Depuis le 5 décembre, 43 radios émettent en Alsace via la technologie DAB+ (pour Digital audio broadcasting, le nouveau nom de la radio numérique terrestre, RNT) à partir d’émetteurs mutualisés. L’Alsace compte 4 émetteurs autorisés : trois locaux pour Strasbourg, Mulhouse et Colmar et un qui émet de Saverne au nord jusqu’à Mulhouse au sud, appelé « Strasbourg étendu » et que se partagent 13 radios. Un dernier émetteur est en cours de constitution pour Haguenau.
Techniquement, chaque émetteur, ou multiplex, émet une fréquence porteuse unique sur laquelle il transmet un « tressage » de 13 radios codées en numérique. À l’arrivée, le récepteur sépare les 13 signaux. Dans chaque cas, les 13 radios associées, qu’elles soient commerciales ou associatives, doivent s’entendre pour supporter le coût de diffusion de leur multiplex commun. Pour le public, la qualité d’écoute de la radio numérique terrestre est bien meilleure que celle de la FM… À condition bien sûr d’être équipé d’un récepteur.
Après 15 ans de tentative de diffusion numérique en France, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a décidé d’aligner le pays sur cette norme de radio mondiale. Avec l’arrivée de la RNT en Alsace et en Rhône-Alpes en décembre, cette technologie atteint à 20% de la population. C’est le seuil pour imposer aux industriels de s’adapter. D’ici quelques mois, tous les postes de radios neufs commercialisés devraient être en mesure de recevoir le DAB+. D’ici un an et demi, l’industrie automobile devra équiper ses nouvelles voitures de récepteurs de radios numériques.
Pour l’heure, pas question pour autant d’abandonner la bande FM, assure le CSA. Les deux technologies vont cohabiter en France. Car même si le DAB+ est désormais disponible, il va falloir du temps pour que la population l’utilise. En Europe, seule la Norvège a basculé en tout DAB+. En Allemagne et au Royaume-Uni, cette technologie couvre pratiquement toute la population mais le taux d’écoute reste confidentiel. Nicolas Curien, président du groupe de travail radio du CSA, explique :
« Le système a une certaine inertie. Il faut d’abord déployer le réseau puis que les gens s’équipent. En France, on ne pourra pas se poser la question avant plusieurs années d’un éventuel calendrier de bascule de la FM vers le DAB+. Les deux technologies cohabiteront durablement dans notre pays. »
Pour certaines radios, l’autorisation d’émettre en DAB+ représente cependant une réelle opportunité pour atteindre un nouveau public, alors qu’en Alsace, en raison du partage des fréquences avec l’Allemagne, la bande FM est saturée. En outre, l’écoute des radios par Internet a remplacé le poste de radio dans de nombreux foyers.
Meilleur son, couverture plus étendue…
Mais pour autant, sauter le pas de la DAB+ n’a été évident pour aucune radio. Simon Warynski, président de la station musicale Accent 4, radio associative 100% locale, reconnaît des avantages à se lancer dans l’aventure de la DAB+ :
« Cette technologie nouvelle permet une bien meilleure qualité de son pour nos auditeurs, et le multiplex nous offre une zone de couverture bien plus étendue que celle que nous avons sur la bande FM. Mais on ne sait pas du tout ce que va devenir la FM. On sait juste que si on ne prend pas le train de la RNT, on risque un jour de ne plus pouvoir diffuser. On a longtemps hésité pour des raisons économiques. Accent 4 est une radio associative qui tire ses ressources des dons et des subventions. Diffuser sur le DAB+ va nous coûter plus de 10 000 euros supplémentaires par an. Il va nous falloir trouver de nouvelles ressources. »
Pour les grosses radios commerciales, le DAB+ représente une opportunité de ciblage publicitaire, comme l’explique Pierre Bellanger, président de Skyrock :
« L’écoute radio issue d’une requête d’un terminal permet de mesurer l’audience réelle en instantané et en continu. Elle permet de qualifier des groupes de publics en fonction de leurs profils. Dans ce modèle la publicité est commercialisée par enchère à la volée et chaque groupe qualifié reçoit les messages qui lui correspondent intégrés au sein d’un même programme. C’est une révolution. C’est la puissance de la radio et la finesse d’Internet enfin réunis. »
Les radios du service public à la traîne
Mais le président de Skyrock reconnaît quand même :
« La montée en puissance de ce nouvel âge d’or de la radio est un investissement majeur pour les radios, investissement qu’elles ne peuvent supporter en s’appuyant sur leurs seules ressources. Nous poursuivons notre développement RNT mais sans encore de visibilité. »
Si Skyrock s’est déjà positionné, d’autres radios ont été plus lentes à se décider. Ainsi NRJ ne fait pas partie des 43 radios à émettre en DAB+ en Alsace, ni en Rhône-Alpes, ni en Hauts-de-France. La radio a quand même pris le train en marche et sera à Bordeaux et Toulouse bientôt, et devrait se positionner sur les multiplex métropolitains.
Quant aux stations du service public, le CSA espère qu’elles se positionneront aussi prochainement. Mais pour l’heure, elles négocient encore avec leur autorité de tutelle qui exige 30 millions d’économie en 3 ans…
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