Des séquences de sons suraigües, entre 15 000 et 17 000 Hz, sont diffusées la nuit durant une seconde, à intervalle de dix secondes, devant le bâtiment de l’Aubette à Strasbourg. Ces séquences proviennent de quatre pavillons (haut-parleurs en forme conique) situés entre les portes vitrées de la galerie marchande et les grilles des entrées.
Un système sonore clandestin puisque ni la Ville de Strasbourg, propriétaire du bâtiment, ni le gestionnaire du centre commercial de l’Aubette ne sont informés de son existence. Le responsable technique du centre commercial, Michel Rey, a indiqué qu’il n’avait pas connaissance d’un tel dispositif, avant de renvoyer vers la Ville de Strasbourg. Mais à l’Eurométropole de Strasbourg, on affirme :
« A l’heure actuelle et malgré toutes nos recherches aucun de nos services ne voit de quoi il s’agit. »
Mystère, mystère ! Car la nuit, tout le monde – ou presque – peut entendre ces sons désagréables…
Un boitier « anti-jeune » ?
Le hic, c’est que ce dispositif rappelle la polémique lancée en 2008 sur l’installation du Beethoven, un boitier dit « anti-jeunes » car il s’invite dans les oreilles des adolescents avec des fréquences très aiguës pour éviter les squats devant les immeubles. Une arme sonore rapidement interdite par le tribunal de Saint-Brieuc, qui a condamné un particulier à verser 2 000 euros d’amende et à démonter l’appareil.
Le dispositif ne cible que les jeunes, ces grands fauteurs de troubles, car l’homme perd généralement – avec l’âge ou suite à une simple fatigue auditive – la perception des sons les plus aigus. Il est possible qu’après avoir écouté de la musique au casque, vous n’entendiez rien en regardant la vidéo ci-dessous, même si vous avez 19 ans, mais que vous entendiez cette même séquence demain matin au réveil. Ou bien que vos excellentes oreilles soient irritées par ce bruit alors que vous avez 50 ans.
Voici une vidéo enregistrée devant l’Aubette. Vous pouvez entendre la séquence sonore – à condition d’avoir une « bonne » ouïe.
Ci-dessous, vous pouvez tester votre audition grâce à trois extraits sonores :
Analyse de la séquence sonore
L’analyse des fréquences sonores relevées à côté de l’Aubette révèle bien une émergence spectrale d’un peu plus de 30dB entre 15kHz et 16kHz par rapport au bruit environnant. Sur le graphique ci-dessous, l’échelle est relative et ne permet pas d’en déduire le niveau sonore. Cependant, en extrapolant et en considérant que le niveau sonore ambiant serait d’environ 35dBA (bruit moyen estimé place Kléber vers 22h), on peut considérer que les niveaux des aigus seraient d’environ 69dBA.
Échelle des décibels
Un dispositif singulier
Nous avons demandé à un acousticien de se rendre sur les lieux, spécialisé en acoustique du bâtiment depuis plus d’une dizaine d’années. Pour lui, il s’agit d’une séquence de sons programmés et non d’une simple fréquence monotone. En clair, un morceau de musique très bref et non une note unique. Les sons aigus sont très directifs et demandent plus de puissance que les fréquences classiques (proche de la voix) pour être diffusés à l’air libre. Ce dispositif singulier – qu’il n’a jamais observé auparavant – a donc une utilité précise. Mais laquelle ?
Dissuasion sonore ?
Les animaux aussi perçoivent ces sons suraigus. La diffusion de ces fréquences pourrait donc être destinée à éloigner des pigeons ou des nuisibles type rats, souris ou mulots. Mais pour lutter contre les volatiles, le dispositif devrait diffuser des sons encore plus aigus, audibles par les pigeons et non pas l’homme, et ce jour et nuit, pour être plus efficace et ne pas gêner les passants. Quant aux nuisibles, le dispositif devrait se situer à l’intérieur de la galerie marchande pour être utile et protéger les enseignes de restauration des rongeurs.
Puisque ces deux objectifs ne semblent pas être ceux recherchés, il ne reste que les jeunes comme cibles sensibles aux sons suraigus des boîtiers, dont la présence statique à l’extérieur du centre pourrait être mal vécue. Mais par quelqu’un qui refuse d’assumer son installation apparemment…
Car dans tous les cas, quelqu’un a bien installé ce dispositif à cet endroit très passant et continue de le faire fonctionner, à l’insu du propriétaire de l’Aubette et de son exploitant. Et si les doutes sur l’utilité de ces fréquences et sur l’origine de l’appareil subsistent, la gêne occasionnée par ces sons irritants pour ceux qui les entendent est en revanche certaine.
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