Le cinéma Star clôt sa campagne de soutien dimanche

Quelque chose a changé entre le cinéma Star et ses clients. Lorsqu’à la fin mars tombe l’arrêt de la Cour d’appel de Colmar condamnant la Sarl Le Cinématographe à payer 191 000€ de loyer réhaussé et d’arriérés depuis 2006, le gérant du cinéma, Stéphane Libs n’a pas eu d’autre choix que de faire appel à la générosité des Strasbourgeois, une démarche violente selon son propre aveu :

« L’appel à dons était notre dernière option. Résumé, notre message était : « si vous ne nous aimez pas, on disparaît », ce qui est compliqué quand même pour une société commerciale, dont la vocation est d’être rentable. Je n’ai jamais eu envie de lancer un tel appel, ça me gêne. Puis les premiers dons sont arrivés, et en ont entraînés d’autres… C’est comme si on recevait tous les jours beaucoup de cadeaux… La générosité spontanée des Strasbourgeois nous a beaucoup touchés, même au-delà : je pense que rien ne sera plus jamais comme avant entre les cinémas Star et leurs spectateurs. On sera tous dans l’équipe éternellement reconnaissants à tous ces donateurs, individuellement. »

Lundi, le comptage des dons affichait plus de 46 000€. La majorité provient de la page de soutien au Star, via le système de paiement Paypal, mais d’autres ont donné directement à la caisse, en payant leur place plus chère par exemple. Beaucoup ont également envoyé des chèques de montants parfois importants. Le don le plus élevé a été de 1000€. La majorité avoisinent les 30€.

Cette mobilisation, ajoutée à l’aide de la Ville de Strasbourg (dont l’apport sur deux ans est passé à 60 000€), à celle du Conseil général (35 000€), au rattrapage des loyers de l’appartement loué par René Letzgus, ancien gérant, au dernier étage de l’immeuble (environ 40 000€), a permis au Star de voir le gouffre abyssal de sa dette à l’égard de sa propriétaire se réduire. Il reste à Stéphane Libs entre 10 et 15 000€ à trouver. Une somme toujours conséquente certes, mais réduite à moins de 10% du montant initial. Le gérant du Star respire :

« On va pouvoir clore ce chapitre dimanche avec un week-end festif (voir ci-dessous le détail). Beaucoup de gens nous ont offert leur aide, en nous précisant qu’ils n’avaient pas d’argent mais qu’ils étaient prêts à donner un peu de leur temps. Ce week-end est né pour fédérer toutes ces initiatives et ce sera un excellent point final à cette campagne de mobilisation. On fera ensuite quelques économies ici ou là, et on sait qu’on a plus que deux ans et quelques à tenir avant d’avoir fini de payer le remboursement de l’emprunt du fonds de commerce. En juillet 2014, le Star devrait retrouver l’équilibre financier. »

L’exploitation du Star toujours problématique

Car une fois la dette payée, la question de l’exploitation du Star reste posée. Avec un loyer mensuel passé de 2 930€ à 5 742€, un fonds de commerce acheté 830 000€ et des investissements urgents à consentir pour la modernisation des projecteurs vers le numérique, le Star est le cinéma le moins rentable de Strasbourg. Stéphane Libs n’a-t-il pas acheté le cinéma trop cher à René Letzgus en 2006 ?

« Un fonds de commerce se rachète en gros au niveau d’un an de chiffre d’affaires de l’exploitation. Le Star, c’est 820 000€ par an, donc je n’ai pas surpayé en achetant 830k€. De toutes façon, aucune banque ne prête l’argent si le fonds demandé est trop cher. Ceci dit, compte tenu des complications du loyer, peut-être que j’aurais dû négocier plus fermement… Mais à l’époque, il était impossible de prévoir une telle aggravation du loyer. Quand on lance une affaire, on ne peut pas parier sur le pire, ou alors on ne fait rien. »

Quoiqu’il en soit, cette affaire a rapproché les cinémas de ses usagers. Après l’instauration de « soirées vérité » mensuelles, Stéphane Libs et son équipe prévoient de proposer des rencontres, et d’autres évènements pour remercier tout particulièrement les donateurs. L’avenir promet de déboucher sur une relation inédite entre un cinéma et son audience, comme le résume Stéphane Libs :

« Des habitants ont pris le destin d’une salle en mains. C’est un rapport indéfinissable, inédit, inconnu. Mais ça fera désormais partie intégrante de notre politique. »