trames vertes et bleues, échappent à l’élu écolo.
En matière d’urbanisme, une compétence qu’il conserve à la ville, Alain Jund ne pourra gérer que les ZAC (zones d’aménagement concertées), Deux-Rives, Schiltigheim, etc., et pas la prospective, dévolue à Yves Bur. Pour ce qui est de l’énergie, il est encore loin d’avoir la totale main-mise, puisque la présidence de Réseau gaz de Strasbourg (RGDS) pourrait être conservée par Olivier Bitz, adjoint à Strasbourg. En matière de réseaux de chaleur, Françoise Bey, en charge notamment de la gestion des déchets, pourrait rogner ses marges de manœuvre. Déshabillé, Alain Jund, et l’écologie avec lui ?
4 – Les rares femmes cantonnées à l’administratif
Déshabillé, pas tant que les cinq femmes (sur 21 membres de l’exécutif) accédant ou conservant des postes de vice-présidentes. Seule à monter en grade, Caroline Barrière, 5e vice-présidente, prend le « suivi des questions budgétaires et financières, l’évaluation des politiques publiques, le contrôle de gestion et les moyens généraux ». Tout est dans le mot « suivi ». Contrairement à Alain Fontanel avant elle, adjoint à Strasbourg et VP à la CUS en charge des finances, Caroline Barrière doit partager cette fonction avec Olivier Bitz à la Ville.
Souad El Maysour conserve la lecture publique (les médiathèques) et la culture, compétence qu’elle partagera avec Alain Fontanel (encore lui) à la Ville, où sont les vrais moyens. Pas de montée en grade donc. Les trois autres femmes prennent des postes techniques, voire administratifs : Françoise Bey, 15e vice-présidente, récupère les déchets (et le mouvement social chez Sénerval, en sus), la propreté et viabilité hivernale et le parc des véhicules et ateliers. Chouette.
Martine Castellon, 17e VP, devra se contenter des politiques en faveur des personnes handicapées, tandis que Béatrice Bulou, maire de Mundolsheim et 3e VP (une place qu’elle a gagnée en tant que vice-présidente la mieux élue vendredi 9 avril), prend l’eau et l’assainissement. Si cette mission, dévolue à Henri Bronner, ex-maire de Vendenheim, était délicate jusqu’à présent, la question épineuse du champ de captage de Plobsheim réglée, elle consistera surtout en un suivi de cette opération à 83 millions d’euros.
5 – La nouvelle organisation, moins transparente ?
À l’occasion de la présentation des délégations, les responsables politiques, au premier rang desquels les artisans de l’accord, Robert Herrmann, Roland Ries et Yves Bur, n’ont eu de cesse de rappeler la prise en compte de « l’intérêt général » dans la constitution du pacte droite-gauche, entre Strasbourg et les villes périphériques. « Un contrat moral au-delà de nos différences. » « Confiance », « éthique », « efficacité », « courtoisie », « gouvernance partagée », « négociation », « loyauté », « compromis » ont été des marqueurs sémantiques récurrents.
Or, qu’apprend-t-on ? Que les séances du conseil de communauté urbaine, qui se tenaient jusqu’à présent tous les mois, seront remplacées par 4 ou 5 dans l’année, tandis qu’une commission permanente se réunira plus régulièrement pour expédier les « affaires courantes ». Ce que n’a pas précisé Robert Herrmann, c’est que ces commissions ne seront ouvertes ni à la presse, ni au public, contrairement aux séances plénières actuelles. Une conférence des maires, « orientée vers le fond des dossiers », mais pas publique non plus, permettra de régler les divergences. À l’abri des regards.
Avec un exécutif partiellement dépolitisé, opposé aux « affrontements stériles » entre la droite et la gauche et adepte de « compromis positif » selon Yves Bur, et des séances plénières raréfiées, quelle transparence dans la prise de décisions pour la future Eurométropole, dont les compétences seront encore renforcées au 1er janvier 2015 ? Pas la peine, songe-t-on, d’exposer les divergences de vues aux yeux des citoyens.
D’autant que « nous entrons dans une période d’austérité, si ce n’est de rigueur », juge Yves Bur. Austérité et « maîtrise budgétaire », confirme Roland Ries. Est-ce à dire que le maintien de l’investissement à un niveau élevé pour booster l’économie locale, notamment le BTP, marque de la mandature de Jacques Bigot, sera abandonné ? Un vrai « changement de paradigme » s’annonce donc, mais pas forcément où l’on croit. Robert Herrmann de conclure : « Nous créons les outils pour engager les combats de demain, dans une vision partagée ». Circulez, « esprits chagrins », nous sommes tous d’accord et allons dans la même direction.
Les 20 délégations attribuées aux vice-présidents de la CUS
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