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La Région Alsace, en quête de stratégie numérique, saborde Iconoval

L’agence de développement économique Iconoval va cesser ses activités durant l’été. La Région Alsace, principal financeur, a décidé que les résultats n’étaient pas au rendez-vous et que l’agence n’avait pas su accompagner les mutations de l’économie numérique. Mais l’effacement d’Iconoval pose une question : quelle est la stratégie de la Région Alsace pour l’économie numérique ?

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La Région Alsace, en quête de stratégie numérique, saborde Iconoval

Un minitel 1 (Photo Groume / FlickR / CC)

Lorsque l’ancien président du Conseil régional, feu Adrien Zeller, a créé Iconoval en 2004, il s’agissait d’accompagner le développement économique des entreprises alsaciennes traitant « de l’image » au sens large, de ceux qui la produisent à ceux qui la transforment en passant par ceux qui la transportent. Adrien Zeller voulait ainsi panser les plaies des errements passés de la Région dans l’industrie numérique, type Telal ou plan câble… et orienter la région vers une spécialisation sur l’image numérique qui serait reconnue à un niveau international. Lancé en grandes pompes, le chirurgien-star-entrepreneur Jacques Marescaux a été le premier président de l’association, c’est dire l’ambition d’alors qui a porté Iconoval sur les fonds baptismaux. L’agence revendiquait alors l’animation d’un secteur économique qui concernait 12 000 emplois.

Huit ans après, la Région Alsace arrête les frais. Que s’est-il passé ? D’abord, le Conseil régional a changé de président en 2009, puis 2010. Et Philippe Richert n’a pas la même appétence qu’Adrien Zeller pour les technologies numériques. D’axe prioritaire, le développement de la filière image est devenu secondaire, derrière d’autres filières industrielles comme le bois, l’automobile ou le textile.

Iconoval a dû chasser deux lièvres à la fois

Mais surtout, la rencontre entre les entreprises et Iconoval a mis du temps à se faire. Un « cluster », le jargon désignant ce genre d’agence de développement économique, met entre deux et trois ans à atteindre sa vitesse de croisière. L’ennui est que pendant cet intervalle, la filière de l’image n’a pas convergé vers l’industrie numérique, contraignant Iconoval à chasser deux lièvres à la fois. Les entreprises, dont aucune n’a la taille suffisante pour servir de navire amiral, ont mis du temps à comprendre l’intérêt qu’elles pourraient avoir à travailler en réseau.

Marescaux s’en est allé, et le caractère très général de la filière image, où se côtoyaient des personnes issues de l’industrie de l’optique et des réalisateurs, a obéré l’émergence de synergies. L’école des métiers de la télévision, portée par Iconoval, a fait long feu. Même l’implantation dans les anciens locaux d’Alcatel à Illkirch-Graffenstaden d’un centre technologique et de démonstration n’a pas tenu. Pendant ce temps, la Région injectait chaque année environ 500 000€ dans Iconoval…

Recentrage sur l’image narrative, mais trop tard

En avril 2011, la Région demande à Iconoval de choisir un axe de développement et de se recentrer. Pour les membres du conseil d’administration de l’agence à ce moment-là, le choix est tout fait, ce sera l’image narrative. Pour la première fois depuis sa création, les entreprises s’emparent d’Iconoval pour l’utiliser comme une tête de réseau. Ils rédigent alors une feuille de route et divisent presque par deux le budget de l’association. Ils attendent encore la réponse de la Région… Claude Sturni, conseiller régional chargé de représenter la Région au conseil d’administration d’Iconoval, n’est jamais venu. La collectivité avait en fait déjà décidé d’en finir avec Iconoval.

Le 17 avril, le conseil d’administration apprend que la Région met fin à sa subvention de 460 000€ (60% du budget de l’association), que le développement de la filière de l’image narrative sera transféré à l’Agence culturelle d’Alsace, et que la plate-forme de réalité virtuelle sera gérée par le Centre régional pour l’innovation de Saint-Louis, Holo3. Le développement de l’industrie numérique est confié à l’Agence régionale d’innovation. Fermez le ban.

(Photo Emilie Ogez / FlickR / CC)

L’ennui, c’est le vide que va laisser la disparition de ce cluster dans l’économie numérique alsacienne. Pour Jacques Bigot, président de la CUS et ancien conseiller régional d’opposition, il aurait été plus pertinent de laisser une chance à un Iconoval rénové :

« On peut penser ce qu’on veut d’Iconoval, mais un réseau d’entreprises s’était constitué et il aurait été opportun de le sauvegarder. Le pôle image, c’était un pari sur l’avenir dans un secteur où il faut être audacieux. Maintenant, on ne peut que constater l’absence de stratégie régionale pour l’économie numérique, alors que les besoins d’accompagnement sont réels. Quoiqu’il en soit, la CUS invite les entrepreneurs adhérents d’Iconoval à sauvegarder leur réseau et à se rapprocher de nous pour qu’on puisse voir ensemble ce qui peut être fait. »

A la Région, on fait valoir que les résultats d’Iconoval n’étaient tout simplement pas au rendez-vous et qu’il était nécessaire de rationaliser, comme l’explique Christophe Kieffer, directeur du cabinet de Philippe Richert :

« On était arrivé au bout d’un cycle. Iconoval était devenu une belle idée qui ne produisait plus grand chose. On a bien essayé de réorienter le cluster, d’améliorer son efficacité, mais ça n’a pas abouti. A un moment, il faut choisir, d’autant que le directeur lui-même avait annoncé son départ il y a plus d’un an et que les adhérents n’y trouvaient plus leur compte. Donc avec cette réorganisation, on garde les missions d’Iconoval, qui se trouvent réparties au sein de structures mieux adaptées. Par ailleurs, la mission de mise en réseaux des entreprises est accomplie, les gens qui devaient travailler ensemble le font, il n’y a plus à accompagner des relations normales d’entreprises. »

Elus et dirigeants d’entreprises peinent à travailler ensemble

Pour Frédéric Rose, PDG d’Anamnesia et président de l’association Iconoval, ce sabordage est un immense gâchis :

« Bien sûr qu’Iconoval était utile pour les entreprises ! Au delà de la mise en réseau des compétences locales, le cluster a donné à notre secteur une visibilité internationale et nous avons profité des démarches de certification européennes et internationales lancées par Iconoval. Qui va mener les actions collectives à présent ? Et pour tous les jeunes qui montent des start-ups et qui ont besoin d’aide dans l’élaboration de leurs dossiers de subventions, qui va s’en charger ? »

De son côté, Alain Tubiana, le directeur d’Iconoval fait valoir son bilan : 50 entreprises créées, 300 emplois, un taux de survie à cinq ans de 98%, une labellisation pour l’export… mais l’évaluation des bénéfices d’un cluster pour un secteur économique est de toutes façons très difficile à établir. Pour Frédéric Rose en tout cas, cette expérience a sonné le glas de son engagement dans l’animation économique. Décidément, élus et dirigeants d’entreprises peinent à travailler ensemble. Et le risque est grand que la filière numérique continue d’être fragmentée à l’extrême en Alsace. Des six salariés actuels d’Iconoval, l’Agence culturelle pourrait en récupérer un ou deux.

Pour aller plus loin

Sur Rue89 Strasbourg : le rapport d’activité 2011 d’Iconoval

Sur DNA.fr : La Région tire un trait sur Iconoval

Une tribune de Jacques Bigot et Catherine Trautmann sur la stratégie de la Région Alsace dans le numérique.


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