« Pour l’Elsau, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) est plutôt d’accord avec ce que l’on propose. » Jeudi 2 août, Mathieu Cahn (PS) reçoit dans son bureau au premier étage du centre administratif de Strasbourg. Le vice-président de l’Eurométropole est en charge du renouvellement urbain.
Il parle avec assurance des changements futurs pour ce quartier sans supermarché ni distributeur automatique de billets, où certaines familles vivent dans des logements insalubres. « La trajectoire est fixée, affirme l’élu, il faut maintenant s’accorder sur le rythme des travaux. »
Immeubles rasés et école Martin Schongauer déplacée
La rénovation urbaine de l’Elsau est aujourd’hui chiffrée à 186 millions d’euros, dont 20 millions pris en charge par l’Anru. L’école élémentaire Martin Schongauer qui accueille 270 élèves sera démolie. La présence d’amiante dans le bâtiment empêche tout rénovation, assure Mathieu Cahn. À moyen terme, le terrain devrait accueillir une soixantaine de logements privés. Dans le projet actuel de l’Eurométropole, l’établissement scolaire doit être reconstruit à la place des deux tours massives d’une douzaine étages situés au 30 de l’avenue Jean-Baptiste Pigalle et au 43 rue Matthias Grunewald.
Au 87 de la rue Martin Schongauer, la barre de cinq étages doit être rasée. Les logements sociaux du 21 au 29 rue Martin Schongauer sur une dizaine d’étages doivent aussi disparaître pour tout ou partie. Une salle de boxe sera construite derrière le Centre social et culturel du quartier.
Dans la rue commerçante et piétonne Watteau, les logements sociaux du numéro 2 au 12, c’est-à-dire l’immeuble qui contient la médiathèque seront aussi détruits. Une partie du terrain débarrassée de ses gravats doit être revendue à un promoteur immobilier.
L’autre sera remplacée par des équipements publics et des espaces verts. L’immeuble du 80 rue Martin Schongauer figure aussi parmi les blocs massifs à détruire. Aucun projet de remplacement ne figure à ce stade sur le projet de l’Eurométropole de Strasbourg.
« Entre 368 et 400 » logements sociaux à détruire
Au total, « entre 368 et 400 » logement sociaux doivent être démolis dans le quartier de l’Elsau qui compte 6 000 habitants. Une partie de l’espace libéré doit permettre d’attirer des promoteurs privés. « C’est une exigence de l’Anru », explique Mathieu Cahn. L’objectif : permettre une mixité sociale plus grande dans le quartier. Pour le vice-président de l’Eurométropole, la destruction est assez simple, mais la revente au secteur privé prendra plusieurs années :
« Aujourd’hui, l’Elsau n’est pas très attractif pour les promoteurs privés. Donc on cherche des solutions : pourquoi pas transférer l’école Martin Schongauer à la place des deux immeubles du 30 avenue Jean-Baptiste Pigalle et du 43 rue Mathias Grunewald ? Pour les autres terrains, en particulier à l’entrée du quartier et à proximité du parc naturel urbain, l’image du quartier dans quatre ou cinq ans aura changé grâce à la rénovation urbaine. Ces espaces pourront alors être vendus. On va donc faire du portage foncier (conserver la propriété de certains espaces en attendant que la revente soit rentable, ndlr) »
Aucune date n’est avancée pour le début des démolitions dans le quartier de l’Elsau. Car au même moment, d’autres logements sociaux doivent être détruits dans les quartiers prioritaires de la Ville (QPV) aussi concernés par l’Anru.
À ce jour, l’Eurométropole planche sur les solutions de relogement offertes aux habitants. D’après les règles de l’Anru, seuls 15% des logements sociaux peuvent être reconstruits dans un même quartier, au côté des nouveaux appartements privés. Mathieu Cahn précise la réflexion en cours :
« Nous devons encore décider quand est-ce que la phase démolition sera enclenchée à l’Elsau. On ne peut pas le faire en même temps que l’on détruit des logements sociaux à Hautepierre par exemple, car il faut trouver des solutions pour reloger les Elsauviens. La problématique ne se gère pas seulement à l’échelle du quartier, mais de toute l’Eurométropole. »
Des barrières pour séparer l’espace public du privé
Pour 48 millions d’euros, 974 logements sociaux actuels doivent être « requalifiés » dans le quartier. « Il s’agit d’améliorer les performances énergétiques des bâtiments », explique Mathieu Cahn. À plus long terme, cette mesure témoigne d’une volonté d’attirer un public plus varié, plus aisé surtout. C’est l’un des fondements des programmes nationaux de renouvellement urbain de l’Anru.
Autre grand principe de la rénovation à venir : la résidentialisation. Mathieu Cahn explicite le projet :
« Dans ce quartier, il n’y a pas de différence entre l’espace public et l’espace privé à l’extérieur. Il faut donc différentier les espaces à usage privé, à la charge du locataire, et les espaces publics, entretenus par l’Eurométropole. »
En clair, des barrières ou des haies vont être installées autour des immeubles. À Hautepierre, le même procédé a permis de grapiller quelques morceaux d’espace privé ou une place de parking. 974 logements sociaux seront ainsi « résidentialisés ». Coût de l’opération : 4 millions d’euros.
Le problème du supermarché reste entier
À propos des commerces dans le quartier, Mathieu Cahn reste évasif. Dans la répartition de l’investissement pour le renouvellement urbain de l’Elsau, un million d’euros est consacré à « l’immobilier entreprise et [aux] commerces ». Le vice-président de l’Eurométropole ne voit pas de supermarché s’installer dans les anciens locaux du Leclerc :
« La surface actuelle des locaux est trop grande. Il y a une inadéquation entre l’offre et la demande des enseignes. Il faudrait aménager un autre espace, ou des cellules communes aux pieds des immeubles. »
Les dirigeants de la Locusem, la société de l’Eurométropole qui facilite l’installation d’entreprises notamment dans les quartiers difficiles s’étaient dits prêts à intervenir s’ils sont sollicités à l’occasion de cette opération.
Appel à la participation des citoyens
En septembre, le vice-président de l’Eurométropole se rendra dans les conseils citoyens de Strasbourg et environs (Schiltigheim, Bischheim, Lingolsheim, Illkirch-Graffenstaden) concernés par le renouvellement urbain. Mathieu Cahn craint déjà un « timing serré ». Les habitants des quartiers auront jusqu’à la mi-octobre pour élaborer un avis sur le projet présenté. Ils pourront s’exprimer sur les bâtiments démolis, la construction de logement privé, la mise en place d’un square…
Depuis plusieurs mois, un Strasbourgeois s’active pour impliquer les habitants du quartier. Laurent Garczynski appelle les Elsauviens à travailler ensemble pour mettre les « vraies questions sur la table ». Cet architecte de formation, intéressé par les techniques de construction durables, veut saisir l’occasion de ce chantier public pour proposer des solutions écologiques et innovantes. Dans un document rédigé en avril 2018, il offre des pistes de réflexions pour l’Elsau : « combiner la rénovation urbaine et la création d’emplois verts », « désenclaver l’Elsau par des liaisons douces (transports non-polluants, ndlr) » ou s’appuyer sur les jardins partagés pour créer des liens entre voisins.
Une décision de l’Anru entre « décembre 2018 et mars 2019 »
Selon Mathieu Cahn, le comité d’engagement de l’Anru pourrait avoir lieu entre « décembre 2018 et mars 2019. » Les travaux pourront démarrer dès la signature du projet par cette instance. Mais l’élu ne démord pas d’une conviction : les travaux vont changer l’image du quartier, certes, mais à l’instar du maire, il pense que c’est surtout le discours qui doit changer à propos de l’Elsau :
« Il faut arrêter de parler d’abord des choses qui vont mal. L’Elsau a plusieurs points forts : sa proximité avec un cours d’eau et l’entrée du parc urbain, le tram qui mène en 12 minutes au centre de Strasbourg et l’accès à l’autoroute, les cultures urbaines comme le street workout et le label écoquartier. En septembre, nous publierons les résultats d’un sondage sur l’image de plusieurs quartiers. Nous avons consulté ceux qui y résident et ceux qui n’y vont presque jamais. On pourra continuer de changer l’image de ces quartiers. »
Pas sûr que tous les habitants pensent que les seuls problèmes relèvent du domaine de l’image.
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