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La PopArtiserie, nouveau QG de l’art urbain à Strasbourg

Ouverte en décembre 2013, la galerie d’art PopArtiserie a de l’ambition : être le lieu d’exposition du graff », du pop art et de l’art urbain à Strasbourg, accueillir de petits concerts, et proposer des objets de décoration réalisés par des artistes. Ça fait beaucoup, mais le public est au rendez-vous.

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La PopArtiserie, nouvelle galerie d'art à Strasbourg

Au centre de la salle d'expo, un bar pour rendre l'ensemble plus convivial (Photo LR / Rue89 Strasbourg / cc)
Au centre de la salle d’expo, un bar pour rendre l’ensemble plus convivial (Photo LR / Rue89 Strasbourg / cc)

Une fois la grande porte d’entrée franchie, on met le pas dans l’antre de la PopArtiserie, nouvelle galerie d’art située rue de l’Ail à Strasbourg, fondée par Solveen Dromson et Erwann Briand. Cyril Palmowski s’est rajouté par la suite à l’aventure. Loin des grands murs blancs épurés des galeries conventionnelles, la PopArtiserie propose des canapés sur palettes, des graffs sur les murs, un bar pour boire un coup et même grignoter. Solveen Dromson, cofondatrice de la galerie, explique le concept :

« Nous avons créé la galerie que nous aurions aimé voir ailleurs, la galerie dans laquelle nous nous sentons bien. La PopArtiserie propose de découvrir le mouvement artistique du Pop Art né en Grande-Bretagne, mon univers de création. À côté, l’art urbain occupe une grande place dans la galerie avec ses diverses activités issues de la rue : le graff, le pochoir et même la photo. Notre gamme artistique est très riche : de février à avril 2014, nous avons eu l’honneur d’exposer les photos de Pierre Terrasson tandis qu’en ce moment, j’expose avec Toma.H du collage Pop flash. »

Répondre à un manque sur les cultures urbaines

Ouverte depuis décembre 2013, le projet a nécessité deux ans de travail. La galerie a bien failli voir le jour à Bordeaux, Solveen Dromson raconte :

« Erwann est né à Bordeaux mais on s’est rendu compte qu’il y avait déjà pas mal de galeries consacrées à l’art urbain dans cette ville. Étant originaire de Strasbourg, j’avais envie de revenir à mes racines après avoir beaucoup bougé en Europe et d’apporter tout ce que j’avais vu de mes expériences et de mes voyages. »

Installé dans les anciens locaux d’un antiquaire, la PopArtiserie a eu du mal à démarrer. Les fondateurs ont demandé à être référencé comme galerie d’art par l’Office du tourisme de Strasbourg, qui vient de l’accepter après avoir jugé qu’il y en avait déjà bien assez. Certes, il en existe une vingtaine, mais aucune n’est consacrée à l’art urbain. Les deux gérants affirment :

« Si nous avons choisi Strasbourg, c’est aussi parce que il y a un grand vide à combler dans l’art urbain. Nous ne connaissons aucune galerie qui expose des collages ou d’autres formes de Pop Art, même si des lieux comme Pop Shop et Zee-art s’en rapprochent un peu. Et puis, côté Street Art, Strasbourg a encore du chemin à faire. La Plaine des Bouchers propose aux artistes de louer des ateliers pour créer dans l’espace Colod’art. Au centre-ville de Strasbourg, il ne se passe rien. Mulhouse bouge beaucoup plus notamment avec la création du M.U.R Mulhouse  initié par l’association Epistrophe, qui, chaque mois, invite un street-artiste à créer une oeuvre sur ce mur d’expression. Sinon, les artistes vont à Nancy, en Allemagne ou à Paris pour exercer leur art. »

Un avis que partage Masta Bonzer, graphiste à Strasbourg et ancien graffeur :

« Avant de me lancer dans le graff’, j’ai fondé des associations  et des collectifs il y a une dizaine d’année de skate et de BMX. Du côté de la Ville, rien n’a bougé: pour le BMX, on n’avait pas de terrain, pareil pour le skate. On avait soit des réponses négatives, soit pas de réponse du tout. Je devais aller en Allemagne dans des villes comme Fribourg, Karlsruhe ou à Paris. Pour le graff’ c’est la même chose, on a des problèmes pour trouver des murs, il n’y a pas d’endroit où on peut aller. Strasbourg est une ville morte et de vieux. »

Quant au graffeur Mahon, originaire de Strasbourg, il n’a jamais rien attendu de la part de la Ville, bien au contraire:

« C’est clair que Strasbourg est une ville de suiveurs sur le graff’, on est super en retard. C’est pour ça que je trouve que la PopArtiserie est une bonne initiative, à part ça il n’y a rien du tout à Strasbourg. Ceci dit, quand j’ai commencé le graffiti dans des endroits désaffectés, je m’en foutais totalement d’avoir un lieu mis à ma disposition. La démarche dans la rue est gratuite et spontanée, c’est ça pour le moi l’essence du graffiti. Aujourd’hui, je vois que de temps en temps des autorisations sont données… Pour moi c’est de la peinture du dimanche. Notre génération faisait du vrai graffiti, on était beaucoup plus imaginatifs et libres. »

Réconcilier le graff’ de rue avec l’univers des galeries

La PopArtiserie se propose d’être un lieu d’expression pour les artistes issus de l’art urbain mais le graff’ est un art de rue, flirtant volontiers avec l’illégalité. Créer dans des spots mis à disposition ne revient-il pas à dénaturer la pratique du graff’ ? Pour les fondateurs de la PopArtiserie, cela n’est pas un obstacle :

« Il arrive que des villes demandent aux artistes de s’occuper de tels ou tels murs, dans ce cas précis, l’art perd de son authenticité et devient beaucoup trop conventionnel. La PopArtiserie met à disposition des murs pour qu’ils puissent créer tout en étant totalement libres. Elle est un point de chute où les artistes se sentent à l’aise pour laisser aller leur imagination. Ils savent aussi que leurs œuvres seront vouées à disparaître, le Street Art étant par essence éphémère. Tout cela apporte un côté vivant, ce n’est plus simplement une galerie d’exposition, mais aussi un lieu de création. »

Lors de l’exposition « Faces Cachées« , Ender, qui fait du pochoir, et Kouka, peintre urbain, ont exercé leur art en public. Dans une interview donnée à la PopArtiserie Ender déclare:

« En fait, le coté illégal n’est pas le plus important pour moi. Je me préoccupe pas de savoir si c’est légal ou pas. Ce qui me plait, c’est de faire coïncider mon pochoir, l’image que je veux donner, et le mur. C’est vraiment un travail sur la texture, sur la pierre, que les deux puissent dialoguer, aussi bien le mur et le pochoir, le pochoir et le mur. »

A droite de l'espace canapé, une oeuvre réalisée par l'artiste strasbourgeois Pisco (Photo LR / Rue89 Strasbourg / cc)
A droite de l’espace canapé, une oeuvre réalisée par l’artiste strasbourgeois Pisco (Photo LR / Rue89 Strasbourg / cc)

Expos « flashs » et « longues »

La PopArtiserie va essayer de mixer des artistes confirmés, qui seront exposés sur des durées « longues » d’un mois, et des artistes émergents ou locaux, qui bénéficieront d’expositions « flash » de quelques jours seulement. Mahon sera exposé à la rentrée :

« J’ai environ 20-25 ans de carrière dans le domaine du graffiti, j’ai donné des cours, j’ai presque commencé dans la délinquance. Je suis ravi d’être exposé à la PopArtiserie, c’est une étape supplémentaire dans ma carrière de graffeur, j’espère pouvoir continuer dans cette voie. »

La galerie, laisse carte blanche aux artistes concernant les œuvres qu’ils proposent, avec quelques conditions, comme déclarent les deux gérants:

« On est sollicité jusqu’à trois à quatre fois par jour par des artistes, d’autres toquent directement à la porte de la galerie. Les expositions longues sont planifiées sur un an et demi. On se laisse la liberté de refuser des artistes même si la plupart sont nos amis. Ça doit à la fois rester dans le cadre de l’art urbain et nous plaire. Il en va de même pour les artistes locaux qui exposent sur un week-end. Il faut que l’exposition flash soit en cohérence avec l’autre exposition. En cas de succès, nous sommes fiers. C’est le cas pour Victor Chevalier, jeune photographe prometteur de 19 ans, qui après avoir participé à une exposition flash, a été contacté pour faire la couverture du magazine ORnorme. »

Cyril Palmowski devant l'expo en cours, lui doit développer le concept store (Photo PF / Rue89 Strasbourg / cc)
Cyril Palmowski devant l’expo en cours, lui doit développer le concept store (Photo PF / Rue89 Strasbourg / cc)

Le bar et le concept store pour équilibrer les comptes

La réouverture de la galerie, mercredi 5 août après une pause estivale, a réuni environ 200 personnes. Un beau succès selon le cogérant Erwann Briand :

« Jusqu’à présent, les expositions que nous avons organisées ont toujours été appréciées. Le public nous dit souvent “heureusement que vous êtes là, vous êtes une vraie bouffée d’air frais”. On reçoit en majorité des jeunes, mais il y aussi des gens plus âgés. On voit bien qu’on est attendus, on va organiser des pré-vernissages réservés aux amateurs d’art pour les prochaines expositions. »

L’enthousiasme autour de la PopArtiserie est partagé non seulement par le public, mais aussi par les artistes, Masta Bonzer:

« Je respecte beaucoup le principe, je trouve ça cool, ça fait avancer les choses qui ont été pendant trop longtemps laissé en suspens. Je ne suis pas exposé là-bas non pas parce que je rejette l’endroit, mais parce que je n’ai plus envie d’être exposé tout court. Le seul bémol est que ça devrait être un lieu crée par la Ville et non par un groupe privé. Du coup, les boissons sont assez chères, mais bon on ne peut pas en vouloir aux fondateurs, il faut bien qu’ils vivent. »

Mais le succès économique de la PopArtiserie reste encore à prouver. Galerie d’art privée, l’endroit ne reçoit aucune subvention de la Ville et compte sur les ventes d’œuvres et la restauration pour ses recettes, comme le détaille Erwann Briand :

« Nous touchons un pourcentage de 40% sur chaque œuvre vendue. Le bar est aussi une ressource économique importante. Pour le moment, nous n’arrivons pas à tirer l’ensemble de nos revenus de la galerie. Cette dernière est encore toute jeune mais dans l’idéal nous aimerions réussir à en vivre d’ici quelques années. Seul Cyril est salarié pour le moment, Solveen continue d’exercer son métier dans une agence immobilière à côté tandis que je m’occupe uniquement de la galerie. « 

Ancien de Vans, Cyril Palmowski doit développer le « concept store » de la galerie. Solveen Dromson explique:

« Les visiteurs pourront repartir avec des cartes postales, des lampes, des accessoires, des coques de portable, des t-shirts… créés par des créateurs locaux ou des artistes qui nous sont proches. Il y aura pas mal d’objets de récupération ;  nous avons récemment rencontré une créatrice allemande qui fait des bijoux avec des timbres anciens. Certes l’art urbain est par définition éphémère, mais je trouve ça bien de repartir avec un ou plusieurs souvenirs d’une exposition qui nous a plu. »

À côté, même si ce ne sont à l’heure actuelle que des pistes de réflexions, la PopArtiserie pourrait être transposée dans d’autres villes européennes. En attendant, des expositions sur la BD et le skate sont en cours d’élaboration.

Aller plus loin

La PopArtiserie sur l’agenda des sorties de Rue89 Strasbourg, sur le web, sur Twitter, sur Facebook et sur Instagram3 rue de l’Ail à Strasbourg – 03 69 57 41 65 – Ouverture du mardi au samedi de 14h à 22h. 

Sur Alsace20 : reportage à La PopArtiserie

Sur Rue89 Strasbourg : tous les articles sur le graff’


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