« C’est étonnant de voir à quel point cette pièce de 1752 est encore très actuelle. L’héroïne est une vraie féministe qui prône son indépendance et sa liberté à une époque à laquelle les femmes n’étaient reléguées qu’à des seconds rôles », expose Amandine Bockel, la comédienne de la Compagnie 12 qui interprète le rôle-titrede La Locandiera. Créée en 2016, à la suite d’une rencontre lors d’un atelier au TAPS (Théâtre Actuel et Public de Strasbourg), la Compagnie 12 présente son quatrième spectacle. Après Ouz de Gabriel Calderon, Les 7 péchés capitaux (en création) et L’Importance d’être Constant d’Oscar Wilde, ses membres se sont attaqués au théâtre italien.
Ainsi nommée pour être différenciée de la comédie française, la comédie italienne a largement marqué le théâtre du XVIe au XVIIIe siècle. Des artistes italiens étaient alors venus à Paris pour faire découvrir au public français la Commedia dell’arte, un théâtre issu de la littérature orale et tendant vers la tragi-comédie. Les pièces appartenant à cette mouvance comportent souvent des épisodes dramatiques, agrémentés de passages humoristiques et d’un dénouement heureux. Elles reposent également sur des personnages récurrents (valet, marquis,…) et excentriques et sur la capacité des acteurs à improviser sur scène.
« Je n’ai peint nulle part ailleurs une femme plus séduisante, plus dangereuse que celle-ci »
Carlo Goldoni, préface de La Locandiera
Si les troupes italiennes participent beaucoup à l’arrivée des femmes sur scène, les rôles qui leur sont proposés sont souvent stéréotypés. À travers La Locandiera, Carlo Goldoni prend le contre-pied de cette image féminine et offre à la comédie italienne l’un de ses premiers grands rôles féministes.
Au centre de l’intrigue, une aubergiste nommée Mirandolina. Cette jeune femme, libre, intelligente et très séduisante gère seule l’auberge héritée de son père quand son quotidien est perturbé par l’arrivée de trois voyageurs : un marquis, un comte, rejoints par un chevalier. Comme nombre de ses clients, les trois hommes tombent sous son charme, mais le chevalier agace rapidement l’héroïne avec son comportement grossier et misogyne. Mirandolina échafaude alors un plan pour se venger, qui consiste d’abord à le séduire.
De la Commedia dell’arte à la comédie italienne
Mise en scène par Katharina Weege, cette pièce est montée et jouée par la Compagnie 12, l’une des 34 troupes amateures du collectif qui a investi la salle du Cube Noir, à Koenigshoffen. À travers une mise en scène décrite comme « haute en couleur et un peu décalée » par la comédienne Amandine Bockel, le groupe dépoussière un répertoire peu joué sur les scènes strasbourgeoises.
L’auteur de « La Locandiera », bien qu’aujourd’hui délaissé, a largement marqué son époque avec une production importante (115 comédies, 18 tragi-comédies,…). Carlo Goldoni a vécu entre 1707 et 1793 et a notamment vécu à Venise, puis à Paris. Après une carrière de juriste, il s’est tourné vers le théâtre pour devenir l’un des plus grands dramaturges italien du XVIIIe siècle. On lui associe parfois le titre de créateur de la comédie italienne moderne, car il a su rompre avec certaines traditions de la Commedia dell’arte (personnages fixes, place des rôles féminins…) tout en conservant son essence et son humour.
Une bonne humeur que la Compagnie 12 a à coeur de partager avec son public. Avant les premières représentations à Mutzig, fin avril, cela faisait près de trois ans que la troupe ne s’était plus retrouvée devant des spectateurs. « Nous sommes tous galvanisés par ce retour et nous avons hâte de rejouer au Cube Noir », se réjouit Amandine Bockel.
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