Jean-Philippe Vetter reçoit au Parlement européen, où il travaille comme assistant pour Geoffroy Didier, quelques heures avant le début d’une session plénière.
Rue89 Strasbourg : Comment se passe votre pré-campagne ?
Jean-Philippe Vetter : La première réunion publique du 11 février a réuni plus de 200 personnes, dont beaucoup qui ne sont pas des habitués de ce type de soirées. Le tout, à plus d’un an de l’élection, sans avoir le fichier d’adhérents du parti, ni de grand élu national invité. J’ai pu y présenter les trois grandes thématiques que je veux porter : le rayonnement, le quotidien et enfin un nouveau contrat de gouvernance avec les Strasbourgeois. Cette soirée m’a conforté dans l’idée que beaucoup de Strasbourgeois veulent du renouvellement, un regard neuf, comme dans toutes sphères de la vie publique.
Je termine en ce moment le volet sur le rayonnement, suite à beaucoup de rencontres. Les propositions concrètes sur le quotidien et la gouvernance seront dévoilées vers la mi-juin. Mon idée, c’est que quand on est aux manettes depuis 10-12 ans même quand on veut bien faire, on crée des inimitiés, des rapports conflictuels, et des habitudes, souvent mauvaises. Donc on a tout à gagner à avoir un regard neuf.
En face, que ce soit Alain Fontanel qui est plus ou moins déjà maire dans son esprit, et Robert Herrmann élu depuis plus de 30 ans, on a deux personnes qui sont confrontées à cette usure du pouvoir. L’exemple de la mendicité agressive est parlant. Robert Herrmann a été adjoint à la sécurité depuis des années, interpellé plusieurs fois, et propose juste avant une élection un arrêté anti-mendicité, après avoir eu tous les leviers. Leur situation les rend moins crédible pour apporter des solutions nouvelles.
Vous ne voyez pas de différences entre Robert Herrmann et Alain Fontanel ?
Je veux bien qu’il y ait du bla bla, des différences de parole, mais dans les actes, ils ont tout voté ensemble : les 9 millions d’euros d’aide pour la zone commerciale à Vendenheim, le soutien au projet MK2 à Schiltigheim qui va tuer le cinéma en centre-ville, la suppression de places de stationnement, l’impuissance face à la mendicité agressive. J’aimerais maintenant une équipe qui s’entende et puisse travailler ensemble.
Quelles sont vos premières propositions ?
Dans le centre-ville, je veux compenser les 400 places de stationnement disparues en surface, ce qui n’est pas une mauvaise chose en soi, par des places souterraines et à proximité du centre-ville. Cela fait 10 ans que Roland Ries promet un parking et ne l’a pas fait. L’emplacement actuel envisagé, place de l’Université ne me convient pas. Il le faut plus près du centre, soit avenue de la Liberté, soit place de la Bourse ou place de l’Étoile. Il y a même une idée de relier en souterrain les places du Corbeau et Gutenberg, sous l’Ill. Ainsi on n’aurait plus ces longues files d’attentes dans les rues.
La Place du Château, est l’une des plus belles place de France et rien ne s’y passe. Je suis pour un vrai beau kiosque, où l’on puisse servir un verre, de manière classe. C’était bien de supprimer le parking, mais il faut faire vivre cette belle place maintenant. Les candidats issus de la majorité vont peut-être le proposer, mais cela fait 6 ans que la place existe et rien n’a été fait.
J’aimerais faire revivre les quartiers en se fondant sur leurs histoires : les maraîchers à la Robertsau, les romains à Kœnigshoffen, Cronenbourg autour de la bière. On y instaurerait des événements et des pépinières d’entreprises du quartier, parfois à vocation sociale, comme à Vienne.
Je suis cycliste, mais avec les livraisons de nourriture, on voit des situations dangereuses, où l’accident n’est qu’une question de temps. Je suis pour qu’on reste une ville cycliste, mais qu’on organise les choses. De la même manière qu’on contrôle plus Airbnb, j’aimerais qu’on force ces plateformes à abandonner la paie par course. Quand j’étais livreur de pizza, il y avait un numéro « Est-ce que je conduis bien », où tout le monde pouvait appeler.
Enfin, la défense du siège du Parlement européen doit être la priorité. C’est la clé du rayonnement. J’entends des candidats dire que ce n’est pas un sujet central (référence à Philippe Bies, autre candidat du PS, ndlr) mais si ! Ça ne l’est peut-être pas tant qu’il est là, mais il le deviendra s’il s’en va. C’est ce qui fait que dans toutes les capitales d’Europe, on sait où est Strasbourg. Travailler au Parlement est un atout, qui me permet de comprendre ce qu’il souhaite. On a des atouts extraordinaires pour qu’il reste, mais aussi qu’il accueille de plus en plus de fonctionnaires.
On sent une forme de lassitude au Parlement. Il demande la fermeture des berges, il s’agrandit sans payer ses terrains, les eurodéputés ont des demandes pour l’accessibilité aérienne, et pourtant il ne veut pas s’implanter ici.
Ces demandes ne sont rien comparées aux retombées, en milliers d’emploi, en tourisme, pour les restaurateurs, les hôteliers. On serait fou de ne pas défendre ce Parlement. Le maire de Strasbourg doit être l’ambassadeur du Parlement et présent à chaque session. Les petites histoire font les grandes. Il suffit que dans chaque délégation, il y ait une ou l’autre personne convaincue qui défende Strasbourg, et elle peut entraîner les autres. On explique que Strasbourg est trop cher, alors qu’à Bruxelles on envisage de refaire le bâtiment pour 500 millions d’euros. Après avoir entendu que Strasbourg coûte trop cher, il faut retourner l’argument. C’est une gabegie annoncée et on dit « chut, n’en parlons pas ». La municipalité a actionné des leviers, tout n’est pas mauvais, mais on commence à peine.
Pour le députés ça ne change pas grand chose d’aller de chez lui à Strasbourg ou Bruxelles. Strasbourg est l’antidote aux critiques sur l’Europe, la Commission, les États.
Si j’ai envie d’une ville qui rayonne, accessible, c’est pour que des entrepreneurs s’installent. Pas parce que j’aime les entrepreneurs, mais j’aime les emplois qu’ils créent. Il y a quasiment 20% de chômage à Strasbourg, ce qui veut dire que si on a 4 ou 5% dans certains quartiers, on va jusqu’à 50% dans d’autres. Et encore une partie des gens n’est même pas inscrite. Il faut aussi qu’on puisse conserver un tissu industriel pour offrir un travail à tout le monde. Sinon que fait-on de ceux qui n’ont pas eu les moyens ou l’opportunité de réussir dans leurs études. Le quartier d’affaires ne leur offrira pas ces emplois.
Mais des industries en ville, ce sont aussi des nuisances, du bruit…
La vraie nuisance quotidienne, c’est de voir ses deux parents qui ne se lèvent pas, car ils sont au chômage ou au RSA.
Quel a été le déclic dans votre candidature ?
Je veux que les Strasbourgeois qui iront se lever le dimanche matin pour voter aient une candidature qui puisse représenter un changement. Comme le Front national et la France insoumise n’incarnent pas une alternative crédible, je veux la représenter.
On ne peut pas dire, comme cela a été dit en 2008 après la défaite de la droite, qu’une page sombre se tourne et qu’on va passer des ténèbres à la lumière. Je ne suis pas dans l’anti-Ries, mais dans l’après-Ries.
Qu’est-ce qu’il y a eu de positif pendant ce mandat ?
Le piétonisation des quais va permettre de grandir le centre-ville, avec un lieu agréable, le tram vers Kehl est un beau symbole, même s’il n’est pas sans poser des difficultés pour les commerçants ou que Kœnigshoffen attend toujours son tram. Le quartier d’affaires au Wacken, sur le principe, est une bonne idée. Quand on sort du Parlement et qu’on voit la ville du XXIè siècle se construire, c’est intéressant. Mais il n’a pas été pensé comme accessible en voiture. L’équipe en place s’est imaginée empêcher les cadres et chefs d’entreprises de prendre leur voiture et la réalité les a rattrapé. Elle s’est résolue à mettre un grand parking en silo, une verrue, sur le plus bel emplacement de Strasbourg, face au Parlement. Dans toutes les villes du monde on essaie de cacher ces parkings. C’est un erreur stratégique.
Et de négatif ?
À force de non-choix, Strasbourg devient la spécialiste des projets en papier glacé. On attend un stade de la Meinau depuis des années, on en est encore à discuter d’images de synthèse, alors qu’on aurait dû accueillir l’Euro 2016. Ce n’est même pas moi qui le disait, mais Jacques Bigot et Roland Ries en 2008. Si le Racing en est là aujourd’hui, ce n’est pas grâce à la mairie. Au contraire, le stade est toujours plein et il manque quelques places pour que le club gagne en ressources.
Pour le Parc des expositions, on a dépensé 7 millions d’euros pour des études parties en fumée, puis on achète une structure temporaire, avant la version définitive. Alors que dès 2008, Roland Ries voulait le changer. Les atermoiements sur le Grand Contournement Ouest (GCO), d’abord contre puis pour, ont aussi fait perdre beaucoup de temps. On a aussi eu un maire de Strasbourg capable de voter blanc lors du référendum pour la Région Alsace, ce qui entres autres faisait le jeu du non. Aujourd’hui, on se retrouve à discuter de la fusion des départements.
On sent une demande pour plus d’écologie, comment allez-vous y répondre ?
C’est dans les gènes de Strasbourg d’être exemplaire et agréable, qu’elle soit à droite et à gauche. C’est la ville du tram et ça ne doit jamais changer. Si l’on confie la requalification de l’A35 aux mêmes élus qu’aujourd’hui, cela va donner le même résultat que sur la route du Rhin, où chaque mètre-carré est devenu le terrain de jeu des promoteurs. C’est ma grande crainte. Tous ont voté un PLU avec 50 000 personnes à Strasbourg dans les 10 prochaines années et ça en est la conséquence. Je suis contre ce bétonnage et on ne peut pas dire que les Verts l’ait empêché. La Neustadt est un exemple de densité qui vieillit bien, que l’on ne détruit pas avec les années.
J’aimerais aussi créer plus d’espaces verts. Je suis fermement opposé à ce dogme de la minéralité de toutes les places, même les quais dont le concept est réussi, sont extrêmement minéraux.
Mais avec 150 000 véhicules par jour même après le GCO, difficile d’imaginer un boulevard à la place de l’autoroute.
Toute la question va être l’utilité du GCO, que les personnes aillent sur l’autoroute dès qu’ils sont en transit et que ceux qui se rendent à Strasbourg y arrivent par un boulevard plus lent.
Revenons à la politique, quelles sont vos différences avec Jean-Philippe Maurer, l’autre candidat pour la droite ?
Je trouve ça bien qu’il y ait plusieurs candidatures, cela créé une émulation. On est collègues et l’ambition est de porter un projet commun. Jean-Philippe est conseiller départemental, élu depuis 1998, ancien député, basé à la Meinau depuis des années. Moi depuis 2008, j’ai vécu dans différents quartiers et je viens avec un regard neuf, en dehors de la routine. Ces regards générationnels ne doivent s’entrechoquer mais se compléter, avec d’autres.
Qu’est-ce qui vous a marqué lors de ce mandat dans l’opposition, votre premier ?
Roland Ries a été élu avec 1% des voix de plus que Fabienne Keller. C’est un maire minoritaire, mais c’est comme s’il avait eu 100% des voix. Le nombre de fois où on l’a alerté sur des mauvaises décisions et qu’il a juste répondu « bon, on n’est pas d’accord », puis on passe au vote, afin de garder une cohésion de façade… C’est sa qualité et son défaut. La démocratie locale doit être repensée, en prenant en compte l’avis de l’opposition. J’aimerais impliquer les Strasbourgeois dans l’élaboration du budget, sans augmenter les impôts. Avec les Gilets jaunes, il y a eu des demandes pour plus de prestations sociales, mais moins de taxation. Cela implique des choix clairs.
Je pense aussi que maire de Strasbourg doit être un job à plein temps et ne peut se cumuler avec celui de président de l’Eurométropole. Le maire ne peut pas passer son temps dans les 32 communes, dont 80% font moins de 10 000 habitants et dont la réalité est toute autre.
Le président de l’Eurométropole doit-il venir de Strasbourg ?
Je n’ai pas de religion là-dessus. Il faut quelqu’un qui puisse fédérer Strasbourg et toutes les communes.
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