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Dans le sud de Strasbourg, face à Sylvain Waserman, la meilleure chance des Insoumis d’envoyer un Alsacien à l’Assemblée

Si l’on regarde les scores d’avril, la 2e circonscription du Bas-Rhin, le sud de Strasbourg, semble à la portée de l’union de la gauche. Mais la Nupes a investi une nouvelle tête, l’insoumis Emmanuel Fernandes, qui va devoir mobiliser son électorat face à la continuité incarnée par Sylvain Waserman. Le député sortant du Modem a pour lui la réélection d’Emmanuel Macron et fait entre autres campagne sur l’écologie.

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Dans le sud de Strasbourg, face à Sylvain Waserman, la meilleure chance des Insoumis d’envoyer un Alsacien à l’Assemblée

Un député de droite en 2007, un député socialiste en 2012, un député Modem en 2017… La 2e circonscription du Bas-Rhin, qui englobe le sud de Strasbourg et Illkrich-Graffenstaden, change de député à chaque élection au gré des tendances politiques. Le cru 2022 retiendra-t-il le « fait majoritaire » avec la réélection d’Emmanuel Macron, ou au contraire la dynamique de l’union de la gauche avec la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) ?

L’accord de coalition a gardé la première circonscription du Bas-Rhin, la plus favorable de Strasbourg à la gauche, aux écologistes. Mais « la 2 » présente aussi des chances de bascule, et donc d’une conquête pour les Insoumis. Au premier tour de l’élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon y était en tête (32,3%) devant Emanuel Macron (29,7%). Le score des formations de la Nupes avoisine les 40% si on les additionne.

Le coup de pouce de Mélenchon

Mais la partie est pourtant loin d’être gagnée d’avance pour Emmanuel Fernandes. L’électorat insoumis, notamment dans les quartiers populaires, n’est pas connu pour se mobiliser en dehors du scrutin présidentiel. En campagne à Strasbourg, Jean-Luc Mélenchon avait d’ailleurs clairement affiché Emmanuel Fernandes à ses côtés, avec l’écologiste Sandra Régol candidate dans le centre. Signe que c’est bien ici que se situe l’enjeu principal pour LFI.

Pour l’emporter, il faudrait surtout déloger le député sortant Sylvain Waserman (Modem). Porté par la vague « En Marche », il l’avait emporté confortablement en 2017 face au PS représenté par Philippe Bies. Même s’il est devenu député pour la première fois, Sylvain Waserman n’était pas une nouvelle tête, puisqu’il était déjà conseiller régional (il a conservé ce mandat) et maire de Quatzenheim. Ce qui lui avait valu quelques attaques, inopérantes, en parachutage à l’époque. Depuis, il ratissé sa circonscription en long et en large, il a tenu la vice-présidence de l’Assemblée, a porté deux lois comme rapporteur sans commettre d’impair majeur.

Militant depuis 2012 pour Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Fernandes « habite et travaille dans la circonscription », souligne-t-il avec malice. Il est l’un des nouveaux visages dans la politique strasbourgeoise. Emmanuel Fernandes estime qu’une victoire passera avant tout par un effort collectif :

« J’ai l’impression que la dynamique nous porte et d’être le candidat des idées dont le moment est venu, d’être porté par un besoin de respiration démocratique. Cette cohabitation est brandie comme une menace sur les institutions, mais elle est attendue. Celle de 1997-2002 s’est bien passée, les Français aiment la cohabitation. Je ne me sens pas comme un homme politique, mais plutôt comme un citoyen qui va représenter des citoyens. »

Pouvoir d’achat et « neutraliser Macron »

La Nupes n’aura pas trop de mal à engranger des voix à la Krutenau et au Neudorf. Mais c’est dans les plus secteurs populaires de la Meinau et du Neuhof qu’elle doit garder ses électeurs. Un effort de (re)mobilisation pour Emmanuel Fernandes. Ce chef de projet dans l’industrie de 41 ans pense avoir trouvé le bon argument lors des ses rencontres :

« Trois quarts des cas relèvent de l’urgence sociale, de la difficulté à finir le mois. Il y a la déception qu’Emmanuel Macron soit reconduit, mais quand certains réalisent qu’on a encore une chance de le neutraliser, ça fonctionne. »

Emmanuel Fernandes espère inverser incarner un quatrième changement consécutif de couleur politique au sud de Strasbourg. Photo : JFG / Rue89 Strasbourg

C’est aussi sur le pouvoir d’achat que la droite, avec Alexandre Wolf-Samaloussi (LR), attaque la majorité :

« Le gouvernement dit que le pouvoir d’achat a augmenté, mais quand on parle avec des gens, il y a un problème. La hausse de la CSG a appauvri deux retraités sur trois, c’est une réforme que je n’aurais pas voté. Cette circonscription hétérogène illustre une France à deux vitesses avec des secteurs qui vont bien, comme le Krutenau et Neudorf où le prix de l’immobilier explose, et d’autres plus en difficulté. La plaine des Bouchers regroupe de nombreux bureaux vides, que l’on pourrait transformer en logements. »

Sylvain Waserman indique aussi que le pouvoir d’achat est le sujet sur lequel il est le plus interpellé. Il répond qu’en plus des mesures du programme national (revalorisation des retraites, chèques alimentaires, point d’indice des fonctionnaires, etc.), il a une crainte spécifique au Bas-Rhin quant aux prix de l’énergie :

« Les rares opérateurs ont choisi de ne pas avoir d’offre avec des prix réglementés, ce qui exclue leurs clients du bouclier tarifaire. C’est tout à fait légal, mais il y a un devoir de conseil. Il faudra soit éclairer les clients sur les risques, soit amender le bouclier tarifaire pour qu’il s’applique. Car les prix vont sûrement augmenter en octobre et ça pourrait être explosif. Il ne faudrait pas que ce modèle local de l’énergie, que je soutiens par ailleurs, soit handicapé par cette situation. Si je suis élu, c’est un dossier que je suivrai dès cet été, car personne à Paris ne va s’en occuper. »

Face au mécontentement de clients, l’énergéticien Ekwateur, puis ÉS Énergies, ont annoncé proposer une nouvelle offre aux prix réglementés à partir de juin. Mais les clients actuels en seront-ils informés pour changer d’ici l’automne ? C’est ce qui inquiète le député sortant de 54 ans.

Après avoir eu l’élue strasbourgeoise Christel Kohler comme suppléante en 2017, Sylvain Waserman fait désormais équipe avec son attachée parlementaire Rebecca Breitmann, très présente à ses côtés. Photo : JFG / Rue89 Strasbourg

La bataille d’Illkirch-Graffenstaden

Si seule la partie strasbourgeoise de la circonscription votait les dimanches 12 et 19 juin, la Nupes serait favorite. Mais depuis un recoupage en 2010 qui a « droitisé » la circonscription, celle-ci intègre aussi la commune Illkirch-Graffenstaden, soit environ un quart des votants. Or dans cette banlieue, on vote plus à droite à toutes les élections nationales et Emmanuel Macron y a engrangé 35% des voix en avril contre 20% pour le leader insoumis.

Pour y limiter la casse dans cette ville moins favorable, la Nupes pense avoir enregistré un soutien de poids. C’est une petite surprise, l’union derrière les insoumis a fait sortir de sa retraite politique l’ancien sénateur et maire d’Illkirch-Graffenstaden, Jacques Bigot, plutôt tendance sociale-démocrate au PS. Il semble moins effrayé par l’union de gauche que ses camarades strasbourgeois à la tête du PS 67 :

« Avant le premier tour, j’ai rencontré beaucoup de personnes qui votaient habituellement socialiste et votaient cette fois Mélenchon. Il y a cette attente d’une gauche unie et de nouveau présente comme force politique. Je trouve ça bien de voir des jeunes qui s’engagent. J’ai rencontré les candidats, qui n’ont pas d’hostilité à l’Europe. La question européenne est plus complexe que cela, François Mitterrand aussi voulait refonder l’Europe. Il est évident que si la gauche veut porter des réformes de gauche, elle doit d’abord être unie, avec toute la complexité que comporte une alliance. »

Thibaut Vinci, pour le Parti radical de gauche (PRG) espère, lui, capter un électorat de centre-gauche qui ne se retrouve par dans la Nupes. Le Strasbourgeois fait partie de ces figures candidates à de nombreuses élections : il était candidat avec les écologistes en 2015, candidat PRG aux législatives dans le Kochersberg en 2017, colistier de Catherine Trautmann en 2020, des Insoumis en 2021… Malgré cette abnégation, le micro-parti n’a jamais su se développer dans l’Eurométropole.

Deux lois portées par Sylvain Waserman

Mais ce sont surtout vers Sylvain Waserman que les regards se tournent. Sur l’application Carata, qui liste toutes les boîtes aux lettres, récupérées via les listes électorales, il cible sa stratégie. L’application permet de voir en temps réel quelles boîtes aux lettres sont couvertes ou non par ses équipes, pour quadriller le terrain au plus vite. « On a fait un tract spécifique pour Illkirch, un courrier nominatif pour les plus de 65 ans qui sont plus éloignés d’internet ou un autre pour Neudorf sur l’écologie concrète, car sur ces marchés on ressent que c’est davantage une préoccupation là-bas », décrit-il.

Dans son bilan, il rappelle deux lois qu’il a porté lors du quinquennat : « J’ai porté une loi sur l’engagement associatif, qui a mobilisé 112 associations, et une autre sur les lanceurs d’alerte, qui ont été votées à l’unanimité… »

Il convient ce ne sont pas des lois majeures sur lesquelles les citoyens vont tirer le bilan des 5 dernières années et se positionner. Mais c’est ce rôle du député qu’il défend pour se démarquer.

« Ce sont des petites briques. Le jour où un lanceur d’alerte transmet des informations car il sait qu’il est protégé contre un licenciement ou qu’un président d’association n’a plus à vendre sa maison pour se défendre en justice, ce seront des réussites. C’est ce circuit court de la loi que je veux démontrer : un citoyen investi peut changer la loi. On a aussi pu renforcer la protection de brevets avec cette méthode lorsque quatre chercheurs sont venus à ma permanence et après dix réunions de travail ».

À Strasbourg, ville verte, Sylvain Waserman sait que le bilan d’Emmanuel Macron est parfois jugé insuffisant. Il axe donc sa campagne sur « l’écologie concrète » dans laquelle il veut s’investir. Sans promettre de mesures, il redonne sa méthode et rappelle deux votes passés :

« Comment peut-on parler autant d’écologie et ne pas la mesurer ? Avec deux universitaires, des associations et des citoyens, on fera un groupe de travail. Ses propositions seront soit portées dans une proposition de loi à part, soit via le jeu des amendements car il y aura rapidement une nouvelle loi Climat avec de nouvelles directives européennes à transposer. Lors de la précédente loi Climat, j’ai ainsi pour obliger les communes à publier leur part d’achats écologiquement responsables : cette affichage deviendra ensuite un enjeu politique ! Plus récemment, il y a aussi eu un amendement, écrit avec l’association Zona, qui concerne Strasbourg et obligera la Ville à présenter un arrêté avec un état des lieux des droits à construire dans la Ceinture verte. »

De manière plus informelle, Sylvain Waserman a aussi rassemblé des bénévoles pour aider (« coacher ») des dizaines de jeunes loin de l’emploi (129 selon lui). Un petit réseau d’entraide avec des associations, « y compris cultuelles », et même des conventions, dont il espère une montée en puissance. Une action, en plus de sa loi écrite avec des responsables associatifs, qui peuvent faire de lui un député identifié par les corps intermédiaires de la circonscription. Suffisant pour contrer l’essoufflement de l’effet « nouveauté » qui avait bien marché en 2017 ?

Toutes les projections ne donnent pas Sylvain Waserman gagnant. Mais il estime avoir un argument qui aura plus de force qu’ailleurs face à la Nupes : « à Strasbourg, il y a une spécificité sur la question européenne ». L’occasion d’attaquer sur le fameux terme de « désobéissance » :

« Ce serait un dynamitage de l’intérieur. C’est une escroquerie intellectuelle de dire que la France désobéit déjà par rapport à ce que la Nupes propose. Il y a une vraie différence entre le fait d’être parfois condamné par Cour européenne, et d’accepter ces jugements et tenter d’y remédier, et le fait de désobéir sciemment à 27 directives européennes. C’est comme comparer quelqu’un qui a une fois une amende pour avoir grillé un feux rouge et quelqu’un qui décide de ne plus les respecter et refuser les sanctions. »

Ne pas reproduire « l’erreur stratégique » sur les retraites

Enfin, après la réélection d’Emmanuel Macron dans un nouveau « barrage », plus étriqué qu’en 2017, face à l’extrême-droite (voir notre série sur ses terres de progression), il estime qu’il faut changer certaines pratiques. Par exemple pour la réforme des retraites « à 65 ou 64 ans », que le président aimerait pour 2023. Il revient sur la posture de la majorité lors de la précédente tentative de réforme, avant qu’elle ne soit balayée par le Covid :

« Ça a été une erreur stratégique de passer par le 49-3. C’est un outil quand la majorité est fragile et ce n’était pas le cas. On s’était enferré dans un calendrier qui laissait trop de place aux obstructions. On ne peut plus se permettre ces situations, il faut permettre la libre expression du Parlement. Il y a d’autres méthodes, comme le temps législatif programmé, qui permet du vrai débat et l’expression de l’opposition. »

Balbutiements chez LR, dans l’opposition

Sylvain Waserman a reçu le soutien du maire d’Illkrich-Graffenstaden. Thibaud Philipps est pourtant membre de la majorité LR de Jean Rottner à la Région Grand Est, mais conduit une majorité avec LREM dans sa commune. Le jeune maire n’a pas apprécié de ne pas être associé au choix de remplaçant de Jean-Philippe Maurer, lorsque ce dernier s’est désisté après le mauvais score de Valérie Pécresse. Et estime avoir de bonnes relations avec le député sortant. Une illustration des tiraillements stratégiques actuels chez « Les Républicains ».

Dans ce contexte Alexandre Wolf Samaloussi n’a pas grand chose à perdre. Jean-Philippe Maurer n’est pas bien loin puisqu’il en est le suppléant, et tente de l’aider à gagner des voix grâce à sa notoriété dans un secteur qu’il a arpenté une vingtaine d’années, comme ex-député (2007-2012) et surtout comme élu au Département.

Alexandre Wolf-Samaloussi doit tenter de faire oublier le mauvais score de Valérie Pécresse. Photo : transmise

Le jeune candidat, 26 ans, a pourtant déjà de l’expérience politique et des campagnes : plus de quatre ans comme élu étudiant à l’Université pour le syndicat de l’Uni. Il a aussi été colistier aux municipales en 2020, puis candidat aux départementales en 2021. Il ne fait pas de reproche direct à Sylvain Waserman, mais replace l’élection dans le contexte national :

« Sylvain Waserman était vice-président de l’Assemblée nationale, il est comptable du bilan d’Emmanuel Macron qu’il doit assumer. Trois quarts de l’augmentation de la dette n’est pas lié au Covid par exemple. Je suis clairement dans l’opposition. Après avoir eu Jean-Michel Blanquer comme ministre de l’Éducation et maintenant Pape N’diaye, dont je ne partage pas les positions, on ne voit pas quel est le message, c’est flou. Il faut que l’Assemblée redevienne un lieu de débat, sinon l’abstention va encore augmenter en France. »

S’il était élu, ce salarié en apprentissage entre la France et l’Allemagne aimerait s’investir sur le logement ou la convergence des règles pour les travailleurs et familles transfrontalières.

La circonscription compte 14 candidats. Elle englobe aussi les bureaux où le RN a l’habitude d’enregistrer ses meilleurs scores à Strasbourg, dans des bureaux du Neuhof et de Stockfeld. Le RN a de nouveau investi Hombeline du Parc, qui aux municipales avait réalisé le pire score du RN à Strasbourg depuis une décennie. Si le premier tour devait être très serré, le choix hypothétique de ces électeurs au second pourrait alors avoir un caractère décisif : privilégier le rejet d’Emmanuel Macron ou de la gauche.


#circonscription 67-2

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