« J’ai quitté mon service en début d’année. Puis j’en ai eu ras-le-bol. J’étais dans un tel stress que je n’avais plus envie de rien. » Carine (le prénom a été modifié à sa demande) manifeste devant l’entrée des urgences du Nouvel hôpital civil (NHC) mardi 20 juin. Ils sont une cinquantaine à avoir répondu à l’appel d’une intersyndicale hospitalière (CGT, FO, CFTC et Sud). Sous le soleil de plomb, la secrétaire énumère les difficultés croissantes ces dernières années : des malades de plus en plus nombreux, des délais de prise en charge qui atteignent trois mois, pour des « patients dans des situations financières dramatiques », des insultes et autres agressions des soignants qui se banalisent…
« L’État ne paye pas et nous met le couteau sous la gorge »
Heureuse de ne plus être en contact avec les patients aujourd’hui, Carine s’inquiète pour sa remplaçante : « On était deux secrétaires. J’ai été remplacée mais ma collègue est partie en arrêt maladie. Cela signifie que ma remplaçante prend la relève seule. J’ai connu cette situation. J’étais au bord du burn-out. » Témoin d’un hôpital public qui ne cesse de s’effondrer, la salariée des HUS constate avec tristesse la faible mobilisation du jour :
« Cette situation de débordement des urgences et des services dure. On a l’impression que c’est une politique de notre direction que l’hôpital public meure… »
Aux alentours de 13h30, le secrétaire du syndicat CGT des Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS) prend la parole. La voix pleine de colère, amplifiée par une enceinte, Pierre Wach interpelle le député Renaissance de Strasbourg-3, Bruno Studer :
« Où est-il le député Studer qui a promis à la CGT, lors de sa dernière mandature, qu’il allait intervenir en faveur de la question du grand âge ? Qu’il aille regarder, les yeux dans les yeux, les agents et les patients en gériatrie.
Le CHRU de Strasbourg clôture son budget avec 30 millions de déficit alors que l’État nous doit 15 millions pour financer le dispositif Ségur. L’État ne paye pas et en même temps nous met le couteau sous la gorge, nous demandant encore plus de suppressions de postes. Dans le contrat d’avenir des HUS, qui n’est que le plan de redressement de notre établissement, d’ici 2025 le directeur général doit économiser cinq millions d’euros en supprimant des postes alors que nous manquons de bras. »
« Pour Macron, il n’y a que les chiffres »
Au milieu des blouses blanches, le président de la République Emmanuel Macron n’a pas bonne réputation. Dans un petit groupe de collègues, qui ont préféré garder l’anonymat, une autre secrétaire d’accueil se plaint de la « logique comptable » qui dicte le fonctionnement de l’hôpital public : « En même temps, Macron était banquier. Pour lui, il n’y a que les chiffres. »
L’une après l’autre, chaque salariée apporte une nouvelle preuve de la dégradation continue de la prise en charge des patients. La première évoque la fermeture de l’unité d’hospitalisation de courte durée tous les après-midis pendant une semaine au début de l’année 2023. Une deuxième évoque le « stress permanent » subi au sein du service et ces « collègues qui prennent des médocs pour tenir ». Une troisième employée parle de sa grand-mère, qui a mis quatre heures à être prise en charge à domicile par le Samu après une défaillance multiviscérale. Elle dit être venue en solidarité avec le Dr Sébastien Harscoat, qui a dénoncé la situation des urgences strasbourgeoises dans un documentaire de France 2.
Aucun psychologue pour les agents des HUS
Énième mauvaise nouvelle pour la santé des salariés des HUS : selon les syndicats CGT et Sud, l’unique psychologue du travail pour les 9 000 agents de l’hôpital public a quitté son poste. De même, il n’y a plus que trois médecins du travail en activité dans l’hôpital, contre cinq en 2022. « Ils ont fui face à la quantité d’agents qui viennent les voir pour des risques liés à leurs conditions de travail », explique Sandrine Cnockaert du syndicat Sud. Contactée par Rue89 Strasbourg, la direction des HUS n’a pas souhaité s’exprimer sur ces sujets.
Une autre grève, plus localisée, devrait avoir lieu jeudi 22 juin. Le délégué Force ouvrière Christian Prud’homme a déposé un préavis de grève concernant les personnels de « chirurgie générale hépatique endocrinienne et transplantation », à l’hôpital de Hautepierre :
« Après avoir rencontré l’équipe des infirmières de blocs opératoires et constatant une non-prise en considération de leurs conditions de travail, plus que fortement dégradées, dont l’une des principales causes est l’insuffisance de l’effectif de l’équipe. (…) Le rythme imposé en astreinte et le temps de travail effectif ne peut perdurer en l’état. Aujourd’hui, ces professionnels se voient attribuer des lignes de planning contradictoires. À ce jour, il n’a pas été trouvé de solution permettant de revenir à un rythme cohérent, amenant une sérénité organisationnelle et leur assurant une possibilité d’organiser leur vie privée. »
Le mouvement de grève est annoncé pour la journée du jeudi 22 juin, sauf si des réponses apportées par la direction lors d’une réunion mardi 20 juin à 18h sont satisfaisantes.
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