Le Couloir ?
Dès l’entrée, la singularité de ce nouvel espace d’exposition se fait sentir. L’espace n’est autre que la desserte des ateliers du premier étage. Un concept étonnant mais qui fait sens. Les expositions sont uniquement les propositions des artistes résidents de Zone d’art. Une initiative collective pertinente, engagée et solidaire.
Le Couloir c’est 85 mètres linéaires utilisés essentiellement et jusqu’à présent lors de la manifestation des ateliers ouverts. Pour cette inauguration, il a été totalement restauré, et trois artistes résidents de Zone d’art, Didier Guth, Germain Roesz et Sylvie Villaume proposent au public de découvrir le travail particulier de Claude Gagean.
Un artiste qui expose peu, voir quasiment jamais
Claude Gagean s’est toujours, selon ses propres mots, isolé “du monde social normal et du milieu artistique abouti”. Un artiste solitaire qui a toujours évité le tapage des vernissages et le milieu culturel. Raisons pour lesquelles l’artiste est invisible pour ne pas dire inexistant sur la scène artistique strasbourgeoise. S’il préfère rester dans l’ombre du marché de l’art, il est également méconnu des institutions publiques et privées. Dans une époque où la technologie et la technicité prennent le dessus, l’artiste reste fidèle à un travail dit traditionnel et prône les choses qui sont faites à la main.
Son œuvre s’étale sur plus de cinquante ans de travail. Au début de sa carrière d’artiste, Gagean présente un art de matières, d’empreintes, qui se fonde systématiquement sur des oppositions et des contradictions. Opposition par exemple entre dessin géométrique et matière brute informe ou entre tons vifs et couleurs de terres. Il démarre avec des géométries, puis des « verdures » et des paysages, des mains, des feuilles pour finir actuellement avec ces crânes qu’il nomme aussi figures.
Disparités, mélanges, emprunts, citations, collages, assemblages, séries, patchworks et répétitions sont les termes de sa pratique de ces dernières années.
Ses sources d’inspirations sont nombreuses, Van Gogh et Monet pour la couleur, Matisse et Kelly pour le dessin, Klee, Léger et Albers pour la géométrie, Schwitters et Motherwell pour le collage, Tapiès et Dubuffet pour la matière, Reinhardt pour les noirs, Manzoni et Ryman pour les blancs, Twombly pour l’écriture, Matisse, Dufy, Viallat et la pattern painting pour le décoratif.
“Ne crânez plus”
Pas de rétrospective pour cette mise en espace, les organisateurs laissent le soin aux institutions culturelles de s’en charger. Avec “Ne crânez plus”, le public a l’occasion de découvrir une série d’œuvres réalisées entre 2010 et 2013. Une accumulation de crânes, telles des tapisseries, orne les murs de l’espace Le Couloir. Les crânes sont toujours accompagnés de collages, d’assemblages, de tissus floraux ou de tapisseries à fleurs. Ils sont des figures expressives, parfois expressionnistes. Il s’agit d’un canevas ornemental fait de papier journal, de photos de mannequins, de femmes présentes dans les magazines, mais également de papier peint, de papiers d’emballage, de serviettes en papier ou de tissus à fleurs.
“Ne crânez plus”, c’est l’occasion de percevoir un assemblage, un rassemblement, une accumulation, mais surtout une série d’œuvres qui sont synonymes de rupture et de véritable transgression. Surgissement du crâne, figure incontournable aujourd’hui dans l’œuvre de Gagean. L’artiste expose avec intérêt dans cet espace dont certaines parties exiguës permettent au regardeur de s’immerger dans ses œuvres. Un espace d’exposition qui apparaît comme extrêmement juste aux yeux de l’artiste pour présenter ses crânes. Proche de la vanité et du palimpseste, l’exposition “Ne crânez plus” est l’occasion pour le public de découvrir le travail d’un grand artiste local et d’inscrire un nouvel espace d’exposition dans le paysage culturel alsacien.
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