En début de soirée, mercredi 19 juin, la Confédération Syndicale des Familles (CSF) tenait une réunion publique sur la crise du logement à la maison des associations. Invités : une série des principaux candidats aux élections législatives anticipées à Strasbourg, l’occasion -rare- d’un dialogue entre des élus et la société civile.
De gauche à droite, derrière plusieurs tables alignées : les candidats et candidates de la première circonscription du Bas-Rhin Sandra Regol du Nouveau Front populaire (NFP), Etienne Loos du parti Renaissance et Irène Weiss pour Les Républicains (LR). Emmanuel Fernandes (NFP) et Rebecca Breitmann, attablés avec eux, sont dans la course pour la députation de la deuxième circonscription.
Le logement, une crise profonde
En introduction, le président de la CSF, Dominique Leblanc, pose le décor d’un secteur du logement en crise :
« Face à un nombre record de demandes de logement à loyer modéré (2,6 millions en France, 30 000 dans l’Eurométropole), comment expliquer l’effondrement de la production ? Il y avait 295 000 mises en chantier au niveau national en 2023 contre 435 000 en 2017. Nous dénonçons régulièrement un effort public pour le logement qui n’a jamais été aussi bas depuis dix ans : de 2,2% du PIB en 2010 il est passé à 1,5% du PIB en 2021. Pour le logement, les associations attendent l’application d’une volonté politique portée par un exécutif doté de véritables moyens financiers et réglementaires qui résoudra enfin cette crise pluridécennale. »
Daniel Bonnot, président de la CLCV 67, complète ce sombre tableau en décrivant « ces familles, toujours plus nombreuses, qui viennent vers nous et n’arrivent plus à payer leur loyer et leurs provisions mensuelles pour charges ».
Position difficile pour le candidat Renaissance
Les propositions de campagne commencent à gauche avec Sandra Regol. La députée sortante (Les Écologistes) affirme qu’il faut « revenir sur les cinq euros d’APL supprimés par Emmanuel Macron puis les augmenter de 10% ». La candidate du Nouveau Front populaire évoque l’instauration d’un blocage des prix de l’énergie et un objectif de rénovation de 200 000 logements par an.
Face au constat négatif dressé dès le début du débat, Etienne Loos (Ren.) encaisse les critiques sur le bilan d’Emmanuel Macron en matière de logement. Le candidat de retour de Paris à Strasbourg patine dès sa première prise de parole : « On ne peut pas dire que rien n’a été fait. Il y a des contraintes budgétaires à respecter. On ne fait pas tout et n’importe quoi comme le prétend la nouvelle Nupes. » Le candidat Renaissance, communicant de formation, peut se reposer sur le Premier ministre Gabriel Attal pour avancer ses propositions : une exonération de frais de notaire pour l’achat d’un logement de moins de 250 000 euros et la rénovation de 300 000 logements d’ici 2027.
Les associations veulent du concret
Pour La France insoumise, Emmanuel Fernandes revient sur les choix politiques de la macronie. Il dénonce la suppression de l’Impôt sur la Fortune (ISF) et la baisse des aides au logement. Très vite, le candidat NFP est interrompu par Colin Riegger, secrétaire général de la CSF du Bas-Rhin. À plusieurs reprises, pour plusieurs candidats, l’animateur des débats demande des mesures concrètes. Le député sortant s’exécute, répète les mesures annoncées par sa camarade Sandra Regol et ajoute une sortie du marché européen de l’énergie pour faire baisser les prix.
À droite, Irène Weiss se montre concernée par la baisse du pouvoir d’achat en lien avec la hausse des prix du logement. Elle décrit la rénovation énergétique comme un « enjeu très important » et propose un « crédit d’impôt pour récompenser les propriétaires qui font des travaux ». Rebecca Breitman (Modem) insiste sur l’investissement dans le nucléaire pour réduire le prix de l’électricité. La conseillère municipale d’opposition répète aussi la nécessité d’accroître les pouvoirs des maires dans le domaine du logement.
« Faudrait un jour que vous échangiez votre appartement avec un logement indigne… »
Brigitte Breuil, de la CNL 67, aux candidats et candidates strasbourgeoises aux élections législatives 2024
Fait rare pour un débat politique, le micro reste parfois en suspens entre les concurrents. Au fil de la soirée, la parole passe plus difficilement d’un candidat à l’autre. L’échange est symptomatique d’une campagne organisée en catastrophe après une annonce de dissolution qui a pris tout le monde de court. Les représentants des différents partis ont tout juste été nommés. Les programmes viennent à peine d’être finalisés. La stratégie de campagne n’est pas encore rodée.
Le débat reflète aussi la colère des personnes engagées sur le sujet du logement, ou de celles qui vivent cette crise. Peu après le début de la réunion, deux hommes sortent de la salle en dénonçant le fait de ne pas pouvoir s’exprimer. Puis ce sont d’autres représentants d’associations de locataires qui interpellent les hommes et femmes politiques. La présidente de la section bas-rhinoise de la Confédération nationale du logement (CNL), Brigitte Breuil, se lance dans une diatribe sur l’indifférence du monde politique face à la crise du logement et à la problématique de l’habitat indigne : « Faudrait un jour que vous échangiez votre appartement avec un logement indigne… »
Parmi les dernières interventions, celle d’Abdelaziz Choukri, représentant des locataires au sein du conseil d’administration du bailleur social Ophéa. Comme d’autres personnes engagées sur cette thématique, il n’attendait pas des candidats et candidates d’être des spécialistes. Cette réunion publique était avant tout l’occasion de rappeler le ou la future députée à l’ordre : « Soyez plus affûtés sur ces sujets. Ils font la vie quotidienne des gens. Affinez vos stratégies et vos éléments de langage. Car l’enjeu est énorme et l’attente de la population aussi. »
Chargement des commentaires…