« La semaine dernière, ce sont des ouvriers qui m’ont porté jusqu’à mon appartement. » Dans son logement social de la route de l’Unterelsau, au deuxième étage, Antoine Mannarelli désespère. Depuis 2020, ce retraité en fauteuil roulant occupe un logement social « adapté aux personnes à mobilité réduite », mais depuis avril, il ne peut plus compter sur l’ascenseur pour lui permettre de sortir et de rentrer chez lui.
Vendredi 15 novembre vers 11h, une étiquette collée à la porte coulissante explique que l’ascenseur est « momentanément indisponible ». Selon le sexagénaire, il s’agit d’un dysfonctionnement récurrent :
« Il marche parfois quelques heures puis il est de nouveau en panne pendant des jours. Par exemple mercredi, j’ai pu sortir de chez moi mais lorsque je suis rentré, il ne fonctionnait plus, j’étais bloqué hors de chez moi. J’ai dû appeler mon voisin, qui a appelé un ami et ils m’ont porté ensemble jusqu’à chez moi. Mais ce n’est pas à eux de faire ça. »
« Ça me rend fou »
Lorsque l’ascenseur est indisponible, Antoine reste cloitré chez lui, un crève-cœur alors que le retraité aime sortir tous les jours, pour faire des courses ou simplement aller boire un café. « Ça me rend fou de rester ici », soupire-t-il.
Lorsqu’il constate que l’ascenseur ne fonctionne pas, Antoine appelle lui-même le technicien de l’entreprise Otis. « Ils le réparent, ça marche quelques heures, puis rebelote », soupire-t-il. Il appelle aussi son bailleur social, Ophéa. « Mais ils me disent d’appeler Otis », explique-t-il, exaspéré. « Et parfois, l’ascenseur fonctionne mais il s’arrête trop haut d’une quinzaine de centimètres, donc je ne peux pas rentrer dedans », explique-t-il.
Depuis novembre, le retraité avoue ne plus appeler le technicien systématiquement, las de devoir se battre pour pouvoir simplement aller et venir dans son appartement. « Cette situation me dégoute », lâche-t-il. « Quand je sais que je vais sortir, j’appelle mes voisins la veille pour leur demander s’ils sont là », poursuit-il avant de jeter les yeux vers la maison d’arrêt de l’Elsau, à quelques mètres de sa fenêtre :
« Parfois je me sens tellement dépendant des autres que j’ai l’impression d’être en cellule moi aussi, ça me rend dingue. J’ai même appelé les pompiers pour qu’ils m’aident à monter une fois, mais ils m’ont dit que ce n’était pas leur travail. Et je pense que je ne peux pas appeler la police pour ça, car ça n’est pas leur travail non plus. »
En revanche, « pour les rendez-vous médicaux ça va, car les ambulanciers me portent, c’est leur métier », explique-t-il.
« On le porte à deux »
Au dernier étage de l’immeuble, Sevik, 40 ans, est un voisin habitué des appels d’Antoine. Manutentionnaire et père de deux enfants, il est arrivé dans l’immeuble en 2023. « Si je suis là, j’appelle un ami et on le porte à deux », explique-t-il mais cette situation l’agace :
« Je ne peux pas le laisser comme ça, donc je l’aide mais je ne suis pas formé à porter quelqu’un dans des escaliers. En plus, il y a beaucoup de vieilles personnes dans l’immeuble, personne d’autre ne peut aider Antoine. »
Peu avant midi, vendredi 15 novembre, l’autocollant indiquant la panne a été enlevé de la porte coulissante de l’ascenseur. Au même moment, un jeune rentre dans l’immeuble. Trottinette électrique à la main, il rigole à l’évocation de l’ascenseur pour monter chez lui. « Ça ne sert à rien, ça ne marche jamais », explique-t-il.
Contactée, la communication du bailleur social Ophéa explique avoir dépensé plus de 13 000 euros pour les réparations de cet ascenseur lors de l’été 2024. Le 15 novembre, elle indique que l’appareil « fonctionne et présente un taux normal de disponibilité ces dernières semaines ». En plus des pannes de l’été, elle a connaissance de deux pannes depuis octobre 2024, « liées à l’usage ». Selon Ophéa, son prestataire Otis intervient immédiatement après chaque signalement des locataires.
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