Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

« Halte à la destruction des espaces verts et des lieux de pratiques sportives »

Plus de cinquante sportifs de haut niveau et professionnels du sport signent une tribune sur Rue89 Strasbourg pour demander à l’Eurométropole d’arrêter de supprimer des espaces verts et des lieux dédiés à la pratique du sport, au bénéfice des logements et des routes.

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Chaque espace de l'agglomération est dévolu au logement ou aux transports selon les signataires de cette tribune (Photo Anders Lejczak / FlickR / cc)

Nous, sportifs de haut niveau, entraîneurs, animateurs, éducateurs, professionnels et dirigeants du sport ; en tant que principaux protagonistes des activités physiques et sportives, nous cherchons quotidiennement à répondre aux enjeux de société dans leur dimension de loisirs, d’éducation physique et sportive, et de santé publique. Nous déplorons que les espaces de jeu et d’activités sportives, urbains ou de villages, déjà massivement soumis aux émanations carbonées produits par la pollution ambiante, se réduisent comme peau de chagrin à Strasbourg et dans les communes de l’Eurométropole.

Bitume, béton, immeubles, véhicules à moteur, parkings, ronds points, échangeurs ou carrefours… envahissent tous les jours davantage l’agglomération. Ils font disparaître les espaces arborés, les parcs et aires de jeu et les terrains de sports qui font respirer et vivre nos quartiers. Quant aux étendues verdoyantes et boisées, aux lisières des zones habitées, elles s’éloignent de plus en plus de la cité par l’artificialisation ininterrompue des sols. Elles sont de plus en plus difficiles à atteindre pour se délecter d’une course, d’une marche, d’une sortie à vélo parmi les papillons, abeilles et autres passereaux… en voie de raréfaction aussi.

« Nous souffrons de la pollution atmosphérique »

L’activité physique qui entretient notre vitalité physique et mentale est mise à mal. Nous en faisons l’expérience quotidiennement dans nos pratiques sportives ou dans le cadre des activités que nous proposons à nos publics. L’effort musculaire, si bénéfique à notre bien être, souffre des polluants inhalés dans notre organisme. L’impact de cette pollution est exacerbé par l’hyperventilation respiratoire de l’effort physique. Le bénéfice attendu de l’activité physique est concurrencé par les effets délétères de la pollution dont nous sommes victimes. Ainsi, partout dans notre environnement s’élaborent sournoisement « les infarctus, accidents vasculaires cérébraux, pathologies respiratoires, neurologiques, fœtales, et cancers » que la lucidité et la raison de nos amis médecins appellent à combattre.

Sur la dégradation continue de la qualité de l’air : l’agglomération strasbourgeoise s’inscrit dans les 14 zones urbaines les plus polluées de France. Notre pays méprise les injonctions et pénalités du Conseil d’Etat (juin 2017) pour non respect des normes de pollution de l’air. Et à présent la France, donc l’Eurométropole indirectement, est sous le coup d’une amende de la Commission Européenne pour ces mêmes raisons. En cela nous sommes solidaires de l’appel des médecins et des méfaits qu’ils dénoncent.

« Les terrains en friche ne sont jamais réaffectés en espaces naturels »

Concernant les espaces naturels ou aménagés que nous réclamons pour la pratique sportive : jamais en cette Eurométropole nous n’observons un terrain en friche, un vieil îlot de bâtiments rasés, ou une opportunité foncière, réaffectés en espace naturel ou de jeu, ou en parc pour nos activités physiques. Des lieux où nos enfants et nos poumons en manque d’oxygène pourraient espérer reprendre un peu haleine !

Ainsi, route des Romains, à l’entrée de Koenigshoffen, nous nous réjouissions tous de l’extension de la ligne du tram F. Mais était-il nécessaire de sacrifier autant les espaces de sports voisins du gymnase de l’ASPTTS ? L’équivalent, au moins, de 3 ou 4 terrains de football. Terrains amenés à devenir (encore) un nouvel espace réservé aux voitures. Sans compter les bretelles autoroutières redessinées à cet endroit qui grignoteront un bout supplémentaire de ce qu’il reste de la « ceinture verte » de Strasbourg. En quels lieux, ces espaces verts de jeux détruits seront-ils remplacés ou compensés ? Ils ne sont à présent plus qu’un souvenir inscrit dans une page de l’histoire de ce quartier.

Sur ce que l’on surnomme le « Boulevard du Rhin », de l’avenue des Vosges vers le Port-du-Rhin, et plus au sud sur le trajet qui mène de l’avenue Jean-Jaurès vers l’Allemagne. Dans ces quartiers se vivent au quotidien la nuisance des voitures et des camions. Les gaz d’échappement nous prennent à la gorge. Les piétons et cyclistes souffrent, manifestent, pétitionnent… Mais rien n’est fait.

« Marcher, courir, pédaler est un combat »

Là, marcher, courir, pédaler, est un combat qui s’apparente à la dernière aventure physique des temps modernes. Les horizons bétonnés s’imposent définitivement à nous, omniprésents et oppressants. Irrespirables. La densification urbaine ne devrait pas se traduire par la perte d’espaces naturels, observable jusqu’à la moindre « dent creuse » de ces quartiers. Nul espace vert n’est apparu parmi les constructions incessantes de ces zones géographiques. Les décideurs politiques de l’Eurométropole laissent proliférer et cautionnent cette dérive continue de béton et de bitume sans qu’émerge la moindre parcelle verte.

Chaque espace de l'agglomération est dévolu au logement ou aux transports selon les signataires de cette tribune (Photo Anders Lejczak / FlickR / cc)
Chaque espace de l’agglomération est dévolu au logement ou aux transports selon les signataires de cette tribune (Photo Anders Lejczak / FlickR / cc)

En grande périphérie ouest de la banlieue strasbourgeoise, au milieu des espaces agricoles et boisés de nos magnifiques villages alsaciens, un Grand Contournement autoroutier Ouest (GCO) est en train d’apparaître. Ce projet ne permettra pas de désengorger Strasbourg de son trafic routier. Il ne permettra pas davantage de diminuer la pollution urbaine dans l’agglomération. Le trafic des poids lourds à la lisière de l’agglomération, avec son nuage de pollution porté par les vents dominants d’ouest vers Strasbourg, augmentera considérablement. À choisir entre les autoroutes allemandes lourdement taxées et un transit alsacien quasi gratuit, le choix sera forcément celui d’une traversée Nord-Sud de l’Alsace.

Ces 24 km d’autoroutes vont effacer de nombreux espaces naturels et agricoles du Kochersberg et du Ried de la Bruche. Entre l’emprise de cette autoroute et l’ouest actuel de l’agglomération strasbourgeoise de nouveaux projets urbains détruiront des terres, des champs, des bois encore accessibles aujourd’hui, où il possible d’entretenir sa condition physique et sa santé.

Il est question aussi de requalifier l’A35 en boulevard urbain, une nouvelle grande artère urbaine en somme. Elle sera une porte ouverte au développement de nombreuses sorties de jonction entre l’A35 et les quartiers strasbourgeois que l’on voudra desservir. Là, qui peut en douter, de nouvelles zones d’habitation et d’activités économiques apparaîtront. Et le cycle infernal de la pollution et des espaces verts détruits s’étendra. Autour de l’étang de Gerig disparaîtra sans doute à terme un des derniers poumons strasbourgeois tant apprécié des sportifs, et bien visible encore en roulant sur la A35, entre l’Elsau jusqu’aux abords d’Ostwald.

« Seuls des lopins de verdures chétifs demeurent »

Nous avons observé ce qu’il est advenu en quelques années des espaces verts qui s’étendaient à l’ouest de Lingolsheim et de Wolfisheim, en direction d’Entzheim… Seuls des lopins de verdures chétifs demeurent.

Pourquoi n’avoir pas été plus ambitieux lors du réaménagement du quartier des Poteries et de Hautepierre, en y faisant émerger des réels espaces verts plutôt qu’une continuité de bâtiments et de rues agrémentés de quelques arbres en cache misère ?

Qu’adviendra t’il de la forêt primaire et multiséculaire du Grittwald à Vendenheim ? Elle est promise à devenir en grande partie un gigantesque échangeur autoroutier au carrefour de l’A4, de l’A35 et du futur grand contournement ouest de Strasbourg s’il se construit. Huit hectares de forêt abattue récemment viennent d’ores et déjà amputer le parcours de santé de Vendenheim.
Là où naît une route disparaît un coin de verdure, un espace de jeu, une possibilité de faire du sport. Est-ce inéluctable ?

« Bientôt une mort administrée par ordonnance ? »

Face à la morbidité et la fuite en avant du système économique actuel, nous réclamons haut et fort la primauté de la place de l’humain dans la cité et le respect de la nature et du vivant. Des mesures fortes – afin que les espaces naturels ou aménagés soient protégés et développés – doivent s’ériger en priorité quand aménagements et développements urbains sont envisagés. À l’heure de la prescription médicale du sport faut-il se résoudre à une mort administrée par ordonnance ? N’est-il pas raisonnable de dénoncer ceux qui définissent les politiques d’aménagements urbains et qui pourraient avoir un jour à rendre des comptes devant la justice pour leurs négligences dans le domaine de la santé ?

Pour toutes ces raisons :

  • Nous nous déclarons solidaires de l’ « Appel de 69 médecins pour demander des solutions efficaces contre la pollution de l’air » au sein de l’Eurométropole,
  • Mais nous interpellons aussi les pouvoirs publics pour leur demander de mettre un terme à la régression programmée et continue des espaces verts urbains propices à l’activité sportive,
  • Nous demandons aux élus eurométropolitains que chaque mètre-carré d’espace vert supprimé à un endroit soit restitué dans sa totalité dans un autre espace urbain de l’agglomération,
  • Nous appelons ces mêmes élus à une prise de responsabilité et de conscience. On ne peut pas affirmer faire de la politique « autrement », et se renier systématiquement quand l’heure des choix vous engage. Il n’est plus temps de tergiverser. Il n’est plus tolérable de repousser à plus tard les bons choix.

#urbanisation

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