Ce mercredi 13 juillet en début de matinée, les services de la préfecture et une dizaine d’agents de la police nationale s’activaient autour et à l’intérieur du gymnase Branly. Les 65 occupants du camp de l’Étoile y ont passé la nuit, après l’évacuation du camp de l’Étoile mardi 12 juillet au soir. La majorité d’entre eux sont montés dans des navettes qui les ont conduits au centre d’aide pour le retour, situé à Bouxwiller.
Dans un reportage publié en janvier 2022, Rue89 Strasbourg s’était rendu dans cette structure pour donner la parole aux migrants qui s’y trouvaient. « Au gymnase, ils nous ont dit qu’il ne fallait pas s’inquiéter, qu’ils allaient nous reloger et qu’il n’y avait pas de problème », racontait alors un père de famille, qui n’est resté que quelques heures à Bouxwiller. « Mais une fois là-bas, j’ai vite compris qu’ils nous proposaient de rentrer dans notre pays d’origine, et ça, je ne veux pas », complète-t-il.
« Un millefeuille d’hébergements possibles »
À midi, l’ensemble des sans-abris qui occupaient la place de l’Étoile avaient été réorientés, comme l’explique l’adjointe en charge des solidarités Floriane Varieras :
« Il y a un millefeuille d’hébergements possibles, tout est organisé par la préfecture. Chaque hébergement va dépendre de la situation administrative de chacun. »
Floriane Varieras, adjointe de la Ville de Strasbourg en charge des solidarités
Si les personnes ont le statut de demandeurs d’asile, elles seront prises en charge par l’Office français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII) dans la recherche d’un hébergement. Mais selon une source proche de l’OFII, « parmi les anciens occupants de la place de l’Étoile, très peu, voire aucune famille se trouve dans cette situation. Pour être éligible, il faut que la demande d’asile soit en cours d’examen auprès de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra) ou en cours de procédure auprès de la Cour nationale du droit d’asile (CNPA). Si toutes les demandes et recours ont été déboutés, alors les familles ne peuvent pas bénéficier du dispositif national d’accueil de l’OFII, et c’est à la préfecture de les prendre en charge. »
Bouxwiller, « un faux centre de rétention »
Selon Gabriel Cardoen, militant pour le droit des réfugiés à Strasbourg, « une grande partie des sans-abris ont été dirigés vers le centre d’aide pour le retour à Bouxwiller. C’est un genre de faux centre de rétention. Ils sont libres d’aller et venir. C’est un lieu provisoire le temps d’examiner la situation au cas par cas. »
« La Ville savait ce qui allait se passer »
Antonio Gomez, membre du collectif « D’ailleurs nous sommes d’ici 67 », condamne la manière dont la ville de Strasbourg a procédé :
« La politique de la préfecture, nous la condamnons. Elle a une immense responsabilité. Mais il y a aussi une grande responsabilité du côté de la Ville de Strasbourg. Elle devrait accueillir toutes les personnes, avec une aide sociale et médicale et ne pas les laisser comme ça pendant des semaines à l’abandon. La Ville a joué un rôle de la honte. En les refilant à l’État, la municipalité savait très bien ce qui allait se passer : beaucoup vont de nouveau se retrouver dans la rue d’ici peu. »
Du côté des sans-abris, ils semblaient plutôt heureux d’avoir passé une nuit dans le gymnase, après des semaines dans des conditions insalubres au camp de l’Étoile. Des lits ont été mis à disposition pour tout le monde dans le gymnase Branly, avec des douches, et des repas hier soir et ce matin. « Ça va. J’ai mieux dormi même si les enfants ont crié jusqu’à 3 heures du matin », affirme Sajbe, une jeune fille de 18 ans, originaire de Macédoine. Gabriel Cardoen, sur place hier soir, raconte : « Ils étaient contents, pour eux c’était plus un arrêté d’hébergement qu’un arrêté d’expulsion. »
Une prise en charge très lente de la préfecture et la mairie
Depuis fin avril, une trentaine de tentes étaient installées place de l’Étoile. Elles étaient habitées par des familles principalement venues des Balkans. Floriane Varieras, l’adjointe à la maire en charge des solidarités évoque la très lente réaction face à cette installation : « Le dialogue a été long avec la préfecture. »
Marie-Dominique Dreyssé, vice-présidente de l’Eurométropole, précise :
« La canicule était très préoccupante, et l’approche du feu d’artifice a accéléré les choses. Un accord a finalement été trouvé avec les services de l’État. On s’en réjouit, sans cet accord, il aurait été impossible d’agir. La ville s’occupe plus de la logistique, et la préfecture des réorientations. »
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