Le bruit qui court. Dans la salle des pas perdus ou au coeur du tribunal, les attentats du 13 novembre et l’attaque du Bataclan, au cours de laquelle l’Alsacien Foued Mohamed-Aggad s’est fait exploser, étaient sur les lèvres des journalistes venus nombreux couvrir la première journée du procès de la filière dite « de Strasbourg ». Avec cette question : l’ombre du kamikaze va t-elle planer tout au long du procès ? Dès les premières minutes de l’audience, son frère aîné, Karim Mohamed-Aggad a voulu s’en défendre :
« Moi et mes collègues ici, on n’a aucune responsabilité dans les attentats du 13 novembre. On est tous des fans de foot et le 13, on regardait le match France-Allemagne. On ne veut pas être assimilés à ces faits-là, on voudrait juste un procès équitable et sans amalgames. »
Longs cheveux noirs plaqués sur le dessus, bouclés à l’arrière, la barbe fournie, l’homme de 26 ans, originaire de Wissembourg, apparaît le visage décidé. Pas d’amalgame donc. Un leitmotiv que les avocats de la défense se sont employés à répéter tout au long de cette première journée d’audience, insistant sur le fait qu’il n’y avait aucune victime des attentats dans ce dossier. Me Éric Lefebvre, seul avocat inscrit au barreau de Strasbourg, le martèle à nouveau à la fin des débats :
« Nous ne sommes pas devant une cour d’assises jugeant des terroristes. Nous sommes devant un tribunal correctionnel jugeant des gens ayant commis un délit de droit commun ayant potentiellement un lien avec une entreprise terroriste. Et à ce titre, le simple fait d’être allé en Syrie est un fait qui ne cause aucune victime. Ce serait un procès qui se voudrait par procuration être le procès de quelqu’un d’autre, de quelque chose d’autre. C’est le procès de sept jeunes qui sont allés en Syrie et sont rentrés en France, certains déçus, d’autres totalement décimés par ce qu’ils ont vu. »
Une idée d’autant plus martelée après que l’association française des victimes de terrorisme (AFVT) ait voulu se constituer partie civile, une demande rejetée par le tribunal.
Partis pour « aider le peuple syrien par n’importe quel moyen »
Les sept strasbourgeois, âgés de 24 à 27 ans, répartis dans deux box font valoir leur différence avec le kamikaze dont l’expédition mortifère a coûté la vie à 90 personnes au Bataclan. Car eux sont volontairement rentrés en France après avoir passé deux à trois mois au coeur de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL), l’ancêtre de Daesh.
Au long de cette première journée d’audience, le tribunal a cherché à comprendre les raisons ayant motivé le départ du groupe d’Alsaciens en décembre 2013. Au juge, les questionnant sur leur voyage jusqu’en Syrie, les prévenus répondent avoir voulu se rendre à « Dubaï », le « prétexte », selon les termes employé par l’un d’entre eux, pour camoufler aux proches le but réel de leur départ à l’étranger.
Un voyage sous couvert « d’humanitaire », selon la défense adoptée par les prévenus. Rédouane T., tapant nerveusement du pied, glissera même être parti « dans un but d’humanité ». Devant le regard surpris des magistrats, il se corrige : « dans un but humanitaire. Aider le peuple syrien par n’importe quel moyen ».
Bande de potes, petits boulots, foot et islam
La présidente du tribunal aborde ensuite l’examen des personnalités des sept prévenus. Un à un, ils se lèvent et répondent aux questions du tribunal. Entre bandes de potes, petits boulots, foot et une pratique de l’islam traditionnelle, les profils des sept Alsaciens sont décortiqués (lire le compte-rendu de la première journée). Rapports familiaux mais aussi amicaux. Comment le groupe de la filière de Strasbourg s’est-il constitué ? Quels liens et quelles influences d’un prévenu à un autre ? Quels lieux fréquentés ?
La deuxième journée d’audience, mardi, tentera de répondre à ces questions tout en essayant de reconstituer au plus près la chronologie de leur séjour syrien. Les sept Alsaciens encourent jusqu’à dix ans prison pour « association de malfaiteurs en vue de commettre des actes terroristes ».
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