La Chouc’ donne sa langue au blues

La Chouc’ a construit sa réputation sur ses revues satiriques, son esprit taquin et poil à gratter et la personnalité hors normes de son grand-prêtre, l’inoxydable Roger Siffer. Et cela fait déjà trois décennies que ce théâtre atypique accueille en son sein toutes les cultures ! La musique y a donc forcément sa place, festive et vecteur de partage mais aussi militante. C’est ainsi que « Donne ta langue au Blues » voit le jour, en plein débat sur l’identité nationale en 2008-2009, comme l’explique Erwin Siffer, fils de Roger et directeur artistique du festival :

« Mettre sur pied ce festival, c’était une réponse politisée de la part de Roger (Siffer, ndlr) à un débat que l’on trouvait suranné et totalement inapproprié. La meilleure des choses dans ce contexte houleux, c’était de montrer la diversité dans son ensemble. Donner la parole aux langues et aux cultures pour bien mettre en avant tout ce qui compose la société, toutes celles et tous ceux qui animent la société. On a donc programmé trois jours de festival dans les deux salles de la Chouc’ avec une cinquantaine d’artistes qui parlaient français, allemand, alsacien, arabe, yiddish, welche, italien, etc. »

Ce festival multilingue fait donc la part belle au métissage des cultures à travers les traditions musicales des un(e)s et des autres. « Donne ta langue au Blues » dépasse même le cadre de la Chouc’, il essaime dans quelques églises du quartier Finkwiller avant de se recentrer uniquement sur le théâtre et d’accueillir une affiche moins exhaustive mais non moins qualitative avec, entre autres, Jimmy Bock et son blues-rock bien terreux, Les Célestins et leur jazz New Orleans ou encore Cookie Dingler lors de l’édition 2013 du festival.

L’internationale du blues

Cette année, l’affiche rassemble quatre noms pour un set d’environ 45 minutes par artiste. A commencer par Les Jaguars, des papys du blues haut-rhinois qui écument les scènes régionales depuis des décennies et prouvent que l’elsasser bluz reste une valeur sûre, à défendre et promouvoir. Samedi, les cinq Jaguars proposeront des adaptations en alsacien d’une vingtaine de chansons de LA figure tutélaire du Chicago Blues, Muddy Waters.

Egalement à l’affiche : Youssouf Koutoudio. Le griot sénégalais proposera ses compositions personnelles, la plupart du temps dans un solo kora-voix. On retrouvera aussi deux artistes déjà programmés en 2013. Tout d’abord, Sophie Dungler (qui sera à l’affiche de la prochaine tournée d’été de la Chouc’ baptisée « De Ville en Ville » du 4 au 27 juillet et qui a participé aux ateliers et concerts de Voix du Sud l’an dernier à Strasbourg) avec une setlist articulée autour d’Aretha Franklin, Janis Joplin, Tina Turner ou encore Nina Simone. Puis Max « Blues Bird », au chant, à la guitare et à l’harmonica. Auteur-compositeur-interprète, ce jeune strasbourgeois d’à peine 25 ans, viscéralement passionné de musique, a l’esprit du blues ancré en lui.

Programmé ces derniers mois au Camionneur ou encore au Live at The Store du disquaire Harmonia Mundi, Blues Bird a déjà accouché d’un premier album vibrant, émouvant et remuant à la fois. « Humility, Pride & Blues », premier essai auto-produit en dix titres et autant de sentiments qui disent la foi brute et vraie d’un homme dont les mentors s’appellent Blind Willie McTell, RL Burnside, Memphis Slim, Earl Hooker, Johnny Shines. Accompagné sur scène par un guitariste électrique et fougueux, Blues Bird proposera samedi à la Chouc’ quelques nouvelles compositions (Keep on Lying, Losing my mind, Me, myself and I) outre ses titres déjà existants.

Les blues de Roger

Figure également au menu de cette soirée « Donne ta langue au Blues » le quartette maison d’accompagnateurs autour d’Erwin Siffer au piano, Edouard Séro-Guillaume à la basse, Frédéric Guérin à la batterie et Sylvain Troesch à la guitare. Les quatre musiciens sont bien connus des scènes alsaciennes puisque Erwin Siffer et Edouard Séro-Guillaume jouent ensemble au sein de Stedwin, Edouard Séro-Guillaume évoluant aussi avec Ozma ; Frédéric Guérin participe au projet Electrik GEM ; Sylvain Troesch joue notamment avec les Meteor Hits au Camionneur mais se consacre aussi à son projet solo lié à son album Dounounya.

Roger Siffer lancera la soirée avec quelques blues de son cru et le quartette s’adaptera aux différents artistes programmés avec une part importante d’improvisation et la possibilité d’effectuer quelques bœufs et collaborations, histoire de privilégier la fête, le blues et d’avoir du grain à moudre avec des configurations scéniques souples et variables.