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La dette des hôpitaux de Strasbourg très exposée à la flambée des taux

Le conseil de surveillance des hôpitaux de Strasbourg doit prendre connaissance ce vendredi d’un rapport de la chambre régionale des comptes particulièrement rude. Les magistrats financiers se sont intéressés à la dette contractée par les hôpitaux et il s’avère que plusieurs emprunts mal négociés aspirent des millions d’euros dont patients et personnels auraient bien besoin.

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Le nouvel hôpital civil, une bonne opération qui a apporté plus d'activité aux HUS et libérer des actifs immobiliers (Photo Claude Truong-Ngoc)

Le nouvel hôpital civil, une bonne opération qui a apporté plus d'activité aux HUS et libéré des actifs immobiliers (Photo Claude Truong-Ngoc)
Le nouvel hôpital civil, une bonne opération qui a apporté plus d’activité aux HUS et libérer des actifs immobiliers (Photo Claude Truong-Ngoc)

Les hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS) perdent de l’argent, beaucoup d’argent. En 2013, ils ont perdu 9 millions d’euros. Des pertes qui s’accumulent à tous les exercices depuis 2007 sauf 2012. Au final, sur un budget d’un peu plus d’un milliard d’euros, les HUS accusent une dette de 287,1 millions d’euros.

Ce ne serait pas si grave si c’était vrai. Car la Chambre régionale des comptes (CRC) a passé au crible les comptes des HUS et dans leur rapport remis ce vendredi 5 décembre aux membres du conseil de surveillance des HUS, les magistrats financiers écrivent que la dette des hôpitaux est plutôt de l’ordre de 315 millions d’euros et que sa « capacité d’extinction » n’est pas de 5,7 ans comme le pensent les HUS mais 11,7 ans. Pire, une partie de cette dette est très exposée aux risques de flambée des taux, car les HUS ont eu recours à plusieurs emprunts structurés à long terme qui se révèlent aujourd’hui toxiques.

Selon les calculs de la CRC, les HUS ont ainsi perdu chaque année entre 1,7 et 4 millions d’euros en frais financiers supplémentaires en raison de ces emprunts ! Autant d’argent qui manque cruellement aux HUS quand par exemple, ils tentent d’économiser 300 000€ en supprimant une équipe d’intervention d’urgence en soirée.

Des prêts à 18% d’intérêts

Comment en est-on arrivé là ? Tout simplement parce que les responsables financiers des HUS ont cru aux propositions commerciales des banques, notamment Dexia, entre 2007 et 2010, de taux minorés mais adossés à des options sur la parité euro / franc suisse ou euro / dollar par exemple. Quand ces ratios ont commencé à évoluer le taux de plusieurs emprunts des HUS s’est mis à grimper de manière exponentielle. La CRC a analysé un des prêts contracté en septembre 2008 par les HUS, le « Helvetix Euro 3 » :

« En contrepartie d’un taux bonifié (3,63%) jusqu’en septembre 2018, les HUS se sont transformés en vendeur d’options de change, ce qui est pour le moins curieux pour un établissement public de santé. Pour ce contrat, les HUS ont accepté des conditions excessivement risquées. (…) L’option de ce contrat est susceptible de s’appliquer entre septembre 2018 et septembre 2032 avec, selon les conditions de change actuelles entre l’euro et le franc suisse, un taux d’emprunt qui évolue entre 18 et 20%. »

En février 2013, une « proposition de sortie » de cet emprunt a été faite aux HUS : soulte (c’est-à-dire le solde) de sortie pour le remboursement anticipé : 24,1 M€ pour un capital restant dû de… 19,1 M€. Pas mal ! Vous auriez une autre proposition s’il vous plaît ? Pour s’en sortir, les HUS n’ont eu d’autre choix que d’accepter un nouvel emprunt de 60 millions d’euros auprès de la banque, en trois tranches de 20 M€ particulièrement chères (4,88%, 4,96% et 5,04%), et seulement pour repousser la date du taux dégradé du premier emprunt à 2027. Le drame est que cet emprunt a été contracté pour en rembourser un autre, pris à un taux fixe de 4,61%.

La CRC a décompté neuf emprunts structurés contractés par les HUS, dont deux classés 6F (les plus risqués, hors charte bancaire) pour 25,6M€ soit 8,9% de l’encours total, un classé 4E à risque limité et six classés 1B, peu risqués :

MTM (mark to market) est le coût du remboursement anticipé à payer, en plus du capital restant dû (CRD) pour sortir du prêt (doc CRC)
MTM (mark to market) est le coût du remboursement anticipé à payer, en plus du capital restant dû (CRD) pour sortir du prêt (doc CRC)

« Coût exorbitant » des emprunts

Sur les emprunts classés 1B, la CRC note que les options prises par les HUS les ont conduit à payer « de façon constante » un taux de 2,93% entre 2009 et 2014 alors que la moyenne de référence pour les emprunts sur cette période a été de 1,21%. Selon les calculs de la chambre, ces choix ont conduit les hôpitaux à débourser 0,7 à 0,8 M€ de frais financiers supplémentaires.

Pour la chambre régionale des comptes, les hôpitaux n’ont pas maîtrisé leur stratégie d’emprunt et n’ont que tardivement (2010) mis un terme aux emprunts structurés malgré les avertissements, ce qui a eu un « coût exorbitant » pour les HUS. Échaudés, les HUS n’empruntent plus qu’à taux fixe depuis 2010. Mais ce n’est pas de chance, puisque c’est depuis cinq ans le moment d’emprunter aux taux variables, indexés sur les taux monétaires. Pour la chambre, cette stratégie génère des surcoûts et prive les HUS d’importantes opportunités. En conséquence, les HUS ont été contraints d’élargir leur tour de table pour continuer d’accéder au crédit, en intégrant une banque allemande.

« 9% seulement de l’encours à risque »

Mais pour Christophe Gautier, le directeur général des HUS depuis le 1er octobre, la structure de la dette n’a rien de préoccupant :

« La chambre évalue à 40% la part de notre encours total exposé à des emprunts structurés mais en réalité, les emprunts réellement à risques ne concernent que 9% de ce montant. Et nous renégocions ce périmètre d’emprunt régulièrement. La gestion de notre dette est un processus continu, en adaptation aux conditions du marché. »

La chambre en profite pour indiquer au passage que « les autorités de contrôle, comme l’Agence régionale de santé (ARS) ne paraissent jouer qu’un rôle limité d’alerte ou de conseil », une manière de dire qu’elles ne contrôlent rien puisqu’elles n’ont pas vu venir cette situation ni su l’empêcher.

Dans ses conclusions sur ce chapitre, la chambre recommande aux HUS de commencer à provisionner les pertes latentes de ces errements, à hauteur d’au moins 11 millions d’euros. Pour l’instant, les HUS n’ont provisionné en 2014 que 807 000€.


#chambre régionale des comptes

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