La démolition des tours de Hautepierre s’est invité comme sujet principal lors d’une réunion mardi 20 septembre, évoquant l’avenir de ce quartier à l’ouest de Strasbourg à l’occasion de la deuxième phase du plan de renouvellement urbain (PRU).
Malgré toutes les précautions oratoires de la directrice de territoire pour le quartier, Aurore Belouet, le projet a généré beaucoup d’inquiétudes parmi l’assistance, même s’il est susceptible d’être modifié selon les remarques et les critiques des habitants, et surtout, de l’Agence Nationale de Rénovation Urbaine qui en finance une bonne partie.
Ce deuxième PRU pour Hautepierre doit s’étaler sur 10 ans, et mobilisera 136 millions d’euros (dont 28 M€ de l’État). Il fait suite à la première vague de travaux qui avaient duré jusqu’en 2013 et qui avaient coûté 230 M€. Ce second PRU s’attelle au sud du quartier, et notamment aux mailles Éléonore et Brigitte, qui avait très peu bénéficié du premier plan.
Ce nouveau plan doit continuer à « faire de Hautepierre un quartier comme un autre« . Aurore Belouet et l’adjoint au maire pour le quartier, Serge Oehler (PS), espèrent même faire mieux, et inviter les habitants du centre-ville à redécouvrir Hautepierre en y ajoutant des espaces verts (un doux rêve qui a bien fait rire un habitant engagé du quartier, Salah Koussa, qui était dans le public) :
« On a eu beaucoup d’occasions d’échanger avec les habitants du quartier, que ce soit lors de la fête des voisins, des marchés, ou en faisant du porte à porte dans les mailles Éléonore ou Brigitte. Ce qui ressort, ce sont des problèmes d’isolation et d’hygiène, des problèmes de sécurité et d’accès pour la police, mais aussi le manque de pistes cyclables, d’aires de jeux pour enfants et d’animations l’été. Mais c’est aussi l’occasion de donner une autre image du quartier, notamment en changeant l’entrée de Hautepierre au niveau de l’hôpital. »
Adieu les immeubles face à l’hôpital ?
Pour ce faire, la Ville veut de la verdure. Aujourd’hui, quand on entre à Hautepierre en venant du centre ou avec le tramway, le regard est d’abord capté par le centre hospitalier universitaire. Un mastodonte qui a l’avantage d’attirer un public de tout le département. Il sert de pierre angulaire dans ce nouveau plan d’urbanisme, et même d’assise pour un second pôle commercial en plus de celui d’Auchan.
Mais de l’autre côté de la rue, ce sont 9 tours alignées les unes à côté des autres qui s’imposent, sans espace. Trop « muraille de Chine », dit Serge Oehler. Trop opaque. Bref, trop décor cliché pour un documentaire anxiogène sur la banlieue. Sur le Powerpoint de la Ville, deux diapositives de la vue se succèdent. Les cubes violets qui représentent les honnis bâtiments de la maille Éléonore disparaissent et laissent place à… une zone vide.
Aurore Belouet, sous les acquiescements de Serge Oehler, parle de « valorisation de l’intérieur des mailles », de prolongement du parvis de l’hôpital pour les piétons, et répète à l’envi le mot « création » pour évoquer des projets d’espaces verts. Mais les immeubles volatilisés n’ont échappé à personne. Combien disparaîtraient ? Lesquels ? Serge Oehler et Aurore Belouet n’apportent pas encore de réponses :
« On est sur des grands axes, on ne sait pas encore aujourd’hui quel immeuble sera réhabilité, quel immeuble sera démoli. Par contre, ce qu’on peut vous dire, c’est que oui, on propose des démolitions. Et les immeubles qui ne seront pas démolis seront réhabilités. À ce stade, c’est une première réponse. Après, on voit sur le plan que les immeubles visibles depuis le parvis de l’hôpital disparaîtraient. »
Sur l’îlot Brigitte à l’Ouest, même projet. Le bois déjà existant serait prolongé aux dépens du parking près de la mosquée, et accueillerait des aires de jeux pour enfants. Les propositions ne laissent personne indifférent, à commencer par Geneviève Manka, représentante de la Confédération nationale du logement (CNL) de Karine, une maille voisine :
« Ce qu’on a vu sur le Powerpoint, c’est très joli mais à la CNL, ça nous inquiète énormément. Les habitants d’Eléonore nous le disent sans cesse : « qu’est-ce qui va nous tomber dessus ? Si ce document est validé tel quel et que les démolitions sont actées, ça on en veut pas. »
« On ne fait pas d’omelettes sans casser des oeufs »
Réponse laconique de Serge Oehler : « On ne fait pas d’omelette sans casser des oeufs. » Plus diplomate, Aurore Belouet rappelle qu’une bonne partie des personnes dans les logements visés souhaite quitter le quartier, et que les logements sociaux détruits seront remplacés, à Hautepierre ou ailleurs. De l’aveu de Serge Oehler, le but est aussi de diminuer la concentration de logements sociaux dans ce quartier :
« On a des quartiers populaires, que l’on peut désigner sous des sigles ou des acronymes technocratiques, mais ça reste des quartiers populaires. On leur a reproché de concentrer le logement social, et donc les difficultés. Aujourd’hui, on essaie de mieux répartir le logement social à l’échelle de Strasbourg et de la métropole. Et pour ça, il faut démolir. »
Les arguments trouvent grâce auprès de certaines oreilles, qui se réjouissent déjà de l’océan de verdure annoncé sur l’îlot Eléonore :
« J’étais à l’hôpital il y a peu. Et j’ai été saisie de voir une dame aller se promener dans le petit bois juste en face. C’était magnifique, la lumière était parfaite, elle a commencé à faire des photos. Pour qu’une dame fasse des photos à Hautepierre, elle n’était sûrement pas du quartier. Ce parc en face de l’hôpital, ça peut-être une excellente chose pour les patients, pour les gens qui ne connaissent pas Hautepierre et pour les habitants ! »
La place Pétrarque appelée à disparaître ?
Autre chamboulement dans la maille Éléonore : une piste cyclable qui permettrait aux habitants de se rendre dans la maille voisine, Brigitte, sans avoir à emprunter une artère comme la rue Racine. Le but : ramener du passage à l’intérieur des mailles. Sauf qu’une telle voie pourrait remettre en cause l’existence des places Pétrarque et Erasme. Là, c’est Gérard Berna, président du Conseil syndical de copropriété des logements privés situés place Pétrarque qui râle. La faible circulation aux abords des immeubles qu’il représente lui va très bien.
« Cette voie sous nos immeubles, on en veut pas. Il y avait un projet sous Fabienne Keller qui proposait de faire passer une voie devant les habitats CUS, on était pour. »
En revanche, il voit plutôt d’un bon oeil la possible démolition des logements sociaux en face de l’hôpital. Tous semblent d’accord pour un grand ravalement de façades… si possible chez le voisin. La concertation ne fait que commencer.
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