Un peu plus de deux ans après l’acquisition de la Manufacture des Tabacs par la Ville de Strasbourg, les futurs occupants sont presque tous connus. À l’été 2015, on se souvient que la société semi-publique de la Ville, la Sers, était passée devant un promoteur immobilier pour l’acquisition de cette ancienne usine à Imperial Tobacco. Le cigarettier britannique avait racheté les marques de l’espagnol Altadis en 2008, mais fermé cette usine en 2010, mettant fin à 158 ans d’activité.
Ouvrir un espace que personne ne connaît
Désormais, l’avenir de l’immense quadrilatère au cœur de le Krutenau commence à se préciser. Dès le début, le maire et ses adjoints ont eu comme objectif d’ouvrir cette « citadelle » massive où peu de Strasbourgeois ont mis les pieds.
Lieu de vie, d’innovations, ouverture sur le quartier, besoins de l’Université… Plusieurs désirs se croisent. De plus, il faut jongler avec plusieurs règles des Bâtiments de France, car la friche industrielle, achevée en 1852, a obtenu un classement à l’inventaire des monuments historiques à la fin de l’année 2016. Sur certaines vitres, le plastique va par exemple être remplacé par des ossatures en bois. L’intérieur peut-être rénové, mais pas défiguré.
Une grande partie des surfaces a d’emblée été réservée à l’Université de Strasbourg et à du logement temporaire en auberge. Mais 5 000 m² ont été gardés pour accueillir d’autres projets. La Sers a ainsi reçu plus de 50 propositions d’occupation. Bref, « cette forteresse intéresse tout le monde » a souligné le maire Roland Ries (PS mais plus trop), « sauf le Département du Bas-Rhin », dans une petite pique de rentrée.
Plan du site
Un lieu de restauration « vegan »
Parmi les vainqueurs, une coopérative sera fondée. Le Lieu agricole biologique (LAB) s’installera dans la partie centrale, de 1 100 m². Un marché bio, une épicerie en vrac, un espace sandwichs et salades et trois restaurants, un « vegan », une brasserie et une Winstub, avec des plats à partir de 8 à 10 euros, occuperont les lieux. À côté de cet espace, d’autres bâtiments sont réservés pour une utilisation événementielle.
L’autre vainqueur investira l’aile Est (1 900 m²), où l’on trouve les anciens bureaux et le gigantesque appartement des directeurs (300 m²). Il s’agit d’un projet commun de l’incubateur de la Région Grand Est, le Semia et de l’accélérateur d’entreprises ACCRO.
Des espaces encore inconnus
Environ 1 000 m², dans la cour intérieure, sont réservés à « l’ouverture sur le quartier ». L’association des habitants de la Krutenau, l’Abhak, et le centre socio-culturel du Cardek sont demandeurs de ces espaces pour les utiliser ponctuellement mais pas pour les gérer au quotidien.
Enfin, un espace de taille similaire (côté nord), ouvert à la consultation, n’est pas encore attribué, dans l’attente de voir comment les autres occupants fonctionnent ensemble. Plusieurs appels du pied vers la salle d’exposition du Syndicat potentiel, en sursis rue des couples à la Krutenau, ont été notamment été lancés.
Des étudiants en 2020, France Hostels pour l’auberge
Les autres usages étaient connus, mais leurs contours s’affinent. Sur toute la longueur sud et un bout de l’ouest, la plus grande partie (10 000 m²) est attribuée comme convenu à l’Université. Il y aura un regroupement des cours de l’École nationale du génie de l’eau et de l’environnement de Strasbourg (Engees) et de l’École et Observatoire des sciences et de la Terre (Eost). Un millier d’étudiants sont attendus sur le site et quelque 200 chercheurs et personnels, avec l’objectif d’y effectuer la rentrée en 2020.
Côté nord-est, sur la rue commerçante, 2 700 m² sont attribués à France Hostels, une jeune entreprise française qui propose des auberges de jeunesses à l’anglo-saxonne. Avec 266 lits, les prix s’étaleront de 17 à 32€ euros la nuit, en dortoir ou en chambre. Les premiers clients sont espérés pour l’automne 2019.
Côté nord et nord ouest, les locaux sont confiés à la Haute école des Arts du Rhin (Hear), dont l’annexe à une rue de là sera déménagée. Les locaux historiques, rue de l’Académie, étant voisins, le croisement sera certainement réaménagé a annoncé le premier adjoint au maire Alain Fontanel (LREM), avec on l’imagine une petite place pour l’art, histoire de mettre l’école en valeur.
Créer des ouvertures sur la Krutenau
Dans les quatre côtés, les locaux comportent quatre niveaux, le rez-de-chaussée, deux étages et sous les combles. Une ouverture à l’avant et à l’arrière du bâtiment permettront de le traverser. Il n’est pas encore décidé si le portail se refermera le soir (ce qui obligera l’auberge d’avoir une entrée séparée) ou non. D’autres ouvertures sur les côtés sont envisagées, mais là encore, il faut tenir compte du classement patrimonial des bâtiments.
60 à 70 millions d’euros
L’opération est évaluée à la louche à 60 – 70 millions d’euros. À titre de comparaison, c’est deux fois le prix de l’Arena de la Sig, de la rénovation des bains municipaux ou une fois et demi les nouveaux arrêts de tram vers Kœnigshoffen ou autant que la rénovation envisagée du stade de la Meinau.
Dans cet ensemble, la partie universitaire consacrée aux sciences est estimée à 25 millions d’euros, financée par l’État via la Plan Campus (14 millions d’euros), ainsi que par la Région Grand Est et l’Eurométropole (7 millions d’euros chacun). Celle concernant les artistes en devenir de la Hear devrait être financée par la Ville et l’école (10 millions d’euros).
Pour le reste, c’est la Sers qui portera le risque financier, en créant une société immobilière et en remboursant les sommes engagées via les loyers qu’elle va demander aux occupants. Même si ce lieu est bien accessible en transports en commun, quelques places de parking ont été achetées par la Sers sur la friche de l’ancien siège régional de France Telecom, rue Fritz-Kiener, juste derrière des Bains municipaux.
Il sera possible de visiter les bâtiments dans le cadre des journées du patrimoine les 16 et 17 septembre, sur réservation. Les premiers coups de pioche sont attendus pour l’été 2018.
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