“Cantat Assassin”, “Féminicide”, voilà les mots qui jalonnent le chemin des spectateurs se rendant au concert, complet, de Bertrand Cantat ce mercredi 7 mars à la Laiterie. Une date qui fait mouche, la veille du 8 mars, journée internationale des Droits des femmes, et qui a nourri la protestation d’associations féministes locales, comme Osez le féminisme 67 et le collectif ACAP (Anti Capitalisme Anti Patriarcat).
Ce mardi 6 mars, un collectif de militantes se rend aux abords de la salle de spectacle pour recouvrir les murs d’affiches avec le visage du chanteur et la mention “Assassin en concert”. Peu de temps après, vers 23h, un autre groupe arrive, bombes de peinture et pochoirs en main, pour taguer des slogans similaires… jusqu’à ce que l’arrivée de la police mette fin à leur action.
Au sol, la mention “Remember Marie” brille en lettres rouges. Marie, c’est Marie Trintignant, morte en 2003 sous les coups de l’ex-chanteur de Noir Désir, condamné en 2004 à huit ans de prison pour l’homicide involontaire de sa compagne. Il avait obtenu sa liberté conditionnelle 3 ans après. Depuis, il a repris une activité artistique en solo et est actuellement en tournée dans toute la France.
Pour les associations féministes, c’est cette exposition artistique et médiatique qui est à condamner. Le collectif ACAP s’est joint à d’autres associations comme Les Effronté-e-s et le Collectif Copines pour demander l’annulation du concert dans une lettre ouverte au maire, de Strasbourg Roland Ries (PS) dans laquelle elles justifient leur demande par un souci de ne pas laisser impunies “les violences de genre » :
“Accorder à un auteur de féminicide (le meurtre d’une femme en raison de sa condition féminine, ndlr) la possibilité de maintenir son statut de personnalité publique n’est pas anodin. Cela renvoie l’image d’un soutien indifférent au crime qu’il a commis, et d’un mépris envers les victimes de violences et de crimes genrés”.
“La responsabilité de ceux qui participent à la programmation de ses concerts”
Dans un communiqué, l’association Osez le féminisme 67 veut surtout “rappeler les faits” :
“Bertrand Cantat a tué. Et en effet cette réalité doit déranger. Nous sommes du côté de celles qui ne sont jamais entendues ni reconnues. Se servir de sa notoriété pour faire accepter ses crimes est une des stratégies récurrentes des agresseurs. Cantat sait très bien profiter de son statut pour légitimer sa présence médiatique. Se pose la question de la responsabilité de ceux qui participent à la programmation de ses concerts et qui le soutiennent.”
C’est pour faire passer ce message auprès des organisateurs et spectateurs qu’elles ont décidé de les accueillir avec les slogans “Stop agresseurs”, “#Féminicide”, “Cantat Assassin” et “Remember Marie”, comme l’expliquent les militantes, bombes de peinture à la main :
“Si cela peut faire réfléchir quelques personnes, c’est déjà ça de gagné. »
Pression partout en France
Le concert affiche complet et aura bien lieu. La mairie n’a pas répondu à la demande d’annulation de l’événement. L’adjointe chargée des droits des femmes, Françoise Bey (PS), a simplement indiqué que si elle avait pris connaissance de la date plus tôt, elle aurait demandé à déplacer le concert. La municipalité organise au même moment un contre-événement autour d’une projection du film « Jusqu’à la garde » de Xavier Legrand, au cinéma UGC Ciné cité.
Contactée, La Laiterie n’a pas répondu à nos sollicitations. Cette pression n’est pas spécifique à Strasbourg. L’Aluna Festival annonce qu’il déprogramme le chanteur suite au désengagement de partenaires. Dans la Manche, le conseil départemental a retiré sa subvention au festival des Papillons de nuit.
Interpellée publiquement et interrogée sur France Inter ce mercredi 7 mars, la ministre de la culture Françoise Nyssen répond de son côté que Bertrand Cantat « a été jugé et a le droit de chanter » tout en estimant que « les programmateurs ont le droit de décider en responsabilité ».
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