1 – Roland Ries prend Anticor à revers, espérant « clore la séquence » sur l’éthique
Alors que le maire socialiste de Strasbourg était progressivement repoussé « dans un corner« , selon ses propres mots, par Anticor et les candidats signataires de sa charte, trois options se présentaient à Roland Ries :
1) Ne rien faire et attendre que la « séquence » de campagne sur l’éthique en politique passe d’elle-même. Il serait ainsi resté fidèle à la ligne tracée par l’un de ses deux codirecteurs de campagne, Mathieu Cahn, qui expliquait en substance il y a une dizaine de jours : « nous n’avons pas de leçon à recevoir d’une association et notre pratique du pouvoir est tout ce qu’il y a de plus transparente », d’autant que la loi sur le non-cumul des mandats vient d’être définitivement adoptée. « Même si cette question nous avait suivi toute la campagne, je ne suis pas de ceux à qui ça faisait peur », a d’ailleurs glissé Mathieu Cahn mercredi.
2) Demander à signer la charte Anticor, en jouant la carte de la réconciliation avec son ancienne adjointe Chantal Augé. Une option qui aurait « bien embêté » l’association, confie l’un de ses membres en coulisses. La démarche était néanmoins compliquée pour le maire, qui « n’accepte pas que des élus, membre d’un conseil municipal [ndlr, Chantal Augé ou Éric Schultz, fondateurs d’Anticor 67] s’autoproclament contrôleurs des autres ».
3) Trouver une échappatoire en s’engageant sur les questions d’éthique, sans pour autant s’enfermer dans un contrat « exigeant sur le plan du droit », comme l’est la charte Anticor. La solution est venue de son autre codirecteur de campagne, Alain Fontanel, qui publiait en avril 2013 une tribune dans Libération sur le « choc de confiance » indispensable pour « redonner du crédit à la parole publique », citant au passage Anticor et… Transparency International.
C’est ainsi que mercredi 29 janvier, Roland Ries a signé les 5 engagements de Transparency International France (TIF) pour les municipales. Jacques Terray, vice-président de TIF, a fait le déplacement de Paris dans l’urgence, alors que l’encre du « questionnaire » signé par le candidat PS à Strasbourg était à peine sèche. « C’est la première fois qu’un candidat au poste de maire d’une ville de plus de 100 000 habitants signe nos 5 propositions », s’est félicité Jacques Terray.
Ces « propositions » réunies dans un questionnaire adressé aux candidats sont proches des engagements de la charte Anticor : transparence du patrimoine des élus, fin du cumul des mandats dès 2014 (mais pas de limitation des mandats dans la durée), prévention des conflits d’intérêts dans l’attribution des marchés publics et des subventions, collégialité des décisions d’urbanisme et formation des élus à la déontologie. Grosse différence entre la démarche Anticor et celle de TIF, selon Jacques Terray : « Nous ne viendrons pas contrôler le respect des engagements en nous substituant à des juges, mais nous viendrons de façon plus informelle apporter nos conseils au [futur] maire ».
D’après Alain Fontanel, cette signature permet au candidat de « ne pas être dans la justification permanente » jusqu’au 23 mars et de « clore la séquence » sur l’éthique en sortant de la nasse Anticor par le haut. Mathieu Cahn s’indigne quant à lui au passage de « l’instrumentalisation de l’éthique et de la transparence dans le cadre de la campagne, à cause de règlements de compte et d’aigreur [ndlr, de la part de Chantal Augé] ». A noter que la membre strasbourgeoise du conseil d’administration de TIF, Chantal Cutajar, candidate MoDem aux municipales de 2008, n’était pas conviée mercredi. « Je voulais qu’on déconnecte ces engagements des réalités locales et pouvoir m’engager sans arrière-pensées politiques locales », s’est justifié Roland Ries.
2 – Sous couvert d’éthique, Fabienne Keller dévoile une partie de son programme
Parce que signer la charte Anticor ne suffisait pas, la candidate UMP en a remis une louche jeudi soir, en meeting avec Bruno Le Maire. Fabienne Keller a développé dans son discours une douzaine de mesures « choc » pour « agir avec éthique et responsabilité » à partir de mars si elle est élue. Parmi ces propositions aux allures de programme électoral (enfin ?), les plus marquantes :
– Plus aucune cession de terrain public à des promoteurs privés sans une procédure transparente d’appel d’offre et de mise en concurrence. Effort de transparence également dans l’attribution des logements sociaux.
– Non cumul des responsabilités au sein de la municipalité. « Aujourd’hui une petite minorité d’élus accapare la grande majorité des responsabilités exécutives et des présidences de sociétés d’économie mixte qui dépendent de la Ville et de la CUS. »
– Création sur le site internet Strasbourg.eu d’un nouvel onglet intitulé « transparence », avec publication des déclarations d’intérêts de l’ensemble des élus du conseil municipal, mise en ligne de l’état d’avancement des projets en cours, documents cadres ou diagnostics « à l’image du bilan du Plan Climat et Energie Territorial que le maire sortant refuse de rendre public ».
– Exemplarité dans la gestion. Limitation des frais de cabinet (conseillers techniques et politiques du maire) et zéro augmentation d’impôts et de taxes sur les ménages et les entreprises jusqu’en 2020.
– Augmentation du nombre de conseils de quartiers et possibilité d’une « saisine citoyenne » du conseil municipal : « Si 5 000 Strasbourgeois cosignent une délibération citoyenne, le conseil municipal l’examinera et étudiera sa faisabilité ». Développement de « budgets participatifs » alloués tous les ans à chaque quartier.
Bigre, en voilà du neuf ! Alors que le camp Ries attendait le programme de Fabienne Keller pour sortir le sien, va-t-il accélérer le mouvement ?
3 – Les promesses de François Hollande serviront-elles le candidat Ries ?
Pas sûr que la seconde visite du président de la République socialiste ait servi les intérêts de Roland Ries. Alors que François Hollande est vilipendé par la droite strasbourgeoise pour ses « atermoiements sur le GCO », « la baisse des dotations du contrat triennal pour Strasbourg l’Européenne et de celles pour l’université » ou le report de la 2ème phase du TGV Rhin-Rhône, la seule annonce du président que l’on retient de sa venue de jeudi concerne la création d’un « campus européen ». Heureusement pour le candidat socialiste à la mairie, la ministre de la Santé Marisol Touraine promettait le même jour à Strasbourg 24 millions d’euros pour le projet des trois cliniques Tamaris. Communiqué de la Ville de Strasbourg (attention les yeux) :
« Pour son deuxième déplacement à Strasbourg comme Président de la République, François Hollande a une nouvelle fois marqué son attachement à la dimension européenne de la ville. En février 2013, il annonçait la création d’un statut spécifique pour notre agglomération, l’Eurométropole, qui deviendra une réalité en janvier 2015. Aujourd’hui, il annonce la possibilité de créer un campus universitaire européen à Strasbourg [ndlr, selon notre collègue des DNA, cette idée d’Alain Beretz, président de l’UdS, a été reprise à la volée par le président]. Le Campus européen contribuera à bâtir une Europe de l’enseignement supérieur et du savoir, où les échanges entre les universités de pays différents seront facilités. Le chemin avait commencé à être tracé avec les universités de la région métropolitaine trinationale ; dans l’étape suivante, celle de ce campus européen, les procédures seront simplifiées, la mobilité des étudiants et des enseignants encouragée, et Strasbourg montrera ainsi la voie de coopérations universitaires particulièrement fluides et efficaces, permettant à terme de créer de véritables cursus européens intégrés. (…)
Plus largement, la venue du Président de la République et son programme de visite incluant l’ISIS, l’IRCAD, et une présentation de Techmed, le campus des technologies médicales, viennent illustrer l’excellence de la recherche scientifique de Strasbourg et la qualité et l’efficience de son lien avec le monde industriel. Un peu plus tard, Marisol Touraine informait de l’intervention de l’Etat de près de 24 millions d’euros [ndlr, 30 millions étaient attendus] dans le projet Tamaris, c’est-à-dire le regroupement de cliniques sur le nouveau site du Port du Rhin ; ce projet va donc voir le jour. Le 30 janvier 2014 a été une bonne journée pour Strasbourg ! »
Euh…
4 – Débats à venir et Jeux Olympiques
Les candidats à la mairie de Strasbourg seront invités notamment à 3 « grands débats » par le Club de la presse Strasbourg-Europe, qui écrit sur son site : » Urbanisme, cadre de vie, environnement, développement économique, fiscalité, sécurité, etc. les enjeux déterminants de ce scrutin municipal seront passés en revue. Après le 1er tour, les « finalistes » seront conviés à débattre et décrypter les résultats des votes ». Le 1er débat du Club de la presse a lieu ce lundi 3 février dans le quartier du Port-du-Rhin. Son thème : « Réussir la mixité urbaine à Strasbourg : le défi de la Coopé ». Il sera précédé d’une conférence de l’architecte et urbaniste Gérard Altorffer sur ses « rêves d’artiste » sur la terrains de la Coop.
Un autre débat est d’ores et déjà annoncé jeudi 13 février dans le quartier gare. Il est organisé par l’ASTU (Actions citoyennes interculturelles), sera animé par des jeunes et « portera sur des questions touchant à la jeunesse et l’éducation, l’immigration et la citoyenneté [ou au] rôle des associations ». A noter que ce débat aura lieu en plein milieu des… Jeux Olympiques d’hiver qui se tiendront à Sochi en Russie, du 7 au 23 février. Après, peut-être, la campagne prendra un tournant plus musclé. Peut-être.
Aller plus loin
Sur Rue89 Strasbourg : les journaux de rase campagne des semaines précédentes
Sur Rue89 Strasbourg : tous nos articles sur les élections municipales de mars
Y aller
Débat « Réussir la mixité urbaine à Strasbourg, le défi de la Coopé », lundi 3 février à 19h, au restaurant Le Bâteau du Rhin, 20, rue du Port-du-Rhin à Strasbourg.
Débat sur l’éducation, l’immigration et la citoyenneté, jeudi 13 février à 19h, à la Résidence des Arts, 13a rue du Hohwald à Strasbourg.
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