Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Le conseil unique d’Alsace, c’est quoi ?

Les Alsaciens seront appelés à voter pour ou contre le conseil unique d’Alsace lors d’un référendum le 7 avril. Alors, pour ou contre ? Pour ceux qui n’ont pas arrêté leur choix, ceux qui ont raté un épisode, ceux qui reviennent du Kamchatka, ceux qui doutent, voici une liste de questions fréquemment posées (FAQ) sur le projet de collectivité unique, et leurs réponses.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89 Strasbourg, abonnez-vous.

Le conseil unique d’Alsace, c’est quoi ?

(Photo JS999 / FlickR / CC)

C’est quoi l’histoire ?

A l’heure actuelle, il existe quatre niveaux de collectivités territoriales en France. Les départements (conseils généraux), les régions (conseils régionaux), les intercommunalités (communautés urbaines, communauté de communes…) et les communes. L’objectif de cette réforme institutionnelle est de fusionner les conseils généraux du Bas-Rhin, du Haut-Rhin, et le conseil régional d’Alsace en une seule collectivité.

Les deux départements alsaciens ont beaucoup de points communs, une culture commune, une histoire commune, un tissu économique semblable… L’idée de les rapprocher n’est donc pas nouvelle mais, comme l’indique Bernard Vogler dans les Cahiers de l’association de prospective rhénane (ed. Néothèque), les Alsaciens aiment l’idée de la réunion, pas forcément sa traduction concrète :

« L’Alsace n’a été réunie que lors de quatre brèves périodes durant l’histoire. Pendant le Duché d’Alsace, de 640 à 740, puis après la conquête française, la province d’Alsace de 1681 à 1789, puis en tant que Reichland de 1871 à 1918 et la Région Alsace a une existence institutionnelle avec la création du conseil régional en 1973. Le concept du Landgraben, frontière invisible qui sépare le Bas-Rhin du Haut-Rhin, est une réalité pour les Haut-Rhinois mais largement ignorée par les Bas-Rhinois. »

En 2007, le conseil économique et social d’Alsace se déclare favorable à la création d’une collectivité unique d’Alsace. A la suite de cette publication, des travaux de rapprochement des collectivités ont débuté.

Comment va s’appeler la nouvelle collectivité ?

La future institution va prendre le nom très sexy de « collectivité territoriale d’Alsace ». Il pourra probablement être raccourci en simple « conseil d’Alsace ». Mais pour l’instant, on parle de « conseil unique d’Alsace », afin de le différencier des conseils existants.

Quels seront les compétences du conseil d’Alsace ?

A minima, le conseil unique d’Alsace devrait regrouper les compétences aujourd’hui dévolues aux conseils généraux, et au conseil régional. Mais la future collectivité pourrait hériter de nouvelles compétences, qui seront transférées par l’État dans le cadre de l’acte III de la décentralisation, une réforme institutionnelle prévue en 2014.

Le conseil d’Alsace ne risque-t-il pas de créer une baronnie ?

Ce sera à une loi spécifique, votée par le parlement, de déterminer les compétences de la future collectivité. On peut supposer que le parlement républicain veillera à ne pas créer de prébende. Par ailleurs, la collectivité territoriale d’Alsace aura au moins deux présidents élus, un pour l’exécutif et un pour l’assemblée délibérative.

Est-ce que la collectivité territoriale d’Alsace ne risque pas d’être une administration pachydermique ?

Si la future collectivité reprend les effectifs cumulés du conseil général du Bas-Rhin (3 800 agents), ceux du conseil général du Haut-Rhin (2 400 agents) et ceux du conseil régional (1 900 agents), on arrive à total de 8 100 agents, soit mille de plus que la CUS. La CTA deviendrait de facto la plus importante collectivité publique d’Alsace. Son budget annuel prévisible serait de 2,7 milliards d’euros (1,16 milliard d’euros du CG67, 811,2 M€ du CG68 plus 788,5 M€ du CRA). Le budget de la région Île-de-France était de 5,4 milliads d’euros en 2011.

Est-ce que le conseil d’Alsace va permettre de réaliser des économies ?

A priori, les élus porteurs du projet de fusion ont indiqué qu’ils ne toucheraient pas à la masse salariale, sauf au sommet de la hiérarchie. Président du conseil régional, Philippe Richert a précisé sur le blog du journaliste Claude Keiflin :

« Il n’y aura pas non plus moins d’assistantes sociales, ni moins de personnels techniques et de services (TOS) dans les lycées et collèges. Mais le seul regroupement des services de communication, des agences économiques et touristiques des trois collectivités produira 30 millions d’économies sur 5 ans. On gagnera aussi à regrouper toutes les directions (sport, culture, etc.) ».

La mutualisation des fonctions et des services pourrait aussi permette des économies d’échelles, par exemple la gestion de l’ensemble des établissements scolaires par une seule collectivité permettra des commandes groupées plus importantes. Mais il faudra des années avant que les services fusionnent les bons de commande, s’ils le font un jour. A la CUS, les commandes des services ne sont toujours pas centralisées…

Est-ce que les Alsaciens paieront moins d’impôts ?

Aucune chance. Réjouissons nous déjà qu’aucun nouvel impôt n’ait été annoncé pour l’heure, au profit du futur conseil unique d’Alsace.

Quelles seront les sources de financement du conseil d’Alsace ?

Les ressources de la future collectivité seront composées de la somme des recettes des trois collectivités, toutes très dépendantes des dotations de l’État. Elles bénéficient aussi du produit de taxes reversées par l’Etat (droit de mutations sur le foncier bâti pour les conseils généraux, taxes sur les carburants pour le conseil régional…).

Qu’est-ce que le Conseil unique d’Alsace va changer pour les Alsaciens ?

Si la fusion débouche sur une simplification du fonctionnement des institutions alsaciennes, ce qui n’est pas garanti, les Alsaciens pourraient avoir accès à leur administration territoriale plus facilement, sans avoir d’abord à se préoccuper de trouver quelle est la bonne collectivité selon le sujet.

L’action publique pourrait gagner en cohérence, mais aussi en rigidité, notamment sur les compétences partagées comme les transports, l’action culturelle et le sport. Ainsi les conseils généraux aident les sports collectifs, tandis que le conseil régional s’intéresse au sport de haut-niveau. Une même direction diffusera la même action publique sportive d’un bout à l’autre du secteur, encore faut-il qu’elle soit bonne.

D’une manière générale, les citoyens, élus locaux, associations et entreprises n’auront plus qu’un seul interlocuteur là où ils pouvaient se multiplier. Ce sera plus simple mais il n’y aura plus moyen de contourner des barrages. Ainsi les associations qui avaient pris l’habitude d’envoyer des dossiers de demande de subvention à l’ensemble des institutions en espérant qu’un revienne avec une réponse positive n’auront plus cette option.

Est-ce que le transport scolaire et les réseaux publics de cars seront gérés par la collectivité territoriale d’Alsace ?

Oui.

Est-ce que le transport ferroviaire régional (TER) sera géré par la collectivité territoriale d’Alsace ?

Oui.

Le Haut-Rhin et le Bas-Rhin vont-ils disparaître ?

Les deux départements continueront d’exister, les Bas-Rhinois pourront toujours se moquer des Haut-Rhinois et vice-versa. Au sein de la future collectivité, les élus siègeront au sein de « conférences départementales », sans budget ni pouvoir de décision mais avec un avis consultatif.

Qu’est-ce que le pouvoir réglementaire dont sera doté le conseil d’Alsace ?

Comme toute autre collectivité locale, la CTA pourra prendre des décisions dans ses domaines de compétences, sous le contrôle de légalité exercé par le préfet de région. Mais le conseil d’Alsace ne pourra pas adapter les textes nationaux à des spécificités locales.

Est-ce une marche vers l’indépendance de l’Alsace ?

Les élus porteurs du projet se disent farouchement républicains, et ne sont pas connus pour avoir eu des positions régionalistes par le passé. Le projet de fusion n’a donc pas de visées autonomistes, encore moins indépendantistes. Par contre, il vise à renforcer le poids de l’Alsace face au gouvernement et à l’Etat. Les mouvements régionalistes, tels Unser Land et Alsace d’Abord, se sont déclarés très favorables au conseil d’Alsace.

Comment seront élus les futurs conseillers ?

Une partie des conseillers d’Alsace seront élus dans le cadre de cantons, au scrutin majoritaire. L’autre partie sera élue à la représentation proportionnelle, sur l’ensemble de l’Alsace. Le mode de scrutin exigera une stricte parité entre hommes et femmes. Il est prévu que le nombre total d’élus (actuellement 122) baisse de 10 à 20%. Les formations minoritaires voient d’un très bon œil l’insertion d’une dose de proportionnelle dans ce scrutin, ce qui devrait augmenter leur représentation et leur visibilité. A noter : l’acte III de la décentralisation harmonisera probablement le mode d’élection des conseillers d’Alsace avec celui des futurs conseillers territoriaux partout en France.

Pour combien de temps seront-il élus ?

A priori, il n’y aura qu’une seule catégorie d’élus, les conseillers d’Alsace, et ils seront élus pour un mandat de six ans.

Quels seront les organes de fonctionnement de la collectivité d’Alsace ?

Comme dans toute collectivité, il y aura une assemblée composée de tous les élus. Elle s’appellera Assemblée d’Alsace et élira son président. Elle élira également, à la représentation proportionnelle, son bureau avec des vice-présidents ainsi qu’une commission permanente. L’assemblée d’Alsace déterminera les politiques de la nouvelle collectivité, fixera les grandes orientations et pourrait même voter le budget.

Le pouvoir exécutif sera exercé par un conseil, qui sera dirigé par le président du conseil d’Alsace. Ce conseil exécutif sera constitué par une liste élue au scrutin majoritaire par l’assemblée d’Alsace. Cet exécutif pourra être renversé par l’assemblée au moyen de l’adoption d’une motion de défiance. Il dirigera l’action de la collectivité territoriale dans tous ses domaines d’intervention, en préparant et exécutant les délibérations et en administrant la collectivité.

Il y aura également des « conférences départementales », qui seront des assemblées sans budget ni pouvoir de décision et qui regrouperont les élus d’un seul département.

Des « conseils de territoire de vie » ont vocation à traiter des sujets de proximité, mais là encore sans budget ni pouvoir de décision.

Le conseil économique et social (Ceser) est maintenu dans ses fonctions d’assemblée consultative.

Où sera le siège de la collectivité d’Alsace ?

La note d’information diffusée à l’attention des électeurs précise que le siège de l’assemblée d’Alsace sera à Strasbourg, tandis que le siège du conseil exécutif sera à Colmar. Du coup, partisans de Colmar et de Strasbourg peuvent clamer que le siège est dans leur ville. Formellement, le siège sera à Strasbourg, mais si le conseil exécutif se tient à Colmar et que les services centraux de la future administration sont à Colmar, alors le siège réel sera à Colmar.

Où se renseigner en ligne ?

Plusieurs sites web et pages Facebook se sont lancés pour animer la campagne en ligne. En voici une sélection :

Comment les Alsaciens seront consultés ?

Les Alsaciens en âge de voter et inscrits sur les listes électorales seront appelés à se déterminer par la voie d’un référendum qui sera organisé par l’État le dimanche 7 avril. Il faudra réponse à cette question par « oui » ou par « non » : « Approuvez-vous le projet de création d’une Collectivité Territoriale d’Alsace, par fusion du Conseil régional d’Alsace, du Conseil général du Bas-Rhin et du Conseil général du Haut-Rhin ? »

Pourquoi la participation sera importante ?

La participation sera un enjeu majeur du référendum, et un défi pour le camp du « oui ». Car pour que cette consultation se conclue par une victoire du « oui », il faudra qu’au moins 25% des inscrits aient mis un bulletin « oui » dans l’urne le 7 avril dans chaque département, soit 187 500 bulletins à trouver dans le Bas-Rhin, 130 000 dans le Haut-Rhin. Pour le camp du « non » évidemment, la partie est plus simple puisqu’une faible participation équivaut à un rejet de la proposition.

Que va-t-il se passer en cas de victoire du « non » ?

Si le « non » emporte la majorité des suffrages, ou que la participation est trop faible, le projet de fusion des collectivités s’arrête là. Et le président du Conseil régional, Philippe Richert, entre dans une profonde dépression.

Que va-t-il se passer en cas de victoire du « oui » ?

Si le « oui » emporte la majorité des suffrages ET ceux de plus de 25% des inscrits, alors le Parlement examinera une loi spécifique qui créera la future collectivité territoriale d’Alsace. Le Parlement pourra s’inspirer des travaux déjà effectués par les élus alsaciens, mais il est libre d’amender le projet. Selon le calendrier du Parlement, la loi pourrait être votée fin 2013, début 2014. L’objectif serait que les modalités d’organisation de cette future collectivité soient votés au moins un an avant les futures élections territoriales, prévues en mars 2015. Si ce schéma suit son cours, les services des trois collectivités auront deux ans pour travailler à leur rapprochement en harmonisant leurs procédures. Et en mars 2015, ce sera l’élection des nouveaux conseillers d’Alsace, la naissance officielle de la collectivité territoriale d’Alsace et la disparition des conseils généraux du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et du conseil régional d’Alsace.

Et pendant ce temps sur Twitter…


Une question vous brûle les lèvres ? Posez la en commentaires, nous tenterons d'y répondre et le cas échéant, nous l'ajouterons à cette liste. Dernière mise à jour : mercredi 3 avril 2013.


#Conseil d'Alsace

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles

Autres mots-clés :

Partager
Plus d'options