Samedi 20 Mai, sur la place du marché du Neudorf à Strasbourg, le maire Roland Ries (PS) et le député candidat à sa réélection Philippe Bies (PS) arpentent les allées du marché couvert, côte à côte. Tous les deux commentent avec fierté la montée du Racing en Ligue 1, serrent les mains des commerçants et s’arrêtent pour écouter les requêtes des Strasbourgeois… Mais à quelques semaines des élections législatives des 11 et 18 juin, la rencontre annuelle du maire avec les citoyens du quartier ressemblait à s’y méprendre à une déambulation de campagne.
Roland Ries contraint de choisir
D’ailleurs, pour le maire de Strasbourg qui était resté évasif jusqu’à présent, soutenir publiquement le candidat socialiste Philippe Bies sur la deuxième circonscription du Bas-Rhin revient à désavouer une autre candidate, la suppléante du candidat Sylvain Waserman d’En Marche, qui n’est autre que son adjointe en charge de la nature en ville, Christel Kohler. L’élue avait rejoint En Marche en novembre, avec une autre adjointe, Nawel Rafik-Elmrini. Ces positionnements avaient provoqué quelques remarques mais les deux élues étant issues de la « société civile », personne n’avait trouvé à y redire.
Il en va autrement d’une candidature pour un mandat convoité par un autre membre de la majorité municipale. Là, le geste est considéré comme hostile. Mathieu Cahn (PS), directeur de campagne du député sortant et également adjoint au maire, ne mâche pas ses mots :
« Je regrette les petites stratégies d’apprentis sorciers de certains de mes collègues élus. Mais on s’occupera de tout ça le 19 juin. On fera le bilan et les comptes après, d’abord on s’occupe de faire gagner Philippe Bies. »
Philippe Bies : « je n’avais aucun doute sur le soutien du maire »
À la sortie du marché couvert, le t-shirt aux couleurs du Racing, un Strasbourgeois arrête le maire pour discuter avec lui de l’avenir du club, lequel lui répond: « quand Philippe Bies sera réélu député, c’est à lui qu’il faudra demander de mettre les moyens pour acheter Messi ! » Le ton est donné. Tout au long de la matinée, le maire n’aura de cesse de lancer des mots rassurants à son ancien adjoint, même s’il n’a pas exprimé de déclaration officielle de soutien.
Ce n’était apparemment pas le moment : « aujourd’hui le maire et le député rencontrent les citoyens, » dit-on. Pourtant, depuis 8h du matin sur la place du Marché, nombreux sont les militants à tracter, chacun pour leur candidat. Pour eux, la campagne pour les élections législatives est déjà bien entamée. Aux yeux de nombreux militants d’ailleurs, Philippe Bies était là, non pas en tant que député, mais comme candidat. Le principal intéressé indique :
« Je ne suis pas là en tant que candidat mais en tant que député de terrain. Ces tournées de quartiers, je les fais régulièrement et pas seulement en période électorale. Nous sommes là en tant qu’élus […]. Il y a des signes très clairs qui montrent que Roland Ries me soutient et je n’avais, de toute façons, aucun doute là-dessus. »
La candidature de Christel Kohler, « sa responsabilité » selon le maire
En ce qui concerne la candidature de Christel Kohler aux côtés de Sylvain Waserman pour La République En Marche, le député soulève le fait qu’elle soit, non seulement adjointe, mais aussi membre du conseil d’administration du Réseau de Gaz de Strasbourg, dont le directeur n’est autre que Sylvain Waserman lui-même. Il parle d’ »un binôme au conflit d’intérêt inquiétant » et promet de mettre à plat tout cela après les échéances électorales. De son côté, Mathieu Cahn a saisi le déontologue de la Ville de Strasbourg, quant à la possibilité pour Sylvain Waserman de solliciter un mandat électif.
Le maire de Strasbourg, tiraillé entre les différentes sensibilités qui composent sa majorité municipale, tente de jouer la carte de l’apaisement :
« Philippe Bies est d’abord député et citoyen, puis candidat. Je le soutiens même si dans mon équipe municipale il y a différentes options et différentes candidatures […]. En ce qui concerne Christel Kohler, je lui ai parlé et je lui ai dit que c’était sa responsabilité. La seule chose que j’exige c’est que, en tant qu’adjointe, elle reste fidèle au programme sur lequel nous avons été élus il y a 3 ans. »
Une réponse qui semble ne pas convenir à tout le monde. Jean Jacques, militant PS depuis quelques années, intercepte le maire et le félicite, avec une pointe d’ironie, pour son soutien à Philippe Bies. Il nous expliquera plus tard qu’il trouve indigeste ce « mélange des genres » :
« Soit on vient rencontrer les gens et faire la tournée de popotes, soit on vient faire campagne ! Le maire aurait très bien pu faire sa visite annuelle au Neudorf à un autre moment. De plus, j’aimerais qu’il sorte de son équivoque et qu’il se positionne clairement. Il faudra quand même qu’on m’explique comment on permet qu’une adjointe qui s’est présentée sur une liste PS puisse se présenter avec En Marche en face d’un candidat PS… »
Du côté d’En Marche, on ne semble pas non plus satisfait de la situation. Selon Isabelle, 47 ans et militante d’En Marche à Strasbourg, le maire reviendrait à « la vieille politique politicienne. » Elle dit rester sceptique quant au soutien de Roland Ries en faveur de Philippe Bies, alors qu’il s’était rapproché d’Emmanuel Macron en se rendant à son premier meeting.
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