Les expositions d’installations numériques mettent en place des moyens technologiques toujours plus poussés pour créer des expériences immersives qui transportent dans de nouveaux espaces.
À l’Atelier des Lumières de Paris, par exemple, on y propose des expositions de grands artistes projetés à 360 degrés sur les murs, le sol et les spectateurs de sorte à créer un spectacle audiovisuel saisissant.
En parallèle, l’été 2023, au centre George-Pompidou de Paris, Christian Marclay a eu droit à une exposition en solo qui mettait en avant un étonnant bricolage de sons, images, supports ou instruments pour créer de nouvelles formes plastiques comiques et poétiques qui parlent de notre rapport aux médias audiovisuels.
Mais d’où proviennent ces tendances distinctes qui se jouent des nouveaux médias par la pratique artistique contemporaine ? Au ZKM, centre d’art contemporain et numérique de Karlsruhe, une exposition présente l’artiste Heinz Mack, pionnier de l’art contemporain allemand qui pourrait bien aider à trouver une réponse.
La lumière chez Heinz Mack
Heinz Mack est co-fondateur du collectif Zero, un groupe d’artistes avant-gardistes fondé en 1957 à Düsseldorf qui avait pour but de renouveler la création artistique de l’Allemagne d’après-guerre. Proche des mouvements minimalistes, Heinz Mack s’intéresse alors à la lumière et à sa malléabilité à travers une création d’installations monolithiques ou encore d’illusions optiques.
Effets cinétiques, réflexions ou encore modification de l’espace, les formes géométriques de matières qui jouent avec la lumière perturbent la lecture de l’espace et des mouvements, et provoquent une interaction singulière entre l’œuvre et le spectateur qui, une fois entré dans l’exposition, prend place dans le monde lumineux et minimaliste de l’artiste.
L’entrée débouche sur l’atrium, un grand espace ouvert dans lequel sont exposés plusieurs travaux importants de l’artiste sous forme de grandes compositions. Sur un sol blanc détaché du parquet, Light Choreography présente certains des travaux les plus notables de l’artiste, formant une spirale de dix stèles dressées qui, avec ou sans fonctionnalité mécanique, réfléchissent chacune de manière différente la lumière et l’espace.
À côté, l’installation The Mechanical Ballet (1966/2015), un ensemble de sept monolithes en acier inoxydable dressés qui tournent sur eux-même. En plus d’être un hommage au film expérimental Ballet mécanique et à ses créateurs, Fernand Léger et Dudley Murphy, cette installation composée de stèles accentue les effets de lumière et de mouvement en multipliant l’environnement et les figures avec leurs nombreuses façades.
Chacune des salles de l’exposition qui entourent l’atrium attirent vers un passage particulier de la vie d’artiste et d’expérimentations de Heinz Mack, de sorte à proposer une expérience biographique globale de son œuvre. Dans la section « Cycle of Light », se retrouve quelques-unes des expériences optiques et cinétiques de Heinz Mack, produites dans les années 60 qui donnent une texture à la lumière avec un support motorisé.
Une autre partie de l’exposition, avec des œuvres des années 2000, montre un travail de la lumière en couleur qui coupe avec l’esthétique principalement monochrome du reste de l’exposition. Incrustées sur les murs sombres, les œuvres ici sont des allumages séquencés de différentes sources de lumière, tantôt tournoyantes ou clignotantes. La lumière déformée par les surfaces, les vitres et le mouvement provoquent des expériences visuelles futuristes qui rappellent aux effets spéciaux de films de science-fiction des années 90 et 2000, comme le Kinetic Light Cube, un cube blanc de lumière tournoyante qui semble sortir tout droit d’un vaisseau spatial.
Heinz Mack au Sahara : Tele-Mack
La deuxième partie de l’atrium donne sur l’ouvrage phare de l’exposition : le Sahara Project. Une grande installation reconstitue en partie l’installation-performance du Sahara Project que l’artiste a réalisé lors d’un voyage dans le désert de Tunisie en 1968, proposée avec une scénographie originale qui reproduit le paysage chromatique du désert. Pionnier du land art en Europe, Heinz Mack dressait dans ce désert de grandes figures métalliques régulières et déformées avec lesquelles il façonnait la lumière et l’environnement dans un ensemble à l’esthétique intemporelle.
Mais puisque personne ne pouvait assister à la performance au beau milieu du désert, Heinz Mack s’est accompagné d’une équipe de tournage avec laquelle il a filmé la performance et réalisé le film Tele-Mack, paru en 1969. C’est une des premières œuvres européennes exclusivement transmises par médias vidéos et télévisés.
Les expérimentations de la lumière de Heinz Mack sont en quelque sorte à la source de la mode des expositions sous forme de projection de lumière qui parviennent, aujourd’hui grâce au numérique, à produire un contact singulier avec le spectateur en le plongeant dans sa zone d’effet. Avec les moyens de l’époque, Heinz Mack a également dû « bricoler » son propre média audiovisuel pour diffuser le Sahara Project.
L’exposition passe très rapidement sur le caractère audiovisuel des œuvres de Heinz Mack pour se concentrer sur son esthétique singulière et son travail de la lumière dans et hors du paysage naturel. Toutefois, certaines d’entre elles ont contribué à un ancrage contemporain de certaines formes d’art modernes. Elles influencent toujours de nombreuses pratiques artistiques actuelles qui vont de l’art vidéo à l’art interactif et à l’art vidéoludique.
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