Mercredi, la Société des Journalistes d’Arte, le Syndicat national des Journalistes (SNJ) et trois autres syndicats de la chaîne ont appelé à la grève. Ils demandent la suppression de la limite de 60 jours de travail par an, imposée aux journalistes pigistes et aux intermittents. Ce plafonnage du temps de travail a été présenté l’année dernière par la direction comme une contrepartie du plan d’intégration. Un plan qui, depuis 2019, a permis à 18 pigistes et intermittents qui avaient travaillé avec la chaîne franco-allemande plus de 60 jours par an entre 2015 et 2018, d’être titularisés.
Une limitation du temps de travail qui précarise pigistes et intermittents
Pour Fanny Lépine, journaliste à Arte et syndiquée au SNJ, cette limite de 60 jours annuels est « hors des réalités du terrain » et précarise des travailleurs déjà fragiles. « On va par exemple former trois intermittents, chacun limité à 60 jours de travail par an, pour un poste qu’une seule personne à plein temps aurait pu occuper. Le résultat, c’est que maintenant on précarise trois personnes », explique l’ancienne pigiste, également représentante du personnel.
À l’issue d’une rencontre syndicale le 21 mai, la chaîne s’est dite prête à assouplir la limite de 60 jours au cas par cas pour les 20 pigistes qui travaillent actuellement avec Arte sur les trois bureaux de Strasbourg, Berlin et Paris. Mais cela ne satisfait pas pour autant les grévistes :
« On pense aussi aux futurs pigistes et intermittents. Il y a beaucoup de jeunes journalistes qui commencent leur carrière en vendant des piges. Avec cette limite, on ne leur offre aucun avenir. Et c’est dommage, car on va perdre des étudiants qui ont vraiment du potentiel et un bon profil. »
Un constat partagé par Lise (le prénom a été changé), jeune pigiste allemande : « En ne travaillant que cinq jours éparpillés dans le mois, c’est impossible de progresser. En plus, quand on débute, on nous demande de proposer des sujets, de faire nos preuves. Et vers la fin de l’année, quand je proposais des reportages, on me rappelait que j’arrivais à ma limite. La contradiction est usante », soupire-t-elle.
60 jours par an, trop peu pour rester motivé
Lise aime travailler pour Arte. Elle espère que la mobilisation aboutisse à la suppression de cette limite. Mais la jeune diplômée réfléchit parfois à changer de métier : « C’est compliqué d’être créatif et de mettre de l’énergie dans son travail, quand on doit réfléchir à comment on va pouvoir payer son loyer ce mois-ci », déplore la jeune journaliste. Parfois, quelques CDD de remplacements lui permettent de travailler plus de 60 jours par an, « mais ce n’est pas une solution sur le long terme, l’insécurité persiste », ajoute-t-elle.
Fanny Lépine souligne elle aussi la difficulté pour les pigistes à s’impliquer dans le travail, « quand on est uniquement considéré comme un risque juridique ». D’après elle, cette limite a des conséquences éditoriales :
« À Arte, on travaille beaucoup à partir de propositions de reportages. Maintenant, avant de choisir un sujet, la première chose qu’on doit prendre en compte, ce n’est plus la valeur éditoriale d’un sujet, mais si la personne qui le propose a encore le droit de travailler, et si elle ne peut pas, on doit refuser un bon sujet. »
Le système mis en place par Arte semble par ailleurs déjà avoir trouvé ses limites. Les besoins de la chaînes n’ont pas diminué et l’année dernière, Lise a été appelée en renfort, alors qu’elle avait déjà atteint la limite de ses 60 jours.
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