C’est une maison rose, adossée au plateau d’activité du parc Gruber, quartier Koenigshoffen. Du temps où elle appartenait à la brasserie Gruber, les caves du bâtiment étaient remplies de glace pour conserver les tonneaux de bière au frais toute l’année. Désormais, le sous-sol accueille (entre autres) un parcours du groupe de spéléo du Bas-Rhin ainsi qu’une salle de réception à l’acoustique impeccable. Des guirlandes lumineuses serpentent de l’une à l’autre et des sous-sols aux étages, fil d’Ariane au milieu des travaux et des gravats.
Une quinzaine de bénévoles, 3000 mètres carré
Depuis décembre, une quinzaine de bénévoles réaménagent ce bâtiment de 3000 mètres carré donnant accès à tous les niveaux du parc Gruber. Ils sont artistes, artisans, scénographes, entrepreneurs ou encore praticiens de santé… mais pour l’heure, ils sont surtout bricoleurs. Le petit groupe souhaite créer plusieurs espaces de travail privatifs ou mutualisés, une cuisine, des salles de repos et de réunion, des lieux d’exposition et des salles à disposition associations.
Tous les participants au chantier ont à leur charge l’aménagement de leurs espaces professionnels, pour le moment délimités par des bandes au sol. La Maison rose compte 37 unités de de ce type, dont une vingtaine sont encore disponibles.
Le projet est né en 2018 d’une rencontre entre résidents des différentes structures artistiques et collaboratives implantées au parc Gruber. Membres de la Drêche, de la Fabrique, ou encore de la Semencerie, ils étaient une quarantaine à chercher un autre lieu où installer leurs activités.
Deux ans de négociation pour un loyer modéré
Le bâtiment a été trouvé rapidement mais deux ans de négociation ont été nécessaires pour signer un bail. Les discussions portaient notamment sur la mise en place d’un loyer modéré et progressif sur 24 mois pour atteindre 4000 euros en 2022, soit environ 220 euros pour 25 à 30 m2 d’espace privatif.
La signature du bail en décembre dernier a permis au projet de redémarrer cet hiver, avec le lancement des travaux d’aménagement et l’arrivée de nouveaux bénévoles-constructeurs-locataires. Car louer un espace à la Maison Rose revient à prendre part au projet, comme l’explique Manuel Simoes, membre co-fondateur de la Maison Rose :
« On ne cherche pas à attirer des personnes qui viendraient à 9h pour repartir à 17h. On veut accueillir des gens qui participent au collectif. C’est là où construire ensemble notre bâtiment est super important. On souhaite avoir un bâtiment résilient en quelque sorte, capable d’évoluer en fonction des besoins. L’objectif n’est pas qu’on le finisse et qu’on l’occupe, mais qu’on le vive, qu’on le redéfinisse constamment. Il peut s’agir de monter ou faire tomber des cloisons pour de nouveaux locataires par exemple. »
Vouloir adhérer à la Maison rose ne suffit pas pour y entrer cependant, puisque chaque nouvelle arrivée doit être approuvée par l’ensemble des locataires. Toutes les décisions sont prises à l’unanimité.
Eviter de participer à la gentrification du quartier
Les membres de la Maison rose utilisent le terme de tiers-lieu pour désigner leur projet. Cette expression, traduite de l’anglais « third place », désigne d’abord des espaces de vie en dehors du travail la maison et le travail. Elle est aujourd’hui utilisée pour rassembler sous une même famille des lieux aussi variés que les fablab, les espaces de coworking, ou encore les jardins et habitats partagés. Le concept vise à souligner la notion d’échanges, de rencontres entre des acteurs qui ne se seraient pas forcément croisés ailleurs.
C’est aussi l’un des aspects du projet Maison rose qui prévoit de mettre à disposition des espaces pour des acteurs du quartier :
« On ne veut pas participer à la gentrification du quartier, insiste Manuel Simoes. On souhaite proposer des actions qui correspondent aux besoins des habitants. Nous sommes en discussion avec le Conseil citoyen de Koenigshoffen et avec l’association PAR ENchantement pour voir comment on pourrait collaborer avec eux, en mettant à leur disposition des salles gratuitement par exemple. Participer à la vie du quartier, cela peut-être aussi accompagner des porteurs de projets, essayer de soutenir les initiatives locales venant du quartier. »
Implantée au parc Gruber, la Maison rose imagine également pouvoir échanger avec les autres structures présentes sur le site. « On peut être très complémentaires, se réjouit Manuel Simoes. Il y a des artistes à la Drêche, à la Hutte, au Scénoscope, on a une salle d’exposition, des grands espaces qui peuvent accueillir des événements. Même chose avec la Fabrique concernant les outils et les compétences. »
Reste que la Maison rose est encore dans le gros des chantiers. Les locataires les plus ambitieux espèrent pouvoir terminer l’isolation de leurs espaces privés avant l’hiver. « On est également à la recherche de compétences qui nous manquent, glisse malicieusement Manuel Simoes. Des chauffagistes, plombiers, électriciens, ou encore des comptables qui seraient prêts à intégrer le collectif. »
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