« Mon numéro, je le considère comme un produit. » Jérôme Coquelle est diaboliste. Et l’étudiant à l’école de Management (EM) de Strasbourg compte bien le rester : « Je suis ambitieux, je veux vivre du diabolo ». À 23 ans, le jeune homme entame bientôt sa dernière année d’études. Pour préparer sa carrière de circassien, Jérôme vient de lancer son site internet. Il enchaîne les rendez-vous à Paris. Rue89 Strasbourg l’a rencontré chez lui, vendredi 9 mars.
« À Bogota, je n’étais pas bien »
Jérôme Coquelle habite dans le quartier de l’Orangerie. Sa colocation se situe au premier étage d’une maison. Le diaboliste propose de réaliser l’entretien autour d’un thé, dans sa chambre. Un magazine Le Point est posé sur son bureau. On y trouve un article sur l’étudiant. Son ordinateur a été laissé sur son lit.
Dans la pièce, aucune décoration à part un crâne mexicain multicolore et un drapeau d’une liste candidate au Bureau Des Étudiants (BDE) de l’EM. Jérôme est rentré de Colombie au début de l’année. Il a écourté son année Erasmus pour se consacrer à son projet professionnel :
« À Bogota, je n’étais pas bien. Je passais mon temps à rêver ma vie. Ça a commencé à m’inquiéter. Je venais de gagner le premier prix de la catégorie Variétés du championnat du monde de performance artisitique, à Los Angeles. Du coup, j’ai voulu continuer sur ma lancée. J’ai demandé à l’administration de l’EM si je pouvais prendre les derniers mois de l’année Erasmus pour préparer ma dernière année en alternance tout en continuant de travailler sur mon projet de diaboliste. »
« L’école de cirque : mes parents n’ont pas voulu »
Le circassien garde cet objectif depuis son plus jeune âge. À sept ans, il découvre le cirque dans une association de quartier à Villeneuve-d’Ascq. Le garçon, originaire du département du Nord, aime déjà le jonglage. Trois ans plus tard, il est émerveillé par les techniques d’un diaboliste de passage. L’instrument devient une véritable passion.
Au collège, Jérôme est surnommé « Diabolo man ». Lors d’une performance où il mêle déjà diabolo et théâtre, le collégien impressionne ses camarades. Tout en faisant voler puis rouler la bobine sur le fil, le jeune joue James Bond. Après le Bac, l’artiste en herbe veut intégrer une école de cirque. Sa mère, sage-femme, et son père, fiscaliste, en décident autrement :
« J’avais le niveau pour entrer dans une école de cirque. Mes parents n’ont pas voulu. Ils ont dit : d’abord les études. Alors j’ai choisi de faire quelque chose d’assez large. J’ai fait un BTS en commerce international en me disant que je me dirigerai vers l’événementiel. À côté, je donnais des spectacles au Spotlight, une salle lilloise. J’y ai fait sept ou huit passages. »
Construire un réseau et son site internet
Aujourd’hui les parents du circassien sont rassurés : leur fils a les idées claires sur sa carrière. Chemise à carreaux violette et barbe de trois jours, Jérôme a passé une semaine chargée. Il s’excuse de son peu de temps libre auprès de sa colocataire Maëlys. Elle-même décrit son ami comme « une tête brûlée ». Mais ce soir, le jeune se détend : une fête est prévue dans quelques heures. Occupé à plein temps par le diabolo, Jérôme a besoin de se distraire :
« Les derniers temps, j’ai beaucoup travaillé sur le wording [l’écriture, ndlr] de mon site internet. Chaque jour, je chiade mon numéro pour atteindre une maîtrise parfaite. Je ne peux pas laisser de place au doute dans mon spectacle. À côté, je suis dans une démarche active de prise de contacts : hier, je suis allé à Paris pour participer à l’émission d’un présentateur de M6. Ce matin, j’avais rendez-vous avec un responsable de « La France a un incroyable talent ». Je sais que c’est à travers les rencontres qu’on lance une carrière. »
« Là je locke mes skills »
Chaque semaine, Jérôme prend entre « sept et dix heures » pour s’entraîner : « Ma technique est faite, là je locke mes skills [verrouiller ses compétences, ndlr] » Le diaboliste est un professionnel du spectacle. Et le produit est tarifé : le spectacle de neuf minutes est proposé pour 250 euros. L’artiste estime que le prix est encore bas : « Je pourrais être payé 350 euros pour le même numéro. » Mais pour l’instant, Jérôme ne vit pas encore du diabolo : il refuse des propositions et préfère se consacrer à son plan de carrière.
Pendant trois ans, le circassien a travaillé avec le statut d’auto-entrepreneur. Mais les nombreux courriers de rappel de l’Urssaf l’ont convaincu de travailler en collaboration avec l’association strasbourgeoise Touch’Arts. Les perspectives sont aujourd’hui nombreuses : l’artiste négocie une participation au festival strasbourgeois de l’industrie magnifique. Il espère aussi quelques opportunités grâce à ses amis d’école de commerce et actifs dans l’événementiel. Le diaboliste est confiant : dans son spectacle de diabolo, il incarne une sorte de Charlie Chaplin, mi-dandy-mi ridicule. « C’est un numéro très cabaret, en mode music-hall. C’est très plaçable, très vendable. »
Chargement des commentaires…