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Le contrôle continu intégral à l’Université de Strasbourg inquiète les syndicats

L’université vient d’adopter un nouveau mode d’évaluation de ses étudiants avec le contrôle continu intégral. La question du financement n’est pas éclaircie. Les syndicats craignent que la réforme lèse certains étudiants et augmente la charge de travail des professeurs.

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Le contrôle continu intégral à l’Université de Strasbourg inquiète les syndicats

Les effectifs de la fac de droit de Strasbourg sont parmi les plus importants de l’université. (Photo: Archi-Strasbourg)

Finis les partiels à l’Université de Strasbourg. Un arrêt de mort a été signé contre cette épreuve couperet qui a angoissé des générations d’étudiants. Le 17 avril, le Conseil d’administration de l’Université de Strasbourg a adopté du contrôle continu intégral pour certaines unités de formation et de recherche (UFR) volontaires. La faculté des sciences de la vie expérimente déjà ce mode d’évaluation. À Avignon, le contrôle continu intégral existe depuis 2009.

Pour la rentrée 2012 les composantes concernées seront : lettres, philosophie, physique-ingénierie, langues, et l’École et observatoire des sciences de la Terre. D’autres UFR peuvent encore se porter volontaires avant la fin de l’année. La mesure sera généralisée à l’ensemble des licences pour la rentrée 2013.

Pour la vice-présidente formation en charge des formations à l’Université de Strasbourg, Frédérique Granet, il s’agit d’une évaluation plus juste :

« Le but est de mieux évaluer les connaissances de l’étudiant. En donnant trois notes par semestre, ce sera plus équitable. Une seule note ne permet pas d’avoir une bonne appréciation de ce que nos étudiants ont acquis comme connaissances. »

Aucune note ne pourra représenter plus de 50% de la note finale. Autrement dit, aucune des trois épreuves ne pourra avoir l’effet décisif d’un partiel.

Des matières inégales face à la réforme

La nature des évaluations devra être diversifiée. En Lettres par exemple, un enseignant ne pourra pas proposer trois commentaires de textes. Si ce changement ne pose pas de problème dans les domaines scientifiques, en philosophie, où certains enseignements peuvent être validés par la rédaction d’un mini-mémoire unique, il faudra quand même organiser trois évaluations au cours du semestre. Frédérique Granet précise ce point :

« On a tendance à manquer d’imagination sur le type d’épreuve qu’on soumet aux étudiants. Rien n’empêche, pour un mini-mémoire, de noter l’évolution du travail, ou organiser une soutenance. Pour un oral, on peut donner deux notes différentes, une pour l’exposé de l’étudiant et une pour l’entretien avec l’enseignant. »

Les cours magistraux soumis aux mêmes règles vont-ils changer d’apparence ?

« Ça dépend beaucoup de la personnalité de chaque enseignant. En sciences, certaines composantes n’ont plus de cours en amphithéâtre déjà. Par contre en droit, où les effectifs sont importants, on ne pourra pas se passer de cours magistraux. La réforme va certainement rapprocher les enseignants des étudiants, ne serait-ce que par les séances de correction. »

Plus de corrections en vue pour les professeurs

Entre l’organisation des épreuves, la correction et la restitution, les professeurs auront-ils le temps de tout faire ? Pour Frédérique Granet, les UFR n’ont qu’à s’organiser pour mieux gérer la charge de travail supplémentaire que cette réorganisation produira. Quant au financement, les réponses de la direction de l’université restent un peu vagues:

« De toute façon, les heures seront payées. Si jamais il manque de quoi organiser deux heures pour une restitution de copies, on pourra puiser dans le Plan licence. »

Le Plan licence, annoncé en 2007 par le gouvernement, prévoit de financer les cours de tutorat. Le financement n’étant pas clarifié, les syndicats s’inquiètent.

Les syndicats enseignants « réservés »

Deux des trois membres de l’intersyndicale enseignante au Conseil d’administration se sont abstenus lors du vote sur le contrôle continu, et l’un d’entre eux a voté contre pour souligner leurs « réserves », notamment sur le paiement de deux semaines de cours supplémentaires par semestre qui ont lieu à la place des partiels. L’instauration du contrôle continu pourrait aussi poser des problèmes aux étudiants salariés, selon les représentants des enseignants. Ce à quoi Frédérique Granet répond :

« Pour ceux qui travaillent 10h ou plus par semaine, à partir du moment où ils ont un contrat de travail, et qu’ils ne peuvent pas se présenter aux épreuves, nous sommes dans l’obligation de leur proposer une autre épreuve. Il en va de même pour ceux qui ont une absence justifiée d’un autre type, médical ou professionnel. »

Toutefois, comme l’indique Pascal Maillard, délégué du Snesup :

« Ce sera aux enseignants d’organiser les sessions de rattrapage. A partir de là on peut se demander s’il ne va pas y avoir une charge de travail supplémentaire. Le Plan licence [qui instaure le tutorat, ndlr] est appliqué de manière très disparate. Le contrôle continu intégral semble plutôt répondre à un objectif politique qui est de faciliter l’obtention de la licence. »

Si Frédérique Granet ne nous dit pas que les tutorats vont disparaître, elle souhaite que l’encadrement soit d’un nouveau genre.

« Le problème des tutorats, c’est que seuls les bons étudiants y vont pour se rassurer. »

Quant à savoir si c’est l’encadrement amélioré grâce au contrôle continu qui permet une meilleure réussite, ou le bradage du diplôme, cette question n’a pas été encore étudiée.

Division et scepticisme côté étudiants

L’Afges, syndicat majoritaire, se félicite de cette réforme. L’Unef en revanche a voté contre. Martin Bontemps, président du bureau de l’Unef à Strasbourg s’inquiète de la mise en place.

« Si ça n’a pas posé de problème à Avignon, c’est en raison de la taille réduite de l’université. À la faculté des sciences de la vie de Strasbourg, qui expérimentait le contrôle continu, certaines copies d’examens ont été rendues avec plusieurs semaines de retard. La séance de restitution devient inefficace. »

La situation des étudiants salariés le préoccupe aussi :

« Le souci, c’est que tous ne bénéficient pas de ce statut, les surveillants dans les écoles notamment. Et on a remarqué que certaines épreuves de rattrapage n’étaient pas bien planifiées. Avec le contrôle continu intégral, il n’y a plus de semaines prévues pour les rattrapage. L’administration a annoncé que les étudiants salariés pourront passer leur licence en six ans s’ils le désirent, mais ce n’est pas raisonnable surtout vu le coût de la vie étudiante. »

Encore beaucoup d’incertitudes donc sur le contrôle continu intégral à Strasbourg. Selon l’Observatoire de la vie étudiante, seulement 47,5 % des étudiants parviennent à passer en deuxième année de licence, et 38% l’obtiennent en trois ans. A Avignon, le système semble avoir fait ses preuves, reste à savoir s’il peut être généralisé.


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