« Les collègues sont heureux et soulagés de pouvoir continuer d’être un média crédible, non-militant et non-politisé. » Déléguée syndicale SNJ aux Dernières Nouvelles d’Alsace (DNA), Marie-Sophie Kormann savoure la nouvelle : le P-DG du groupe Ebra a annoncé sa démission mardi 28 janvier. Comme l’a révélé Mediapart, Philippe Carli exprimait son soutien à l’extrême-droite sur LinkedIn à travers des « j’aime » concernant des publications de la députée européenne Sarah Knafo (Reconquête) et d’autres personnalités d’extrême-droite.
« Pour un salarié, ce serait une faute grave »
Depuis, plusieurs syndicats du groupe Ebra, propriétaire de neuf titres de presse régionale à l’Est de la France, ont appelé à sa démission : « On avait tous la même approche, explique Marie-Sophie Kormann, pour un salarié ce serait une faute grave, il en est de même pour un directeur général du groupe Ebra, on ne peut pas utiliser les réseaux sociaux comme ça. » Du côté des DNA et de l’Alsace, une lettre ouverte a aussi été adressée à la direction du groupe lundi 27 janvier. Mardi 28 janvier, elle avait récolté les signatures de 90 salariés des deux titres de presse quotidienne régionale. Voici un extrait du courrier :
« Fiers d’exercer au sein de titres historiquement porteurs des valeurs de l’humanisme rhénan et de la Résistance, nous exprimons notre consternation et notre colère à l’adresse d’un dirigeant décrédibilisé qui, par ses prises de position publiques, entache notre réputation et notre travail. Nous réaffirmons l’indépendance de notre travail journalistique. Nous demandons aux dirigeants du Crédit Mutuel de tirer toutes les conséquences du discrédit provoqué par l’expression publique de Philippe Carli. »
Selon Marie-Sophie Kormann, Philippe Carli ne manquera ni aux journalistes, ni aux responsables syndicaux des rédactions propriétés du groupe Ebra :
« Les salariés le voyaient une fois par an. En général, c’était pour nous parler de la manière dont il va couper dans les coûts de fabrication, la masse salariale. C’est un patron qui est venu en disant qu’il allait redresser les titres, en développant le chiffre d’affaires et les activités annexes, comme l’événementiel, et en faisant des économies. Le seul constat qu’on a pu faire, c’est qu’il sait faire des économies. »
Le Crédit Mutuel reconnaissant
Par communiqué, le Crédit Mutuel Alliance Fédérale « salue cette décision responsable » de Philippe Carli. Le Crédit Mutuel, actionnaire unique du groupe Ebra, estime que cette démission « doit permettre aux rédactions du groupe Ebra de retrouver leur sérénité dans un contexte économique qui reste difficile pour le secteur. » Et le groupe bancaire de saluer l’action de l’ex-P-DG :
« Il a fait preuve d’un engagement sans faille pour profondément transformer et assurer la pérennité des neuf titres du groupe, confrontés à une crise sans précédent (crise démocratique, digital first, explosion des coûts du papier et de l’énergie, tension sur le portage, inflation, pression des gratuits, etc.). »
« Il y a eu ces dernières années trois suicides que nous n’oublions pas. »
Jean-Frédéric Tuefferd, représentant SNJ-CGT des DNA
Représentant SNJ-CGT des DNA, Jean-Frédéric Tuefferd dresse un bilan plus critique des sept années du P-DG à la tête du groupe Ebra :
« Avec pour mot d’ordre Digital first, Philippe Carli a engagé beaucoup de réformes et a laissé beaucoup de gens sur le bas côté. Il a voulu moderniser l’entreprise avec une certaine brutalité dans la méthode. Il y a eu ces dernières années trois suicides que nous n’oublions pas. »
Une suite pleine d’interrogations
Du côté des syndicats des DNA, on s’interroge aussi sur la suite au niveau social. Comme l’indique la représentante SNJ-CGT Marie-Sophie Kormann, « de nouvelles négociations pour encore rogner nos acquis sociaux allaient s’ouvrir, sur notre congé épargne-temps, sur la grille de rémunération et sur la création de deux catégories de journalistes et cadres administratifs. Les anciens garderaient leur temps de travail et leur salaire tandis que les nouveaux travailleraient au forfait-jour. »
Le groupe Ebra n’a pas annoncé de directeur par intérim à sa tête. Dans son communiqué, le Crédit Mutuel indique vouloir « poursuivre les travaux en vue du rétablissement économique du Groupe Ebra pour atteindre l’équilibre financier ».
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