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Face à l’inflation, des grèves et actions ont débouché sur des hausses de salaire de 3 à 5% en Alsace

Face à la forte inflation, de nombreuses entreprises ont fait face à des mouvements sociaux et autres grèves de salariés défendant leur pouvoir d’achat diminué par l’inflation. À la clé de ces mobilisations, le plus souvent, des augmentations exceptionnelles. Les négociations annuelles obligatoires devraient donner lieu à de fortes demandes salariales compte tenu des perspectives.

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Face à l’inflation, des grèves et actions ont débouché sur des hausses de salaire de 3 à 5% en Alsace

Un niveau d’inflation comme la France n’en avait pas connu depuis 1985. En septembre, le coût de la vie en une année aura augmenté de 6,8% d’après les prévisions de l’Insee. Dès le début de l’année 2022, et de la hausse des prix, les entreprises d’Alsace ont connu un nombre impressionnant de mobilisations pour demander des augmentations généralisées.

D’une entreprise à l’autre, le rapport de force est très variable. Il faut parfois passer par des mouvements de grève longs, jusqu’à 10 jours à Kronenbourg. Dans d’autres sociétés, la simple évocation d’un mouvement social a suffi pour que la direction accorde des augmentations. Notre recensement n’est pas exhaustif, mais en règle générale les salariés ont obtenu au printemps des hausses de salaires de 3 à 4%, voire jusqu’à 5%. Dans d’autres cas, plus rares, les actions ont donné des résultats décevants, avec une hausses 1,5%, voire des échecs, notamment quand l’employeur est très éloigné.

Ce mouvement commun à tous les salariés n’est pas prêt de s’arrêter. L’été n’est guère propice à des mouvements sociaux. Mais les syndicats s’attendent à une rentrée placée sous le thème du pouvoir d’achat des salariés. Car l’inflation se poursuit et ne montre pas de signe de ralentissement. Et dans beaucoup d’entreprises s’ouvriront des négociations annuelles obligatoires (NAO). Tous les syndicats s’attendent à ce passage obligé pour « rattraper » un éventuel décalage entre des augmentations obtenues et une inflation plus forte. Même si tout ne se jouera pas dans les entreprises. « Le niveau des revendications devrait aussi dépendre du contenu du plan pouvoir d’achat du gouvernement », estime le secrétaire général de la CGT du Bas-Rhin, Laurent Feisthauer.

Des augmentations jusqu’à 5%

L’augmentation salariale la plus nette se situe à la sucrière Tereos à Marckolsheim. Une grève massivement suivie de quatre jours a débouché sur 5% « pour les plus petits salaires » dixit Jean-Michel Halter de la CFDT, qui avait accompagné le mouvement. Ces revendications ont eu lieu la dernière semaine d’avril. D’autres mouvements sociaux se sont produits plus tôt dans l’année, quand l’inflation cumulée était donc plus faible.

Dans l’entreprise d’emballages métalliques Amcor à Sélestat, les salariés ont obtenu dès le mois de février une hausse de 4% des salaires et une augmentation de l’intéressement sur les bénéfices annuels. Elles ont été accordées par la direction locale de l’usine appartenant à un groupe australien. « Le pouvoir d’achat touche toutes les catégories de métiers. J’ai réussi à mobiliser les cadres », se félicite Olivier Wilm, représentant de la CGT dans l’entreprise. Le jour de l’unique action en janvier, 92% des personnels se sont arrêtés lors d’un débrayage d’environ 1h30.

Une augmentation de même ampleur a été accordée le 3 février à Kronenbourg. Mais dans la brasserie d’Obernai, il a fallu passer par une longue grève de 10 jours. L’usine a tourné au ralenti avec sept à huit groupes d’embouteillages sur dix à l’arrêt et environ 80% des 200 ouvriers mobilisés.

À la CTS, « une augmentation qui suit l’inflation » selon l’Unsa

À la Compagnie des Transports Strasbourgeois (CTS), les salariés ont obtenu le 12 mars une augmentation salariale de tout le personnel de 2,9%. “Si on ajoute cette hausse à celle de 2,54% qui a pris effet au 1er janvier, le pouvoir d’achat des salariés de la CTS a augmenté de 5,5%, ce qui représente 140 euros net par mois, par salarié”, se félicite le délégué syndical Unsa CTS Stéphane Daveluy, “le salaire a donc suivi l’inflation, c’est le minimum qu’on pouvait attendre.”

Le personnel avait démarré un mouvement de grève continu le 4 décembre, avec en particulier deux samedis massivement suivis pendant le marché de Noël, les 4 et 17 décembre. Ces jours-là, 60% des conducteurs s’étaient portés grévistes.

Du court débrayage à la longue grève

Dans l’usine d’enveloppes électriques Sarel (groupe Schneider Electric) à Sarre-Union, les salariés ont aussi observé un débrayage au printemps, d’une durée de 2 heures, mais cela “n’a pas pas abouti à grand chose”, regrette Tony Fiorito, responsable syndical CGT, malgré l’appel des trois organisations syndicales et “80% des ouvriers qui ont suivi”.

Le groupe a consenti pour son usine de Sarre-Union à une hausse de 3,1% de la masse salariale, mais ce pourcentage comprend “des augmentations individuelles, des mesures d’égalité homme-femme et une partie d’augmentation générale”. Ce qui entraine des disparités. ”Certains n’ont eu des augmentations que de 1% et quelques…”, poursuit le syndicaliste. Les salariés ne se sont pas arrêtés davantage, car la suite de la bataille se joue au niveau du comité social et économique (CSE) central du groupe. “On a beaucoup d’attentes pour les négociations annuelles, car les dividendes du groupe n’ont jamais été aussi élevés ».

Pour Force ouvrière, la principale mobilisation s’est déroulée en mars à Flender Graffenstaden, une usine d’Illkirch-Graffenstaden d’engrenages pour le transport de gaz et de pétrole. Pour Eric Krumm, délégué syndical FO, il a fallu opérer en deux temps pour obtenir gain de cause :

« On a débrayé deux heures par jour après la première offre de la direction qui a proposé 1,5% d’augmentation. La semaine suivante on est entré dans une grève dure. Toute la semaine, il n’y a eu que des intérimaires. »

Les salariés ont finalement obtenu 2,4% pour les salaires au-dessus de 2 400 euros net primes comprises, et 3% pour les salaires en dessous de 2400 euros.

Pendant une semaine en mars 2022, les ouvriers de Flender Graffenstaden étaient presque intégralement en grève pour demander une augmentation salariale. Photo : remise

Quand la simple évocation d’une grève suffit

Parfois la simple évocation d’une grève suffit à faire réagir les directions. Chez les cuisines Schmidt, les syndicats ont appelé à la grève fin mars, après des négociations jugées. “Finalement, la menace de grève a suffi, l’augmentation est passée de 2,2 à 3,4%. À cette période l’inflation tournait autour des 3%” souligne Khalid Sarouaou, secrétaire de Sud industrie Alsace.

Pour Olivier Delacourt de la CFDT Métallurgie, des situations identiques se sont produites dans les usines Ricoh, Liebherr et Faurecia avec des augmentation de l’ordre de 4%. Le responsable syndical explique ces rapides réactions par la crainte d’un effet de contagion :

« On était aux portes du conflit et les entreprises ont vu que dans tous les secteurs d’activité des grèves se déclenchaient. Les entreprises ont vu qu’il y avait un problème de rémunération et de pouvoir d’achat. Dès que ça grondait et que les délégués menaçaient, ils étaient plus enclins à négocier. »

Chez le constructeur automobile Dangel, spécialiste de la transformation de véhicules de séries en 4 roues motrices (4×4), la simple évocation d’un arrêt du travail a aussi débouché sur une revalorisation, mais un peu moindre, de l’ordre de 3%. Une situation qui pousse les représentants du personnel à déjà demander une réouverture des négociations.

Des mobilisations soldées par des échecs

Si ces premiers succès sont divers, et parfois simples à obtenir, d’autres mouvements se sont aussi soldés par des échecs. Gilles Bali, de la CFDT Commerces met par exemple dans cette catégorie la mobilisation dans l’usine d’outillage chez Würth à Erstein. Le syndicat réformiste, minoritaire à Würth et moins enclin à mener de longues grèves, avait pourtant fait fermé l’usine trois jours, avec 80% de participation. Le résultat est d’autant plus décevant au regard de la conjoncture du groupe. « C’est rien du tout pour une entreprise prospère avec 300 millions de dividendes et qui est en train de s’agrandir »

Pire encore selon les syndicalistes, les actions des salariés chez les grands groupes à Marionnaud et Auchan qui n’ont mené à aucune augmentation.

Compte tenu de la mobilisation de 10 jours menée notamment par la CFTC à l’usine de matelas haut de gamme Alsace Bedding (ex-Treca) à Reichshoffen, les résultats semblent en-deçà d’autres entreprises qui ont connu une mobilisation. La grève a mobilisé la quasi-totalité des 68 employés à part 3 personnes et la dizaine d’intérimaires. Les salariés ont obtenu une augmentation de 30 euros en brut pour les salaires supérieurs à 1700 euros par mois (soit 1,76% au maximum) et une augmentation de 38 euros brut pour les salaires inférieurs à 1700 euros par mois (soit 2,3% au maximum). 

Début 2022, les mobilisations pour le pouvoir d’achat des salariés ont souvent fonctionné… à divers degrés. Photo : Pabak Sarkar / Flickr /cc

À l’entreprise d’alimentation animale Mars PF à Ernolsheim-Bruche, l’action mi-mai a été plus courte : deux heures de débrayage mi-mai pour 115 personnes devant l’entreprise de 270 employés. Mais selon la CFTC le fait que des salariés organisent une action avait déjà un caractère historique ! Les retombées ont été moindres, puisqu’il n’y a pas eu d’augmentation générale. Seuls les jeunes payés au SMIC ont bénéficié d’une augmentation de 3%.

Ces échecs ne veulent pas dire que le syndicat n’obtient jamais d’augmentation, explique Christophe Fausser, secrétaire général CFTC dans le Haut-Rhin. L’organisation privilégie les négociations annuelles.

« Dans ce cadre, on arrivé à négocier des augmentations entre 4 et 6 %. Mais quand on lit dans la presse que l’inflation est à 5% et que l’augmentation obtenue n’est que de 4%, il reste des salariés mécontents ».


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