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Après un rendez-vous avec Huawei, l’Eurométropole plutôt séduite

Les représentants de la métropole strasbourgeoise se sont entretenus ce lundi 12 octobre avec des dirigeants de Huawei France. L’implantation de l’usine n’est pas encore tranchée, mais la majorité semble conquise.

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Après un rendez-vous avec Huawei, l’Eurométropole plutôt séduite

La conférence de presse a été annoncée ce lundi au dernier moment, 11h30 pour un rendez-vous à midi. Interpellés par l’urgence du communiqué, les journalistes ont spéculé sur de possibles annonces inédites. Où sera finalement implantée la future usine Huawei ? La nouvelle municipalité écolo et méfiante sur la 5G va-t-elle refuser au géant chinois des télécommunications son installation en Alsace avec fracas ? Mais finalement, rien de tout cela. Lorsque Pia Imbs, la présidente de l’Eurométropole, a pris la parole face à une nuée de caméras et de micros, c’était simplement pour raconter « une rencontre intéressante » avec les dirigeants de Huawei France.

Des garanties et des réponses apportées par Huawei

Nature des emplois, longévité de l’implantation de l’usine Huawei, responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise… Toutes ces questions étaient au menu de la réunion entre les représentants de l’Eurométropole, de la Ville de Strasbourg et du géant chinois. Et visiblement, les réponses ont satisfait la maire de Holtzheim, qui a semblé « rassurée et confortée » après ce rendez-vous qui aura duré plus d’une heure. « Nous avons reçu toute une série de réponses concrètes et positives. »

Avec, de gauche à droite : Thibaud Philipps, maire d’Illkirch-Graffenstaden, Pia Imbs et Anne-Marie Jean, présidente et vice-présidente de l’Eurométropole.

Première garantie : les 500 emplois créés seront « qualifiés, et tournés notamment vers la recherche et développement (R&D, ndlr). »

« Ce seront de futurs emplois pour nos écoles d’ingénieurs, et nos écoles de techniciens. En termes sociaux, Huawei est une entreprise qui n’est pas cotée en bourse et où les salariés sont actionnaires. C’est une entreprise qui investit énormément dans la R&D, et qui n’est donc pas appelée à être de passage sur le territoire, mais au contraire, elle sera amenée à rester durablement. C’est un point fort, confortant. »

Pia Imbs, présidente de l’Eurométropole

Autre garantie : la construction de la future usine répondra aux exigences environnementales de l’Eurométropole. Anne-Marie Jean, vice-présidente en charge de l’économie, explique :

« Lors de la première réunion que nous avions eue avec Huawei, nous leur avions indiqué que c’était primordial pour nous. Aujourd’hui, ils ont intégré ces critères. Ils nous ont montré leurs usines en Chine, où ils utilisent l’éclairage naturel, avec des matériaux bois, etc. »

Nouvel argument écologique inattendu : grâce à l’implantation en Alsace de Huawei, « il y aura moins d’aller-retour sur la production des pièces, puisqu’ils auront une plus grande proximité avec les clients. Jusqu’ici, ils devaient ré-envoyer les pièces en Chine lorsqu’il y avait un souci », poursuit cette proche de la maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian (EELV), présente à la réunion mais pas au point presse. Des produits qui seront expédiés – ou réexpédiés donc – « plutôt par train que par la route ». Huawei, fervent défenseur de la qualité de l’air ? « Ils sont ravis de s’implanter ici, au cœur de l’Europe, c’est très important pour eux », nuance Pia Imbs.

Sur les doutes quant à la cybersécurité, argument principal contre Huawei aux États-Unis, Pia Imbs semble défendre Huawei, « qui travaille avec l’Anssi (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information) et qui se fait contrôler dans ses démarches de traitement des données. » Avant d’ajouter : « Nous demandons à l’État de s’exprimer de manière claire sur le sujet de la cybersécurité et de la protection des données ». La question ne sera pas tranchée à Strasbourg.

Tournée de Huawei en Alsace pour choisir le site

Toujours pas de décision prise en revanche, sur la question du futur site, mais la présidente de l’Eurométropole affirme tout de même que celui d’Erstein « n’est plus forcément en lice ». Il y a toujours, en revanche, deux sites possibles sur la commune d’Illkirch-Graffenstaden : l’ancien site de Puma, qui doit être réhabilité, ou bien celui du parc d’innovation. Pour Thibaud Philipps, nouveau maire LR de la ville, l’opportunité est trop belle pour la laisser passer. Il était donc présent à la réunion :

« Il y a un vrai intérêt économique pour nous, avec 500 emplois en jeu, et des emplois qui seront très locaux. Je suis ravi qu’on ne ferme pas la porte à Huawei. On a la chance d’avoir un parc d’innovation, une école de télécoms avec des ingénieurs et Alcatel qui va bientôt s’implanter sur ce même parc. On va donc se battre pour avoir ces emplois. »

Thibaud Philipps, maire d’Illkirch-Graffenstaden

Les dirigeants de Huawei ne se sont pas encore décidés. En attendant, ils continuent leur prospection. « Nos interlocuteurs sont aujourd’hui en Alsace. Ils vont faire le tour des différents lieux et faire connaissance avec les collectivités locales. Ils feront ensuite leur synthèse de leur côté », explique Pia Imbs. Huawei vient donc faire son marché dans la région ? L’expression ne plaît pas à la présidente de l’Eurométropole. « Il n’y a pas un interlocuteur qui tire l’autre vers le haut, ou l’inverse, c’est un dialogue. »

Côté calendrier : la production démarrerait au plus tôt en 2023. Et il y a encore de nombreux détails à régler, assure Pia Imbs, comme le design de l’usine ou encore le permis de construire. Et de rappeler : « nous allons être très exigeants sur l’empreinte environnementale, sur l’apport en énergie renouvelable ou sur les matériaux bio-sourcés ».

Contre la 5G, mais pour Huawei : le grand écart de Jeanne Barseghian ?

La future usine sera donc un lieu de production de composants, qui seront ensuite utilisés pour des cartes et des antennes 2G, 3G, 4G et aussi 5G. Mais Pia Imbs insiste : « ce n’est pas antinomique avec un futur débat sur la 5G qui aura bien lieu. » Les dirigeants de Huawei le savent, « ici comme ailleurs en France, les élus et les citoyens veulent débattre de cette technologie », croit savoir Pia Imbs.

En septembre, Jeanne Barseghian a en effet co-signé une tribune demandant un moratoire sur la 5G, aux côtés d’une soixantaine d’élus de gauche et écologistes, dans le Journal du Dimanche. Comment donc, en parallèle, défendre l’arrivée de Huawei en France, et qui plus est ici, en Alsace ? Pia Imbs adapte la rhétorique macronienne du « en même temps » version écolo :

« Nous portons, à la métropole et avec la Ville de Strasbourg, un projet de développement économique durable, avec des emplois locaux, à créer, à stimuler. C’est la feuille de route de la vice-présidente de l’Eurométropole (Jeanne Barséghian, ndlr). Mais cela n’empêche pas de considérer une demande plus exogène, qui nous vient d’un acteur si important, si connu. Notre vision économique est plus endogène c’est sûr, et plus portée par les entreprises locales, mais pour l’instant nous dialoguons et nous faisons connaissance. Nos attentes sont exigeantes. Et Huawei assure aussi de son côté avoir des engagements forts. »

Pia Imbs

#Illkirch-Graffenstaden

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