Mardi 22 mai, à 20 heures, les pirates de Strasbourg ont pris à l’abordage le bar « la Perestroîka » à Strasbourg. « L’apéro pirate » a réuni autour de quelques verres l’équipe de candidats aux Législatives presque au complet avec une invitée de marque, Amélia Andersdotter, euro-députée suédoise du Parti pirate. Durant trois heures, les sympathisants ont échangé sur la campagne façon flibuste : avec quel budget, quelle communication, etc.
Candidat dans la 2ème circonscription du Bas-Rhin (Neudorf, Illkirch-Graffenstaden), Dimitri Breiner, 25 ans et professeur de maths à Haguenau, précise que l’axe principal de la campagne est le partage de données sur le net :
« Nous proposons l’utilisation des nouvelles technologies dans la démocratie, le partage et l’accessibilité de la culture. Cette thématique est absente des programmes des autres partis qui se limitent aux questions économiques ou sociales habituelles, comme le logement. »
Le parti de l’intelligence collective et de la démocratie liquide
Pour donner l’exemple de ce qu’ils attendent d’un groupe politique, les pirates se veulent les plus transparents possibles : toutes leurs réunions sont ouvertes au public, considérant que les citoyens ne peuvent pas adhérer à un mouvement qu’ils ne connaissent pas. Ils ont déjà mis en place un système de partage libre de données : la « PirateBox« , une boîte qui centralise des fichiers pour les rendre accessibles à tous ceux présents autour par internet sans fil.
Le Parti pirate est un mouvement international, les entités locales s’y réfèrent, mais chaque parti doit décliner les idées à son échelle. Pour Dimitri, chaque citoyen doit avoir un poids dans le choix des décisions sans pour autant être le « chef » :
« Nous aimerions proposer l’idée de la « démocratie liquide« , qui consiste à utiliser internet pour rassembler les opinions des citoyens sur divers sujets puis à en faire ressortir les grandes tendances et les propositions. Cette idée découle d’un système originaire d’Allemagne : on soumet les citoyens à beaucoup plus de référendums simplifiés qu’à l’ordinaire. Cela permettrait d’obtenir des réponses de personnes informées et professionnelles dans certains domaines bien précis. »
Engagée pour la 7ème circonscription, Anne-Marie Victor , 64 ans et bientôt retraitée, n’est pas là pour la gloire :
« Aucune affiche ne devrait être nominative pour les Législatives. Cela permettrait de réduire les coûts d’impression. On n’est pas là pour avoir son nom sur une affiche. Les électeurs ne choisiront pas une personnalité en votant Parti pirate, mais une idéologie. »
Sa suppléante, Françoise Gaume, 58 ans, est artiste. Pour ces deux femmes, la découverte du Parti pirate est assez récente. Elles ne pensaient pas forcément être candidates, mais séduites par les idées, elles se sont engagées rapidement. Françoise est quant à elle présente à toutes les réunions depuis quelques mois, une à deux fois par semaine.
Un clip de campagne home made
Les pirates alsaciens font avec les moyens du bord. Il faut dire que le budget est plutôt serré avec un compte de campagne d’à peu près 150€. La communication dépend du temps libre de chacun et des moyens que sont prêts à y consacrer les militants et candidats. Le Parti pirate se tourne vers des outils numériques de communication comme ce clip de campagne réalisé en une journée par Thierry, qui se dit « débutant » en montage vidéo :
Objectif financement
Pour cette première participation aux législatives, le Parti pirate alsacien n’est pas trop ambitieux. En France, les pirates espèrent qu’au moins 50 candidats dans 50 circonscriptions obtiendront au moins 1%. Car au delà de cette limite, le Parti pirate recevra 1,63€ par suffrage exprimé en sa faveur. De quoi améliorer l’ordinaire pour la campagne européenne de 2014, le véritable objectif du Parti pirate.
Les sympathisants rencontrés du Parti pirate alsacien n’ont pas le sentiment d’être des « geeks« . Un seul candidat a un lien avec le milieu informatique : dans la 4ème circonscription du Bas-Rhin, Emmanuel Leroy, 23 ans est informaticien et chef d’entreprise ; son suppléant, Nicolas Leboeuf, 24 ans, est enseignant en informatique.
Si la question de l’attrait des geeks pour ce parti se pose, c’est que l’une des idées au coeur du programme du Parti pirate est le téléchargement. Les pirates regrettent que les intermédiaires entre les artistes et les consommateurs aient autant d’influence sur le processus d’achat de produits culturels, comme l’explique Dimitri :
« Être pour le partage des contenus sur Internet ne signifie pas être pour le téléchargement illégal mais bien le téléchargement dans la légalité. Le but est de ne pas empêcher le partage de contenus mais de lui donner un cadre favorable. Le téléchargement ne va pas à l’encontre des droits d’auteur, au contraire. Grâce au téléchargement, les artistes auraient plus de contrôle sur leurs droits d’auteur puisqu’ils ne dépendraient pas de l’intermédiaire des producteurs. »
L’idéologie du Parti pirate semble se rapprocher de celle des Anonymous, ce groupe « d’hacktivistes » se manifestant via internet. Si certains pirates sont Anonymous, les objectifs de ces deux groupes se rejoignent mais leurs moyens d’action diffèrent. Le Parti pirate ne souhaite pas agir dans l’illégalité, là où les Anonymous n’en sont plus à leur premier coup d’essai après avoir hacké les sites de l’Elysée et du FBI.
Ces deux groupes sont notamment contre ACTA : l’accord commercial anti-contrefaçon qui vise à donner un nouveau cadre juridique à la propriété intellectuelle. Les Anonymous et le Parti pirate trouvent cet accord « liberticide » et regrettent qu’il ait été « négocié en secret depuis 2007 ».
Pour aller plus loin
Sur Numerama : l’enjeu financier du Parti pirate aux législatives
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