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Au Maillon, un regard tragicomique sur l’Europe d’aujourd’hui

Les 24, 25 et 26 janvier, le Maillon accueillera la jeune compagnie El Conde de Torrefiel qui présentera La Possibilidad que desaparece frente al paisaje (« La possibilité qui disparaît face au paysage »), un voyage décapant à travers l’Europe d’aujourd’hui.

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Au Maillon, un regard tragicomique sur l’Europe d’aujourd’hui

Cette saison, les spectacles du Maillon ne cessent de nous faire voyager : entre un arrêt à Zvizdal (décembre) et une halte à Siena (mars), la jeune compagnie catalane El Conde de Torrefiel nous propose un itinéraire en Europe avec La Possibilidad que desaparece frente al paisaje (« La possibilité qui disparaît face au paysage »), probablement une des expériences théâtrales les plus étonnantes de cette saison.

Et si vous vous laissiez entraîner dans un tour d’Europe?

La pièce emmène ses spectateurs dans dix villes européennes, qui forment les dix tableaux structurant la mise en scène. Tour à tour s’affichent à l’écran Madrid, Berlin, Marseille, Lisbonne, Kiev, Bruxelles, Thessalonique, Varsovie, Lanzarote et Florence. Des destinations où une voix off convoque des figures intellectuelles contemporaines dont les écrits ont motivé la création de ce spectacle. Nous retrouvons entre autres comme des « stations de pensées » sur la société actuelle : Michel Houellebecq (sur l’art), Zygmunt Bauman (sur le divertissement), Spencer Tunick (sur l’Holocauste) ou Blixa Bargeld (sur l’information totale).

Le spectacle s’ouvre. Une femme, dos au public, regarde défiler le texte surtitré (Photo: Hervé Veronese).

Voir l’autre pour se regarder soi

La Possibilidad… dépeint sur le mode tragicomique le naufrage de l’humanité en interrogeant notre rapport à la culture, à l’art, mais aussi au temps et aux différentes strates du passé. La compagnie explique :

« Lors de la Shoah, des scènes qui dépeignent l’immobilité infinie de certains paysages bucoliques se répètent ; des bois et des champs qui, quelques années auparavant, étaient la scène de tortures et de meurtres d’ampleur industrielle : des fosses communes qui, dans un état naturel et paisible, cachent maintenant un génocide humain. Une réalité cachée sous une autre réalité. Ainsi, la séquence de couches sont capables de cacher mais pas d’effacer ce sur quoi elles sont construites. Des personnes muettes, des villes en silence, des pays qui oublient. »

Le passage par l’histoire permet de remettre en question notre prospérité actuelle : qu’est ce qui se cache sous la beauté et la quiétude ? Chaque escale nous amène à nous confronter à nous-même, à notre mode de vie et de consommation. Certaines scènes mettent mal à l’aise et c’est volontaire, on provoque le spectateur pour l’inciter à s’interroger.

Les quatre interprètes exécutent une série de figures collectives (Photo: Claudia Pajewski).

Une expérience théâtrale aux esthétiques multiples

La compagnie, créée en 2009 par la suisse Tanya Beyeler et l’espagnol Pablo Gisbert, regroupe des dramaturges, vidéastes, musiciens et danseurs (notons qu’ils collaborent aussi parfois avec la compagnie La Veronal) et se caractérise par une esthétique mêlant théâtre, chorégraphie, littérature et arts-plastiques.

Pour La Possibilidad… la compagnie mêle une fois encore les genres en les démarquant les uns par rapport aux autres. Sur cette cartographie de l’Europe d’aujourd’hui viennent se greffer une voix off, féminine, et quatre acteurs, muets. Les quatre comédiens évoluent sur une scène quasiment vide où seuls quelques objets sont disposés pour les divertir : sacs plastiques, gong, château gonflable, etc. Leurs actions paisibles semblent en complet décalage avec le texte récité par la voix-off. Ainsi, la scène fonctionne en autonomie du texte: les acteurs restent muets aux paroles qui se déroulent, leur expression livide. Le spectateur, lui, doit sonder ce vide entre texte, corps et image, confronter ces éléments pour trouver du sens. Selon la compagnie :

« La possibilité qui disparaît face au paysage est, en définitive, organisé comme une maquette inoffensive et propre, un salon de jeux où quatre personnes sont capables de transcender le sens de leurs actions. Le travail brouille la cartographie du comportement et déplace les pratiques humaines vers un état presque embryonnaire. Une carte composée par des images de nature esthétique, grâce à laquelle se cache le territoire sauvage de l’esprit, menacé par la perversion, la peur et la faiblesse des lois morales. »

A Athènes, un château s’élève et se dégonfle (Photo: Claudia Pajewski).

El Conde de Torrefiel est à compter parmi les jeunes compagnies dont le travail promet d’être à suivre ces prochaines années. Un aperçu dès mercredi au Maillon.


#Europe

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