Jeudi 30 janvier, quartier de l’Elsau. Trois jeunes traînent au coin de la rue Watteau. Demain, la figure locale du rap sort sa mixtape « Cité Blanche ». « Ça fait longtemps qu’on parle de Cité blanche, ou de cité blanca, mais maintenant Larry a percé… », lâche l’un d’eux. Pour les jeunes dealers, le nouveau surnom du quartier contient une référence claire : « C’est à cause du trafic de coke ici », explique un autre. Et le rappeur ne s’en cache pas dans ses sons :
« C’est la Seleção, la cité blanca,
Larry – Question – Réponse
Tu vas saigner du nez si de la frappe, t’abuses. »
Armes blanches et petite ferme
La Cité blanche a pourtant existé bien avant Larry et l’apparition du trafic dans le quartier. Dans les années 1970, trois immeubles portaient ce nom. Habitante de l’Elsau, Rosa, 45 ans, y a vécu les six premières années de sa vie. La femme au foyer regrette la « très belle » cité blanche, ses immeubles de quatre étages et sa petite ferme gérée par « oncle Raymond » avec ses « poules, sa biquette et plein d’autres animaux. » Elle raconte avec nostalgie cette époque « conviviale, où l’on s’aidait les uns les autres, on mangeait des barbecues ensemble dehors… Ça manque maintenant. »
Pourquoi l’ensemble d’immeubles s’appelait-il Cité blanche ? Pour Rosa, le nom s’explique par la couleur des blocs de l’époque. Puis l’Elsauvienne invoque la présence de nombreux yéniches parmi les habitants des blocs :
« Il y avait pas mal d’armes blanches qui circulaient à l’époque, décrit la femme de 45 ans, certains habitants faisaient du porte à porte et proposaient d’aiguiser les couteaux des gens. »
La Cité blanche remplacée par une maison d’arrêt
En 1980, tout le monde doit quitter la Cité blanche. « Mes parents étaient énervés d’apprendre la destruction des immeubles par courrier, se souvient Rosa, on perdait notre maison, notre lieu à nous, notre heim (chez soi, en alsacien, ndlr). » Les habitants des trois immeubles ont-ils résisté à l’expulsion ? « Ma grand-mère a refusé de quitter son appartement, d’autres ont aussi essayé mais bon, la loi c’est la loi… »
La maison d’arrêt de Strasbourg a remplacé la Cité blanche dans les années 1980. Les habitants du quartier ont toujours souffert de cette assimilation de l’Elsau à la prison. Le succès de Larry et le nom de sa mixtape détourne le regard de l’établissement carcéral… pour y regretter un autre problème elsauvien, le trafic et la toxicomanie :
« J’en connais des vrais gangs qui prennent d’la C
Larry – Abattue (Hors-Série #2)
Ils me portaient petit quand j’les vois j’ai l’seum »
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