A six semaines du premier tour des élections municipales, nombreux sont ceux parmi les 110 000 inscrits sur les listes électorales à Strasbourg qui ignorent encore pour qui ils voteront aux élections municipales les 23 et 30 mars. Alors que les programmes sont dévoilés au compte-goutte, surtout dans les médias. Le grand public n’a pas encore reçu de tracts dans les boîtes aux lettres. Camille, une étudiante en Art de 22 ans résume :
« C’est la première fois que je vais voter pour les municipales. Ça m’intéresse, mais j’ai du mal à aller m’informer… J’ai l’impression qu’on n’a encore aucune info pour le moment, ou très peu. Je n’ai aucune idée du candidat pour lequel je voterai. »
De leur côté, frileux sur le dévoilement de leurs programmes de campagne, les états-majors n’aident pas les électeurs à se décider. Nombreux sont ceux qui, s’ils déplorent un manque d’informations, rappellent qu’ils attendent les propositions pour se faire une idée plus arrêtée sur la question. A l’image de Véronique, une mère de famille de 38 ans qui travaille place de la Bourse et explique :
« J’ai voté à gauche en 2008 mais je ne sais pas si je recommencerai cette année. Roland Ries m’a déçu, il devait faire des choses pour les cantines et les crèches, mais je n’ai pas senti de différence. Puis je me demande si avec Fabienne Keller ce serait mieux… Je verrai une fois que j’aurais toutes les informations en main, mais les élections arrivent vite quand-même. »
Indécision rime avec abstention
L’indécision est d’ailleurs généralisée et ne se cantonne pas au simple choix du candidat. Un bon tiers des personnes interrogées ne sont pas sûres du tout de se déplacer les jours de scrutin. Adama, un résident de Neudorf de 32 ans qui travaille dans la finance témoigne :
« Je suis inscrit [sur les listes électorales] mais je ne sais pas si j’irai voter. On ne sait pas exactement qui fait quoi pour nous et puis j’avoue que je ne vois pas de réels changements dans ma vie de tous les jours entre le maire actuel et sa prédécesseure. Gauche ou droite, ça changera quoi pour le citoyen lambda ? »
Jacques, retraité habitant de la Krutenau, n’est pas certain de faire le déplacement jusqu’à son bureau de vote. Ce dernier confie vivre dans la précarité et ne voit pas en quoi sa voix changerait quelque chose à sa situation. Il raconte :
« Le maire, que ce soit lui ou un autre, est loin des problèmes des gens. On le voit dans les dîners, en photo dans le journal, et la moitié du temps il est à Paris. Je suis pas déçu par lui en particulier, mais ça me pousse juste à ne pas participer à ce système. »
A Cronenbourg, Patrick, un quadragénaire qui travaille dans l’automobile, tient le même discours :
« Je sais que je n’irai pas voter. Pour moi, c’est tous les mêmes. Et je ne peux même pas dire que je suis déçu par eux, puisque pour être déçu, il y aurait fallu que j’y crois à un moment. Mais ce n’est pas le cas, ils ne sont là que pour servir leurs intérêts. »
En 2008, l’abstention s’était élevée à près de 45% des inscrits. Un chiffre élevé quand même, surtout pour une élection locale, dont le résultat impacte le plus le quotidien des habitants.
L’environnement, souvent cité prioritaire
Si nombreux sont ceux qui hésitent encore sur leur choix définitif, quelques grandes thématiques reviennent souvent dans la bouche des Strasbourgeois interrogés. Au centre ville, l’écologie a une place centrale. Place des Orphelins, Sophie, une photographe de 47 ans, développe :
« Je ne sais pas si je voterai PS ou EELV [Europe écologie – Les Verts]. Je voudrais que la ville continue ses politiques en faveur de l’environnement, mais en intégrant une partie un peu plus sociale. Rendre accessible l’écologie à tous, donner à ceux qui ne sont pas forcément aisés des logements qui ne soient pas énergivores. Lier l’écologie à l’homme, voilà ce qui me poussera vers un candidat plus qu’un autre. »
Son point de vue est partagé par beaucoup. Yoann, qui vend des fruits et légumes au marché de Neudorf, est très attaché à l’écologie et aux produits bio. Il ajoute :
« Strasbourg est en avance sur beaucoup de villes dans ce domaine. Il faut continuer dans cette voie. Seulement, ça manque quand même de pistes cyclables et les transports sont chers : 1,60€ pour aller de la gare à la place Kléber en tram, ça ne pousse pas les gens à laisser leurs voitures en périphérie. J’hésite entre les Verts et le PS, j’attends de voir qui fera des propositions plus concrètes sur les transports. »
À Hautepierre, ce sont les transports qui passent au premier plan de préoccupations. Catherine qui travaille à l’hôpital explique sa situation et les problèmes qui la font hésiter :
« Je commence à travailler très tôt, et mes horaires varient. Je suis dépendante des transports en commun et il n’y a pas de service de nuit… Alors j’essaye de m’organiser avec la voiture. Je ne sais pas du tout pour qui je vais voter, à part le FN, j’attends encore… De toutes façons, peu importe le résultat, ça ne changera pas mon quotidien. »
Toujours dans le même quartier, le logement tient également une place importante dans le discours des habitants rencontrés. Même sans s’intéresser directement aux élections municipales, on est souvent sceptique, à l’image de Romain, un adolescent qui vit ici depuis sa naissance, et qui votera pour la première fois cette année :
« J’irai voter c’est certain, c’est la première fois que j’en ai le droit ! Mais au final, même si le quartier est en rénovation, les barres seront toujours dans un état plus que moyen. Ça servira juste à cacher la misère. Mais j’aimerais bien voter, et voir vraiment du changement… Ça me ferait plaisir, j’aurais l’impression que ma voix a servi à quelque chose. Mais pour qui ? Je peux aller de l’extrême-gauche à la droite. »
Un contexte national délétère
Dans de nombreux cas, les Strasbourgeois s’avouent atterrés par les résultats de la politique nationale, et l’élection présidentielle de 2012 est encore dans toutes les mémoires. Ainsi, Mélodi, 23 ans, vendeuse dans le centre commercial Rivétoile, indique :
« On a bien vu avec la dernière présidentielle, j’avais une opinion politique avant 2012, j’ai voté et au vu de ce que ça a donné, ça ne vaut plus la peine. Je ne suis d’accord ni avec la droite, ni avec la gauche. En fait, je n’attends rien des municipales. Je lirai les programmes si je les reçois, mais je n’irai pas voter. Ras-le-bol. »
Une trentaine de personnes ont été interrogées sur leurs intentions pour les élections municipales, une vingtaine étaient indécis ou abstentionnistes. Des deux sondages publics publiés aujourd’hui, effectués sur des échantillons d’environ 600 personnes, aucun ne mentionne l’abstention ni même l’indécision.
(Édité par Pierre France)
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