Au-delà d’un quelconque statut de micro-festival du film documentaire, la manifestation assume sa volonté d’attirer pour un court cycle les curieux en quête de cinéma du réel.
L’association Répliques, à l’origine de l’évènement, ne cherche pas à projeter à tous prix de l’inédit. Ces deux soirées axées autour du cinéma documentaire s’articulent donc autour d’un grand thème. Et après une 9ème édition centrée sur le sport, Kings of Doc s’intéresse cette fois au making-of ou plus généralement à l’envers du décor, à la petite histoire derrière la grande, à la légende qui entoure ceux qui font le 7ème art.
Kings of making-of
Depuis l’avènement du DVD à la fin des années 90, le spectateur contemporain est noyé de suppléments, de featurettes, de bonii dévoués à lui narrer par le menu chaque étape de la production d’un film. Le making-of est ainsi devenu, au fil du temps, un sous-genre du cinéma.
Chaque niche a ses succès et ses chef-d’ œuvres, et Kings of Doc offre notamment la possibilité de découvrir, au cours d’une même soirée, deux des films les plus importants dans ce domaine, deux tentatives de cerner la folie d’un cinéaste et le glissement vers le côté sombre de la création.
L’apocalypse de Coppola
Aux cœurs des ténèbres, l’apocalypse d’un metteur en scène, projeté mercredi 6 à 20 heures, est une œuvre longtemps restée invisible. Ce récit mené par Eleonore Coppola sur le fiasco personnel que fut le tournage démentiel d’Apocalypse now sous l’égide de son illustre mari Francis Ford, a d’abord été un succès de librairie.
Mais nourri d’images de la production et de sons glanés en secret par les témoins, cette histoire de la dérive d’un cinéaste mégalomane s’avère être le parfait complément au long-métrage de Francis Ford Coppola.
Dans sa version initiale et dans son montage augmenté (qualifié de version redux), Apocalypse now a souvent été considéré comme bancal, boiteux, ce malgré d’évidentes fulgurances. Le documentaire signé Fax Bahr et George Hickenlooper, sorti en 1991, vient nourrir la perception du spectateur pour lui offrir une vision plus complète de la Palme d’or du festival de Cannes 1979.
Conflits et confidences
Ennemis intimes, projeté le même soir à 22 heures, dévoile également la fragilité d’un cinéaste. Il ne se fonde toutefois pas sur un film, mais sur le corpus d’œuvres réunissant Werner Herzog, légendaire réalisateur allemand, et son comédien fétiche, le versatile Klaus Kinski. Le documentaire s’attache à la relation entre les deux personnages, à ce lien à priori totalement destructeur qui donnera pourtant naissance à l’une des plus belles collaborations de l’histoire du 7ème art.
Le film n’est pas tourné par un tiers. Werner Herzog met lui-même en scène l’antagonisme mythique, quelques années après la mort de Kinski, alors que le chapitre de leur relation semble clos.
Encore une fois, le drame réel, qui inclut des menaces de mort en pleine jungle amazonienne, semble surpasser le récit fictionnel. Les films en cause se nomment pourtant Aguirre, la colère de Dieu, ou Fitzcarraldo. Ce sont des oeuvres mémorables quelque part nourries par leur environnement.
Chez Herzog, fiction et réel se mêlent pour devenir indissociables. Et ce principe pourrait faire office de note d’intention pour cette programmation de Kings of doc : la vérité, capturée par le regard du documentariste, peut-être un objet jouissif et grisant, porteur de fantasmes plus grands encore que la fiction.
Chargement des commentaires…