30% des marques d’eau auraient recours à des procédés interdits. C’est ce qu’a révélé une enquête menée par la cellule investigation de Radio France et Le Monde publiée le 30 janvier. Selon leurs révélations, le géant Nestlé Waters a caché la contamination de ses eaux en bouteille. Pour pouvoir continuer de les commercialiser, le groupe a eu recours à des procédés de traitement illégaux comme l’utilisation de rayons ultraviolets et de filtres de charbon actif.
Une enquête préliminaire ouverte
La veille, Nestlé Waters avait reconnu utiliser des procédés illégaux pour maintenir « la sécurité alimentaire » de ses eaux. La multinationale suisse, qui commercialise notamment Hépar et Contrex, a assuré ne plus utiliser de traitements interdits par la loi depuis 2021. Selon les médias à l’origine de l’enquête, Nestlé avait anticipé ses révélations et choisi de communiquer en amont cette nécessité de sécurité pour garder une bonne image auprès des consommateurs.
Le 31 janvier, le parquet d’Épinal a confirmé avoir ouvert une enquête préliminaire pour tromperie, en novembre. Cette procédure fait suite à un signalement de l’Agence régionale de santé. Le 31 janvier, l’ONG Foodwatch a également annoncé qu’elle allait porter plainte pour le même motif.
Water Stories, des enquêtes sur l’eau
Le collectif de journalistes We Report avait déjà enquêté sur les pratiques de Nestlé Waters, et produit des révélations dans son dossier appelé Water Stories. Composé de huit journalistes, ce projet a été financé par trois bourses différentes. Robert Schmidt, journaliste indépendant allemand basé à Strasbourg, a coordonné Water Stories et détaille ses révélations sur Vittel, propriété de Nestlé Waters.
Qu’avez-vous découvert en enquêtant sur l’eau en bouteille Vittel ?
Robert Schmidt : Avec sa marque Vittel, Nestlé ne respecte pas la législation française sur la préservation des ressources en eau. Tout le monde savait que la nappe phréatique baissait depuis 30 ans et que c’était à cause des prélèvements de Vittel. Mais Nestlé Waters avait encore des autorisations de la préfecture pour prélever. Malgré des arrêtés sécheresse particulièrement contraignants sur la commune, un projet de pipeline était prévu pour garantir les prélèvements de Nestlé sur la nappe.
En plus de cet épuisement de la nappe, Vittel est responsable d’une pollution au plastique ?
Vittel a été la première marque d’eau à faire des bouteilles en plastique à la demande d’Air France. Lors des essais, Vittel utilisait du PVC, plus polluant que le PET (qui compose les bouteilles actuellement, NDLR). Notre enquête a révélé sept ou huit sites de décharges illégales sur la commune de Vittel avec une très grande quantité de plastique. À l’époque, Vittel n’appartenait pas encore à Nestlé (le groupe était actionnaire minoritaire avec 31% des parts, NDLR).
Votre enquête a également révélé des collusions avec les collectivités locales ?
La responsable du projet de pipe-line, c’est la présidente de la commission locale de l’eau, Claudie Pruvost, qui est mariée à un cadre de Nestlé. Elle a été condamnée pour prise illégale d’intérêt. Une association, la Vigie de l’eau, financée par la multinationale suisse a également influencé les stratégies locales sur l’eau de Vittel. Elle publiait des études réalisées par un chercheur reconnu mais mis au service de Nestlé. La Vigie de l’eau avait tout de suite écarté l’arrêt du pompage de Nestlé Waters pour préserver la nappe. C’est surprenant comme position !
Quel a été l’impact de ces révélations ?
Suite à un reportage allemand relayant les critiques, une ONG a poussé pour le boycott de Vittel en Allemagne. La marque a perdu 40% de son chiffre d’affaires sur le marché allemand et 10% au niveau mondial. Lidl a retiré les bouteilles Vittel de ses rayons alors qu’il était le premier client de la marque. Maintenant, Vittel n’est plus exporté en Allemagne ni en Autriche. Nos recherches ont également été reprises par une commission parlementaire sur l’eau avec laquelle nous avons discuté de manière informelle. L’enquête a eu un vrai impact, on en est fiers.
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