Déconnectés. C’est la critique qu’entendent les élus à longueur de journées et depuis que les régions ont fusionné, les élus du conseil régional apparaissent encore plus éloignés, hors d’atteinte. Pour garder un ancrage territorial, le président du Grand Est, Philippe Richert (LR) a multiplié les « maisons de la Région » qui reçoivent le public et les partenaires de la collectivité. Las, le bon service ou la bonne personne est rarement à proximité, plus fréquemment à l’autre bout de cette très grande région qui va de l’Alsace à la Champagne, des Ardennes à la Bourgogne.
Les élus du nouveau conseil régional ont vite compris qu’ils seraient critiqués sur leur éloignement. Comme Valérie Debord, vice-présidente (LR) en charge de la démocratie locale, est un peu geek, elle a choisi de répondre à ce défi par une application pour mobiles. Le choix de la Région Grand Est s’est porté sur Gov, une application qui se présente comme « la météo de l’opinion », et qui revendique plusieurs centaines de milliers d’utilisateurs, plusieurs millions d’avis exprimés.
Des questions et des débats en 140 caractères
Le principe est très simple : les utilisateurs se posent mutuellement des questions en 140 caractères, auxquelles ils peuvent répondre par « plus + » ou « moins -« , des signes génériques qu’il faut prendre pour « oui » ou « non », « favorable » ou « opposé » selon le contexte… Résultat : Gov s’enorgueillit d’avoir prédit l’ascension de François Fillon à l’élection primaire de droite. À ce jour, le candidat de la droite à l’élection présidentielle est toujours le chouchou des utilisateurs de l’application mais, pour Slate, le baromètre est peut-être cassé.
Entre 30 et 50 000€ pour adapter l’application Gov
Pour la Région Grand Est, Gov a adapté et vendu sa technologie entre « 30 et 50 000€ » par an pour une application similaire, appelée « Imagin’Est ». Les utilisateurs et la Région Grand Est peuvent proposer aux votes des débats ou des questions dans chacune des thématiques correspondantes aux compétences du conseil régional (Europe, transports, formation, environnement…). Les statistiques de chaque question sont accessibles à ceux qui ont « voté » (tranches d’âges, genre, départements d’origine)… Les débats ouverts par les citoyens sont d’abord modérés avant d’être publiés, puis proposés sur un fond blanc tandis que les questions issues de la Région sont sur fond bleu.
Bobby Demri, fondateur de Gov, était à Strasbourg mardi matin pour détailler le fonctionnement de l’application :
« Toutes les données sont hébergées chez Gov et anonymisées. Nous agissons comme tiers de confiance. Personne ne peut connaître les opinions d’un utilisateur en particulier. Il s’agit uniquement d’un instrument de mesure, nous ne produisons pour la Région Grand Est que des agrégations de données. »
Profiter du savoir-faire de Gov
Contrairement à l’application d’origine, Imagin’Est ne demande pas l’orientation politique de ses utilisateurs, mais s’intéresse à son département. L’inscription à l’application n’est pas non plus validée par un e-mail de vérification. Valérie Debord évacue tout risque de piratage ou de manipulation :
« On aurait pu faire développer l’application directement mais tout l’intérêt de passer par Gov, justement, c’est de profiter de ce savoir-faire contre les détournements d’une part, mais aussi dans le rapport aux utilisateurs et avec l’administration. Chaque service de la Région dispose d’un référent Imagin’Est. Nous suivrons de près les suggestions qui nous seront envoyées et popularisées par l’application et nous nous engageons à répondre aux questions en moins de deux semaines. »
Pas pour remplacer les élus
Concrètement, les services de l’administration régionale seront incités à poser des questions aux utilisateurs d’Imagin’Est avant de mettre en œuvre un projet tandis que le bureau exécutif du conseil régional, composé d’une partie des vice-présidents, promet d’intégrer à son planning les sujets les plus débattus dans l’application. Président du conseil régional, Philippe Richert (LR) a rappelé mardi matin qu’il était néanmoins attaché à la démocratie représentative :
« Ils ne s’agit pas de remplacer les élus, c’est à dire nous, par des votes dans l’application… Il s’agit pour tous ceux qui pilotent cette grande région d’avoir accès aux questionnements des citoyens et de pouvoir solliciter les habitants. Pour tous les élus, ce sera une aide à la décision mais les sondages ne provoqueront pas les décisions. »
C’est le plafond de verre de toutes les applications de « civic tech » (de citoyenneté à l’ère numérique). En raccourcissant les circuits de décisions, elles ont tendance à rapprocher le pouvoir des citoyens mais au détriment des élus et des administrations. Ce qui explique que malgré un intense développement de l’offre issue de ce secteur, ses mises en œuvre réelles restent très limitées…
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