Airbnb semble avoir fait de nombreux émules. Après la version éducation, le célèbre site de location d’appartements a aussi un équivalent pour chiens, DogBuddy. Ce site propose de mettre en relation des propriétaires d’animaux avec des « pet-sitters » – comprendre des baby-sitters pour animaux – pour différentes prestations : promenade, hébergement de jour et de nuit. Parmi ceux qui proposent de s’occuper du toutou des autres, on trouve Jérôme, la trentaine et de longues dreadlocks agrémentées de perles.
Il transparaît chez ce jardinier de formation une nature amicale et généreuse. C’est ce trait de caractère qui l’a poussé à s’inscrire sur DogBuddy. Ça et le conseil d’une de ses amies, déjà utilisatrice du site :
« J’ai connu Dog Buddy par une amie. J’étais en vacances chez elle en Vendée, elle y a un terrain où elle a monté sa boîte de garde d’animaux. Elle fait aussi des gardes via DogBuddy et elle m’a dit : “toi qui aimes bien les chiens, tu pourrais faire ça, c’est un petit truc.” Je trouvais ça cool alors voilà. »
Un Airbnb pour chiens
C’est en décembre que Jérôme, qui n’avait jamais eu recours aux plate-formes de services pour travailler, s’est inscrit sur DogBuddy. Depuis, il a eu une quinzaine de clients, dont quelques réguliers. Le site de DogBuddy ressemble beaucoup à celui d’Airbnb : le propriétaire d’un chien y fait une recherche par ville et par date qui lui permet d’accéder à une liste des pet-sitters disponibles en fonction de ses critères. Leur localisation s’affiche sur une carte. Chaque profil mentionne le tarif proposé selon la prestation, affiche généralement une courte présentation de la personne et les éventuels commentaires laissés par de précédents usagers. À Strasbourg et dans les environs, ils sont une vingtaine à proposer leurs services.
Ce type d’échange, où un propriétaire confie son animal à un inconnu le temps d’une promenade ou pour plusieurs jours, implique une grande part de relationnel et de confiance mutuelle. Plus, en tous cas, que dans le cadre d’une course Deliveroo ou Uber. Dominique, propriétaire de deux chiens et un des clients réguliers de Jérôme, le confirme car « on ne confie pas son animal à n’importe qui ».
Pour Jérôme, l’expérience a été plutôt réussie jusqu’ici :
« Tous les propriétaires sur qui je suis tombé sont sympas. Parfois ils vont à un mariage le week-end et ils ramènent de la bouffe ou alors une petite bouteille de vin. Et il y en a avec qui je m’entends mieux, qui m’ont déjà donné un canapé ou des meubles, des trucs comme ça. En général ils sont tous contents, ça s’est toujours bien passé. »
Un système de notation à sens unique
Il pointe néanmoins du doigt l’asymétrie qui existe dans cette relation, au détriment du pet-sitter, notamment le système de notation et de commentaires :
« Il y a peu de gens qui notent et qui mettent des commentaires. Au total, j’ai dû en avoir deux. Ce qui est bizarre, c’est que les gens peuvent noter alors qu’ils ne sont pas là pour voir comment ça se passe avec leur chien. Tout marche un peu comme ça dans le numérique de toute façon. Je pense qu’il faudrait que nous, les pet-sitters, on puisse aussi donner, pas des notes, mais des commentaires sur les propriétaires pour éviter que, si tu tombes sur une tête de con ou un mauvais animal, les autres pet-sitters ne se fassent pas piéger. En fait, on subit un peu. Mais c’est pareil, si un mec dit qu’il vient chercher son animal un dimanche à 13h puis qu’il se pointe à 19h, toi tu gâches toute ton après-midi. Qu’est-ce que tu fais après ? Bah rien, c’est pour ta pomme. Une fois, il y a quelqu’un qui m’a fait ça, mais il m’a payé une journée de plus sans que je lui demande rien, donc je lui ai dit “C’est bon, c’est cool”. Mais il y en a d’autres un peu moins honnêtes qui pourraient en profiter. »
Moins de 100 euros par mois
Jérôme gagne moins de 100 euros par mois en moyenne avec son activité de pet-sitter, qui est très aléatoire. Le mois de juillet a été particulièrement creux, lui rapportant seulement 40 euros. Pas suffisant pour vivre, mais l’argent n’est pas sa principale motivation dans son activité de pet-sitter :
« Je fais ça d’abord pour les animaux. Ça me fait un petit appoint donc autant en profiter mais c’est tout. »
Ce complément venait compenser des indemnités de chômage qu’il recevait jusqu’à fin juillet. Malgré ses nombreuses candidatures, il n’a pas réussi à trouver un emploi dans les espaces verts comme il le fait chaque année, notamment à la mairie d’Entzheim. Diplômé du CFPPA de Montravel, un centre de formation aux métiers agricoles, il s’est inscrit dans une agence d’intérim dans l’espoir de trouver des missions jusqu’à l’hiver.
Sur DogBuddy, il peut fixer lui-même ses prix, mais il se cale la plupart du temps sur la recommandation émise par le site. Il n’a diminué ses tarifs qu’une fois, en juillet, quand il s’est aperçu que la demande avait diminué. L’argent est collecté par le site puis lui est versé sur son compte, après le prélèvement d’une commission de 18% pour les premiers clients, un peu moins quand le partenariat se renouvelle. C’est le seul échange qu’il a avec la plateforme :
« Il n’y a pas vraiment de contrôle en fait. Des pet-sitters peuvent avoir de mauvais antécédents avec des animaux, on ne sait pas, c’est au petit bonheur la chance. N’importe qui peut s’inscrire. Il n’y a aucun échange avec les gestionnaires de la plateforme. »
Un regard critique sur l’économie numérique
La commission qui est prélevée, en plus de contribuer aux finances du site, sert aussi à cotiser à une assurance vétérinaire qui couvre les pet-sitters pendant la durée de leur garde et leur évite d’avancer les frais en cas d’incident. Tous les prestataires de plate-formes de services ne sont pas protégés de la même manière et ça, Jérôme en a bien conscience, lui qui porte un regard plutôt sévère sur cette économie :
« J’ai utilisé Deliveroo deux-trois fois mais je ne le fais plus parce que c’est pas cool pour les livreurs, ça viole le droit du travail. Je trouve que c’est dommage pour ceux qui n’ont pas trop le choix et qui continuent à se faire exploiter encore plus, c’est dégueulasse. Ils devraient être protégés. Quand tu fais du Deliveroo, tu mets un peu ta vie en danger à chaque fois que tu montes sur ton vélo. Tous les autres métiers ont des codes, c’est protégé, encadré, et là c’est un peu à l’arrache, c’est pas correct. Avant on faisait ça à scooter, maintenant il faut un vélo et t’as moins de droits parce que tu roules à vélo, c’est pas normal. Donc moi j’essaie de ne pas trop participer à leur grosse société dégueulasse. »
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