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Législatives : « En Alsace, les voix d’En Marche viennent assez peu de la gauche »

Au premier tour des élections législatives, le total des voix de « La République en Marche » est bien plus faible que ceux de la droite en 2012. Mais elle a siphonné une partie de son électorat pour la supplanter comme première force politique. Sauf à Strasbourg, où l’on peut supposer que le PS fait les frais des marcheurs et de la sociale-écologie qui s’ancre. Les équilibres strasbourgeois pourraient bouger à l’avenir.

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Législatives : « En Alsace, les voix d’En Marche viennent assez peu de la gauche »

24 heures après les résultats des élections législatives, le vent souffle toujours très fort sur la plaine d’Alsace. Non, il ne s’agit pas des vents dominants, mais bien de la tornade « En Marche », première force politique dans la région.

Et s’il faut attendre le second tour pour tirer des conclusions définitives, le premier donne un nouvel aperçu du paysage politique.

À l’heure où les candidats repartent en campagne pour une semaine, Parti socialiste (PS) et « Les Républicains » se retrouvent sur un thème de campagne commun : que l’Assemblée nationale reste « un lieu de débat », avec le plus de forces politiques représentées, maintenant que la majorité pour le président est « acquise ». En clair, ne laissez pas les « bébés Macron » avoir un maximum de sièges.

Mathématiquement, cela n’est pas du tout le cas, puisque seuls 4 députés ont été élus dès le premier tour en France et dont deux marcheurs. Bien sûr, dans beaucoup de circonscriptions, la République en Marche est largement en position de force, ce qui permet des projections à plus de 400 sièges sur 577.

Les candidats opposés à LREM vont aussi pointer que les marcheurs ne sont pas « libres », car ils ont signé un engagement à voter les textes du gouvernement. Ce dispositif anti-frondeur n’a pas de valeur légale, seulement moral.

À En Marche, on commence à répondre à cet argument, à l’image du référent départemental et candidat, Bruno Studer :

« Je ne suis pas certain que la situation nouvelle soit moins exigeante pour le gouvernement avec des députés En Marche, car il y a beaucoup d’experts dans leurs domaines pour continuer à améliorer le projet. Avec les autres partis, on est sur la position d’un dialogue, mais exigeant. La situation politique actuelle, avec tant d’abstention, n’est pas de notre fait. »

Le succès d’En marche à droite plutôt qu’à gauche

Selon le politologue strasbourgeois Philippe Breton, l’essor d’En Marche en Alsace se trouve plutôt du côté du centre-droit que de la gauche :

« Dans le Bas-Rhin, La République en Marche et le Modem cumulent environ 106 000 voix et la droite 95 000. En 2012, la droite et le centre faisaient 180 000 voix (en incluant le Modem, ndlr). On arrive donc presque au même total, même si numériquement cet électorat est faible et parfois peu politisé. Les voix viennent peu de la gauche. L’autre enseignement est le vrai naufrage du Front national. Il divise son nombre de voix par quatre depuis avril, ce qui montre que ce vote n’était pas idéologique ni d’adhésion profonde. »

France insoumise, deuxième force à Strasbourg

Néanmoins, La République en Marche tire peut-être une part de ses voix de la gauche dans la capitale alsacienne. À Strasbourg, micro-climat dans le paysage politique local, les deux candidats PS au second tour ont moins de 14% des suffrages exprimés.

Pour, Philippe Breton, il faut surtout comparer le nombre de voix, en prenant l’exemple de la première circonscription :

« Éric Elkouby fait le même nombre de voix qu’à l’élection partielle de 2016, comme s’il s’agissait d’un socle indéfectible, mais avec une participation plus élevée, son score relatif passe de 31% à 14%. C’est surtout l’électorat de droite qui ne s’est pas autant mobilisé que d’habitude et qui fait rater le second tour à Elsa Schalck. Le vote pour la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon baisse car les quartiers populaires, qui avaient beaucoup voté pour lui, sont retournés dans l’abstention. Même s’il y réalise de bons scores en pourcentage, cela rapporte peu de voix. »

De fait, la capacité à peser sur le débat local pour trois partis, LREM, PS et LR-UDI peut questionner. Et même quatre, puisque la France insoumise a en fait dépassé le PS de plus de 1 000 voix sur les trois circonscriptions strasbourgeoises, en devenant la deuxième force politique. Elle échoue néanmoins de peu à se qualifier pour un second tour, contrairement au PS.

Strasbourg, futur patchwork politique ? (photo Caroline Alexandre / Flickr /cc)

Pas de consigne à EELV, « de bons rapports » chez les Insoumis

Ce nouvel équilibre n’a pas échappé à certains acteurs de la vie politique. À Europe Ecologie Les Verts Alsace, allié du PS à la municipalité et dans une circonscription lors de ces législatives, il n’y a pas de consigne de vote. Seul mot d’ordre, « faire barrage à l’extrême-droite », situation qui se présente dans une seule circonscription du Haut-Rhin. Rien pour les alliés strasbourgeois. Le parti vert réalise de 4 à 7% à Strasbourg. Les perspectives deviennent intéressantes quand on agrège ce score à celui de la France insoumise.

Au-delà de l’aura de Jean-Luc Mélenchon, le mouvement a réussi à faire émerger de nouvelles têtes en politique. Sébastien Mas, 37 ans, suppléant de Floriane Dupré, 26 ans, arrivée troisième à Strasbourg-nord (11,59%) est l’un de ces nouveaux visages, après un passé militant. À l’avenir, il dit vouloir continuer le travail de terrain avec la candidate pour le mouvement.

Concernant des alliances locales, il renvoie à la direction du mouvement qui doit en décider dans les prochains temps. À titre personnel, il se dit « fermé à rien » et avec « de bonnes relations avec les écologistes sur le terrain ». Avec les communistes (qui ont réuni environ 1% des voix), les deux partis ont fait en sorte de ne pas se croiser pour ne pas se télescoper dans leurs thèmes de campagne.

Et s’il se satisfait du score « historique à Strasbourg, au-delà du plafond de verre promis à 11% », il reconnait une déception du score dans les quartiers populaires :

« Nous n’avons pas réussi à mobiliser autant qu’on l’espérait alors qu’on y avait investi beaucoup de temps dans notre campagne. Nous nous sommes heurtés à beaucoup de résignation. Les gens avaient le sentiment que l’élection était décidée et qu’ils s’étaient déjà exprimés à la présidentielle. C’est pour cela qu’on est contre la Ve République et pour la VIe, pour éviter que l’élection d’une personne décide de l’Assemblée future. Ça, et le système de financement des partis qui n’aide pas l’unité. »

Dans les quartiers populaires du Neuhof ou de Hautepierre, la participation s’écroule en effet à 30 voire 25%.

S’organiser localement avant les européennes de 2019

L’adjoint au maire, Éric Schultz, qui était à gauche d’EELV avant de rendre sa carte fin 2015, est de ceux qui pensent qu’un nouveau pôle autour de la sociale-écologie peut peser à Strasbourg :

« La primaire du PS et la victoire de Benoit Hamon sont arrivés tard et toute la séquence électorale était figée. Localement, il n’a pas été possible de dépasser les logiques d’appareils. On n’a pourtant pas les blocages qu’il y a eu ailleurs, les rapports sont bons. Il faudra aller vite si on veut construire quelque chose car la prochaine élection, ce sont les européennes en 2019. Le clivage européen a tendance à diviser plutôt qu’à rassembler. Et ensuite, entre juin 2019 et les municipales de mars 2020, tout va aller très vite, il faut donc anticiper dès la rentrée si on ne veut pas se trouver bloqués par des accords d’appareils à l’avenir. »

Pas de consigne à droite

À droite, au niveau national, on se garde d’ailleurs de donner une consigne claire de manière générale quand on est éliminé. Le candidat En Marche est peut-être plus proche politiquement, mais le soutenir c’est aussi adhérer à l’idée du « parti unique », ce que la droite combat là où elle est en difficulté. Pour autant, appeler à voter à gauche serait assez inaudible.

Localement, Elsa Schalck, qui devait porter le renouvellement de la droite et du centre (29 ans, première campagne législative) ne finit que quatrième, même si elle n’est qu’à 300 voix du second tour. Elle estime que les étiquettes ont tout emporté dans cette campagne :

« Le porte-à-porte joue assez peu, il y avait une volonté de renouvellement. Même le député sortant que l’on disait très implanté depuis 20 ans est distancé. Dans l’Assemblée, on verra maintenant sur quels projets agit la majorité. »

Si elle ne donne pas de consigne de vote, elle votera à titre personnel pour Thierry Michels, notamment « en raison du bilan loin d’être à la hauteur du député sortant ».

Répondre à ces évolutions au niveau local

Pour le premier adjoint au maire, Alain Fontanel, passé du PS chez En Marche à la fin de la campagne, ce scrutin « confirme que les Strasbourgeois attendent un changement important dans le système politique » :

« Nous devons aussi répondre à ces évolutions au niveau local et laisser la place à une nouvelle génération, pas seulement en âge, mais aussi dans les manières de faire. »

Vers une explosion des groupes à la mairie ?

Coté PS, Mathieu Cahn, adjoint au maire et directeur de campagne de Philippe Bies, rejoint Elsa Schalck sur l’importance de la dynamique nationale dans l’élection :

« La proximité, le bilan ou l’ancrage local n’ont pas pesé. À droite aussi, des personnes comme Jean-Philippe Maurer, très ancré, ou Elsa Schalck, que l’on a beaucoup vue sur le terrain, sont aussi balayés. À la fois, les électeurs donnent une majorité nette au président de la République, mais dans les enquêtes d’opinion cela ne semble pas être ce que souhaitent les Français, ce qui est difficile à comprendre. Nous ferons campagne sur le positionnement de Philippe Bies qui peut rassembler les écologistes ou la France insoumise qui s’opposent aussi à la réforme du Code du travail par ordonnances ou la hausse de la CSG. »

Comme après la présidentielle, il questionne « la capacité à vivre-ensemble » de la majorité municipale à l’avenir, même s’il se satisfait que le maire Roland Ries ait réitéré son soutien Philippe Bies et à Éric Elkouby :

« Je ne sais pas si ceux qui ont fait le choix de La République En Marche ont encore leur place dans la majorité municipale. Je n’ai pas pour habitude d’oublier les coups de couteau dans le dos. »

D’éventuelles recompositions locales ne devraient pas s’opérer dès la fin des élections. « La République en Marche » a donné pour consigne aux élus qui l’ont rejoint de ne pas créer de groupes dans les assemblées locales (régions, départements, communes) avant que la question soit tranchée lors d’un congrès fondateur en juillet.

Alors que la seconde moitié du mandat est entamée, la manière de se positionner pour les élections municipales 2020 va bientôt débuter.


#législatives 2017

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